Analyse des options concernant la modification de la réglementation légale de la garde et du droit de visite des enfant

2001-FCY-2E

DEUXIÈME OPTION : LA RESPONSABILITÉ PARENTALE ET LES ORDONNANCES PARENTALES

Un certain nombre de pays ont abandonné les régimes parentaux fondés sur les notions de garde et de droit de visite pour adopter des régimes fondés sur les notions de responsabilité parentale, d'ordonnances et d'ententes parentales. La responsabilité parentale est une notion large qui vise à désigner toute la gamme des obligations et des pouvoirs que les parents ont à l'égard de leurs enfants. Ce deuxième modèle de réforme énumère les différentes composantes de la responsabilité parentale et autorise les parties et les tribunaux à répartir ces éléments entre les parents. La répartition de la responsabilité parentale pourrait découler d'une ordonnance parentale prononcée par un tribunal ou d'une entente parentale élaborée par les parents. Un tel modèle ne privilégie aucune répartition particulière de la responsabilité parentale. Il contiendrait une liste d'éléments (qui prendrait la forme, peut-on présumer, d'un énoncé des divers aspects de l'intérêt de l'enfant) dont les parties et les tribunaux devraient tenir compte pour répartir la responsabilité parentale.

La présente section traite de trois questions distinctes mais connexes :

Nous y exposons les différentes façons dont une Loi sur le divorce réformée pourrait définir et préciser la responsabilité parentale, les ordonnances et les ententes parentales. Nous décrivons les aspects essentiels de la problématique d'un régime axé sur une notion neutre de la responsabilité parentale. Nous évaluons enfin les avantages et les inconvénients d'un tel modèle de réforme.

Il convient de signaler, à titre d'avertissement, que la présente section se fonde sur l'expérience qu'ont connue un certain nombre de pays qui ont remplacé les notions de garde et de droit de visite par celles de responsabilité parentale, d'ordonnances et d'ententes parentales. C'est ce qui explique que notre analyse comparative s'appuie fréquemment sur des pays qui n'ont pas véritablement adopté un modèle neutre de la responsabilité parentale mais qui utilisent la notion d'exercice conjoint de la responsabilité parentale dans leurs textes législatifs. Par exemple, la Children Act 1989 du Royaume-Uni (Loi du R.-U. de 1989 sur les enfants) et la Family Law Reform Act 1995 de l'Australie (Loi australienne de 1995 sur la réforme du droit de la famille) font tous deux appel à la notion d'exercice conjoint de la responsabilité parentale. La Maine Domestic Relations Act (Loi sur les relations familiales du Maine) fait également référence au partage de la responsabilité parentale comme étant une mesure pouvant être prise par ordonnance. On pourrait penser, à première vue, qu'il serait préférable d'analyser la troisième option à la lumière de l'expérience de ces administrations, mais il nous a paru souhaitable et utile d'examiner ces différents régimes avec l'examen de la deuxième option. L'étude de la situation qui existe dans chacune de ces administrations peut être fort utile lorsqu'il s'agit de préciser la portée, le contenu et la répartition de la responsabilité parentale selon la deuxième option de réforme(237). Les diverses façons dont ces administrations ont axé leur régime sur la notion de partage de la responsabilité parentale sont examinées dans le cadre de l'analyse de la troisième option, ci-dessous. Dans la présente section, l'étude se fonde sur ces administrations, ainsi que sur d'autres, pour examiner la gamme des possibilités et des difficultés que soulève un régime législatif fondé sur un modèle neutre de la responsabilité parentale(238).

LA RESPONSABILITÉ PARENTALE

Comme nous en avons discuté dans l'étude de l'option un, l'introduction de la notion de responsabilité parentale a pour but de centrer davantage sur l'enfant les dispositions relatives au divorce en privilégiant les besoins des enfants et la responsabilité qu'ont les parents de répondre à ces besoins. Cependant, à la différence de la première option, dans ce modèle, la responsabilité parentale a pour objet de remplacer les notions de garde et de droit de visite pour restructurer le rôle des parents au cours de la séparation et du divorce. La question centrale examinée dans la présente section est celle de la définition de la responsabilité parentale. Nous commençons par examiner la façon dont la responsabilité parentale a été définie dans d'autres administrations et examinons ensuite s'il convient de donner une définition générale ou spéciale de cette expression.

L'expérience étrangère

Envisagé sous son aspect le plus général, la notion de « responsabilité parentale » est très large et vise à englober tous les pouvoirs et les obligations que possèdent les parents à l'égard de leurs enfants. La Children's Act du Royaume-Uni, par exemple, à laquelle nous nous sommes référé ci-dessus, définit la responsabilité parentale comme désignant « tous les droits, devoirs, pouvoirs, responsabilités que le droit attribue à un parent à l'égard de son enfant et de ses biens(239). » La loi australienne utilise une définition semblable selon laquelle cette notion comprend « tous les pouvoirs, devoirs, responsabilités que le droit accorde aux parents à l'égard de leurs enfants(240). » La définition utilisée dans la loi du R.-U. a été critiquée non seulement parce qu'elle est très générale mais aussi parce qu'elle « renvoie immédiatement aux notions de droits et obligations que celle de "responsabilité" devait remplacer(241). » Certains estiment que la définition australienne constitue une amélioration par rapport à l'autre définition parce qu'elle omet le terme « droits » mais qu'elle est quand même trop générale(242).

Par contre, la Children Act écossaise (Loi sur les enfants), bien qu'elle s'inspire de la loi du R.-U., contient une définition plus complète, et beaucoup moins générale, de la responsabilité parentale. Le paragraphe 1(1) se lit ainsi :

Le parent assume, à l'égard de son enfant, la responsabilité de :

  • (a)protéger et favoriser sa santé, son développement et son bien-être;
  • (b) lui fournir, en fonction de son degré de développement,

    • (i) des directives et
    • (ii) des conseils;

  • (c) lorsque l'enfant ne vit pas avec lui, maintenir des relations personnelles et avoir des contacts réguliers avec lui;
  • (d) agir en qualité de représentant légal de l'enfant dans la mesure où cela est conforme au présent article et dans l'intérêt de l'enfant.

La Domestic Relations Act du Maine utilise l'expression « attribution des responsabilités et droits parentaux » et énumère dans la définition les divers types de responsabilités qui peuvent être attribuées aux parents :

Les aspects du bien-être de l'enfant dont la responsabilité peut être répartie comprennent la résidence physique principale, les contacts avec l'autre parent, l'entretien, l'éducation, les soins médicaux et dentaires, l'éducation religieuse, les limites et les frais des déplacements ainsi que tout autre aspect des droits et des responsabilités parentales.

Dans le même ordre d'idées, les recommandations de la Section nationale du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien en matière de responsabilité parentale contiennent une liste plus complète des facteurs à prendre en considération. Comme nous l'avons mentionné au sujet de la première option ci-dessus, l'Association recommande que la Loi sur le divorce soit modifiée en y insérant une déclaration indiquant que, sauf ordonnance judiciaire fondée sur l'intérêt de l'enfant, tous les parents ont des responsabilités envers leurs enfants. Les recommandations de l'ABC concernaient la première option, et visaient donc le régime actuel de garde et de droit de visite, mais elles pourraient néanmoins s'avérer fort utiles pour définir les composantes de la responsabilité parentale dans le cadre de l'option deux(243). La liste présentée par l'ABC semble s'inspirer étroitement de la Parenting Act 1987 (Loi sur les parents) de l'État de Washington, qui définit les fonctions parentales comme étant [Traduction] « les aspects de la relation parent-enfant où le parent prend les décisions et exerce les fonctions nécessaires à l'entretien et à la croissance de l'enfant. » Ces fonctions comprennent ce qui suit :

  • (g) entretenir une relation d'affection stable, cohérente et stimulante avec l'enfant;
  • (h) veiller aux besoins quotidiens de l'enfant, qu'il s'agisse de son alimentation, de ses vêtements, de son entretien physique et de sa toilette, de sa surveillance, de sa santé ou de sa garde, et entreprendre d'autres activités conformes à son niveau de développement et à la situation économique et sociale de la famille;
  • (i) veiller à l'éducation de l'enfant, y compris, s'il y a lieu, tout enseignement spécial ou autre type d'éducation conforme à l'intérêt de l'enfant;
  • (j) aider l'enfant à développer et à entretenir des relations interpersonnelles valables;
  • (k) prendre les décisions qui s'imposent eu égard au bien-être de l'enfant, en fonction de son niveau de développement et de la situation sociale et économique de la famille;
  • (l) subvenir aux besoins de l'enfant sur le plan financier(244).

Le régime de l'État de Washington privilégie l'élaboration d'ententes parentales pour l'attribution des fonctions parentales mais l'on pourrait fort bien avoir recours à cette définition des fonctions parentales pour formuler une définition détaillée de la responsabilité parentale.

Évaluation : Définition générale ou détaillée?

Il est utile de tenir compte de l'expérience du Royaume-Uni et de l'Australie dans ce domaine pour définir la notion de responsabilité parentale dans le cadre de la deuxième option. Comme nous l'avons noté, les régimes du R.-U. et de l'Australie comprennent tous les deux une définition très générale de la responsabilité parentale qui n'en précise aucunement les dimensions particulières. La généralité et l'imprécision de cette notion ont fait l'objet de vives critiques. Dans le cas du R.-U., John Eekelaar, par exemple, a fait remarquer que « la responsabilité parentale est une des notions les plus complexes à saisir que l'on retrouve dans la Children's Act 1989(245). » Les tribunaux ont été amenés, de façon répétée, à déterminer la portée et le contenu de la notion de responsabilité parentale. Le lord juge Ward a fait remarquer dans une certaine affaire que les appels concernant les demandes présentées par des pères non mariés qui souhaitent se voir attribuer la responsabilité parentale aux termes de la loi « sont devenus un domaine restreint dont la croissance accélérée découle d'un malentendu(246). » Le Tribunal de la famille australien a fait également remarquer que la définition de la responsabilité parentale de la Family Law Act, telle qu'elle a été modifiée par la Family Law Reform Act 1995, « n'offre guère d'utilité puisqu'elle se fonde sur la common law et sur les lois applicables pour en préciser le contenu(247). »

Avec un modèle neutre, il est nécessaire que la responsabilité parentale soit définie de façon plus précise. Tout d'abord, une définition plus détaillée pourrait favoriser l'objectif général de réduction des conflits et des litiges. Une définition imprécise de la responsabilité parentale risque davantage de susciter des litiges concernant sa portée et son contenu. Ce risque est encore plus grand dans le cas d'un régime légal, comme celui qui a été adopté par le R.-U. et l'Australie, qui prévoit le partage de la responsabilité parentale. Si cette autorité doit être partagée entre les parents, il faut évidemment que les parents puissent savoir, avec un minimum de précision, ce qu'il y a exactement à partager. Dans un modèle neutre de la responsabilité parentale, une définition trop générale risque également de faire problème. Comme nous en discuterons dans la section qui suit, dans ce modèle, la responsabilité parentale doit être expressément répartie soit par les tribunaux sous la forme d'une ordonnance parentale, soit par les parties par le biais d'une entente parentale.

Une définition vague risque également d'augmenter le nombre des litiges. Les parents séparés ne connaissant pas la portée et le contenu de la responsabilité parentale risquent davantage de demander aux tribunaux de prononcer des ordonnances sur cette question que de tenter de régler eux-mêmes ces questions par le biais d'une entente parentale. Avec une définition vague, les tribunaux vont être obligés de préciser progressivement la portée et le contenu de la responsabilité parentale. En attendant que les tribunaux aient précisé clairement le sens de cette notion, l'incertitude qui en entoure le contenu risque d'inciter les parents à solliciter l'intervention des tribunaux. En outre, une définition formulée par les tribunaux risque également d'être modifiée par eux, ce qui laisse entrevoir la possibilité de nouveaux procès à l'avenir. À court terme, il est inévitable qu'une réforme législative d'une telle ampleur suscite un certain nombre de litiges. Les tribunaux seront nécessairement amenés à interpréter le sens exact des nouvelles dispositions et les rapports qu'elles entretiennent. Cependant, si ces notions sont formulées de façon plus détaillée, en particulier une notion aussi essentielle pour ce modèle que celle de responsabilité parentale, il est certain que le travail des tribunaux et des parents en sera facilité pour ce qui est de la formulation des ordonnances et des ententes parentales.

Deuxièmement, une définition plus précise pourrait faciliter la réalisation de l'objectif éducatif plus général de la réforme législative qui consiste à encourager les parents à essayer de restructurer eux-mêmes leurs relations en cas de séparation et de divorce. L'adoption de la notion de responsabilité parentale vise à aider les parents séparés à se concentrer sur les besoins de leurs enfants et sur la responsabilité qui leur incombe de combler ces besoins. La possibilité de réaliser cet objectif dans le cadre d'une réforme législative est une question qui est elle-même controversée, et sur laquelle nous reviendrons plus loin. Il s'agit toutefois là d'un objectif dont la réalisation ne pourrait être que facilitée par l'adoption d'une notion de la responsabilité parentale qui précise, de la façon la plus détaillée possible, ces besoins et ces responsabilités.

LES ORDONNANCES PARENTALES

Dans cette option de réforme, les ordonnances de garde et de droit de visite seraient remplacées par des ordonnances parentales. La présente section traite des choix et des problèmes que soulève l'élaboration d'un régime législatif d'ordonnances parentales. Nous y examinons les différents types d'ordonnances parentales qui pourraient être retenus dans un tel régime, les rapports à établir entre les ordonnances parentales et la responsabilité parentale, ainsi que les critères à appliquer pour l'élaboration et la modification des ordonnances parentales, notamment, l'importance à attribuer à la violence, aux situations conflictuelles et à l'exercice inadéquat des responsabilités parentales dans ces ordonnances.

Types d'ordonnances

Les pays qui ont choisi de remplacer les ordonnances de garde et de droit de visite par les ordonnances parentales ont dans l'ensemble tendance à répartir les ordonnances parentales en plusieurs catégories. Nous examinons dans cette section trois modèles possibles d'ordonnances parentales. Le premier s'inspire des modèles qu'ont adoptés le R.-U. et l'Australie en matière d'ordonnances de résidence, de contact et d'ordonnances spéciales. Le deuxième se fonde sur le modèle qu'a adopté l'État du Maine, à savoir les ordonnances d'attribution de la responsabilité parentale. Le troisième est inspiré des modèles d'ordonnances de calendrier de séjour et d'attribution d'un pouvoir décisionnel adoptés par l'État de Washington et proposés par l'American Law Institute.

Ordonnances de résidence, de contact et ordonnances spéciales

Le R.-U. et l'Australie ont tous deux adopté un régime dans lequel les ordonnances de garde et de droit de visite sont remplacées par les ordonnances de résidence, de contact et par les ordonnances spéciales et à objectif spécial.

La Children's Act du R.-U. prévoit les ordonnances de résidence (qui désignent la personne avec laquelle l'enfant va habiter), les ordonnances de contact (selon lesquelles la personne avec qui habite l'enfant doit autoriser celui-ci à rendre visite ou à demeurer avec la personne dont le nom figure dans l'ordonnance ou à avoir des contacts avec celle-ci), les ordonnances sur les mesures interdites (qui précisent que les mesures que pourrait prendre un parent pour s'acquitter de ses responsabilités parentales envers un enfant et qui sont visées par l'ordonnance ne peuvent être prises sans le consentement du tribunal), et les ordonnances spéciales (qui donnent des directives sur la façon de régler une question précise qui concerne un aspect des responsabilités parentales à l'égard d'un enfant et qui s'est posée ou qui est susceptible de se poser).

La Family Law Reform Act de l'Australie remplace les ordonnances de garde et de droit de visite par les ordonnances parentales, définies d'une façon générale comme étant les ordonnances prises aux termes de la Partie VII de la Loi qui traite de la ou des personnes avec lesquelles l'enfant va vivre, des contacts entre l'enfant et d'autres personnes, de l'entretien de l'enfant et des autres aspects de la responsabilité parentale. La Loi prévoit également des ordonnances plus spéciales : les ordonnances de résidence (précisant la personne avec laquelle l'enfant va habiter), les ordonnances de contact (précisant les contacts à établir entre un enfant et une ou plusieurs autres personnes) et les ordonnances spéciales (précisant les aspects de la responsabilité parentale qui ne concernent pas la résidence, les contacts ni l'entretien de l'enfant).

Les ordonnances répartissant l'autorité et les droits parentaux

Selon les dispositions législatives de l'État du Maine, l'ordonnance judiciaire attribuant l'autorité et les droits parentaux doit préciser si cette autorité et ces droits sont partagés ou s'ils sont attribués exclusivement à l'un des parents. L'attribution de l'autorité et des droits parentaux est définie de la façon suivante : 

[Traduction]

… le pouvoir de s'occuper des divers aspects de la vie de l'enfant est réparti entre les parents, le parent qui s'est vu attribuer une responsabilité particulière ayant le droit de contrôler cet aspect de la vie de son enfant. La responsabilité parentale peut être attribuée de façon exclusive ou partagée. Les aspects de la vie d'un enfant pour lesquels l'autorité peut être répartie comprennent la résidence principale, les contacts parent-enfant, l'entretien, l'éducation, les soins médicaux et dentaires, la formation religieuse, le territoire à l'intérieur duquel l'enfant peut voyager et les frais correspondants à ces déplacements et tout autre aspect de l'autorité et des droits parentaux. Le parent qui s'est vu attribuer la responsabilité parentale à l'égard d'un certain aspect de la vie de l'enfant peut être tenu d'informer l'autre parent lorsqu'il survient des changements importants dans ce domaine.

Les ordonnances fixant le calendrier de séjour et attribuant un pouvoir décisionnel

Le troisième modèle de répartition de la responsabilité parentale est inspiré de la Parenting Act de l'État de Washington et des recommandations de l'American Law Institute. Le régime de l'État de Washington exige que les ententes parentales précisent le lieu où l'enfant va résider ainsi que le titulaire de la responsabilité parentale. Le régime proposé par l'ALI exige également que soit attribuée la « responsabilité en matière de garde » de l'enfant (à savoir, la garde physique et la surveillance de l'enfant) ainsi que le pouvoir de prendre des décisions importantes à son égard. Ces deux modèles privilégient les ententes parentales mais il est possible de concevoir un régime d'ordonnances parentales qui serait fondé sur l'attribution de ces deux composantes de la responsabilité parentale : les ordonnances fixant le calendrier de séjour, dans lesquelles le tribunal répartit entre les parents les périodes de résidence de l'enfant chez chacun d'entre eux ainsi que les ordonnances accordant à un des parents le pouvoir de prendre les décisions importantes concernant l'enfant.

L'ordonnance fixant le calendrier de séjour a l'avantage d'éviter de reprendre les termes d'ordonnances de résidence et de contact, qui risquent de devenir aussi chargés émotivement que les termes d'ordonnances de garde et de droit de visite utilisés actuellement. Les ordonnances fixant le calendrier de séjour détermineraient en fait à l'intérieur d'une même ordonnance les aspects résidence et contact, en précisant les périodes que l'enfant doit passer avec chacun de ses parents. Les ordonnances attribuant un pouvoir décisionnel préciseraient alors le titulaire du pouvoir de prendre les décisions importantes concernant l'enfant, à l'exception de celles qui concernent la résidence de l'enfant.

Les ententes parentales

Une quatrième façon de concevoir les ordonnances parentales serait d'élaborer un régime d'ententes parentales obligatoires, qui obligerait les parents qui se séparent ou qui divorcent à présenter une entente parentale. Dans le cas où les parents n'arriveraient pas à s'entendre sur une entente parentale, le tribunal serait alors tenu de prononcer une ordonnance parentale qui prendrait la forme d'une entente parentale. Un tel régime modifierait complètement le système actuel parce qu'il viserait essentiellement à inciter les parents à résoudre leurs différends en élaborant des ententes parentales. Les tribunaux pourraient être tenus d'approuver ces ententes et ne pourraient imposer des ordonnances qu'en dernier recours. C'est pourquoi cette option est examinée plus loin, dans l'analyse des ententes parentales plutôt que dans celle des ordonnances parentales à laquelle nous procédons actuellement.

Nous examinons maintenant comment l'on pourrait concevoir un régime fondé sur la responsabilité parentale qui utiliserait ces trois modèles d'ordonnances parentales.

Évaluation

Un régime fondé sur des ordonnances de résidence, de contact et des ordonnances spéciales n'exige pas vraiment que la responsabilité parentale soit attribuée spécifiquement. Si le pouvoir de prendre des décisions peut être attribué dans une ordonnance spéciale et si les décisions quotidiennes sont prises par le parent qui s'occupe de l'enfant, cette approche se fonde pour le reste sur l'idée que, d'une façon générale, la responsabilité parentale et le pouvoir de prendre les décisions importantes en particulier seront partagés(248). Sur ce point, ce régime d'ordonnances parentales s'appuie sur l'idée qu'une entente parentale dans laquelle la responsabilité parentale est partagée est dans l'intérêt des enfants. À ce titre, ce régime fait appel au type d'ordonnances parentales qui est le moins compatible avec un modèle neutre de la responsabilité parentale. En outre, les termes de résidence et de contact ressemblent de façon frappante aux mots garde et accès et il est possible que la terminologie utilisée dans ces nouvelles ordonnances devienne très rapidement aussi chargée émotivement que la terminologie actuelle.

Un régime fondé sur des ordonnances d'attribution de la responsabilité parentale n'est pas fondé sur l'idée que certaines ententes parentales sont dans l'intérêt de l'enfant mais autorisent plutôt les parents et les tribunaux à répartir la responsabilité parentale comme ils l'estiment approprié. Pour cette raison, ce type d'ordonnances parentales est tout à fait compatible avec un modèle neutre de la responsabilité parentale. Parallèlement, un régime basé sur les ordonnances fixant le calendrier de séjour et attribuant le pouvoir décisionnel ne privilégie aucun type d'entente parentale et est donc également compatible avec un modèle neutre de la responsabilité parentale. Ces deux façons de concevoir les ordonnances parentales évitent le recours à une terminologie susceptible d'être chargée émotivement comprenant les termes résidence et contact, et qui pourrait déboucher sur l'attribution d'un statut de parent de première et de seconde classe.

Rapport entre la responsabilité parentale et les ordonnances parentales

Un modèle fondé sur la responsabilité parentale doit nécessairement régler la question du rapport à établir entre les ordonnances parentales et la responsabilité parentale. La responsabilité parentale est-elle antérieure à une ordonnance parentale et peut-elle lui survivre, sauf ordonnance contraire? La responsabilité parentale peut-elle découler de certains types d'ordonnances parentales? Les ordonnances parentales sont-elles nécessaires pour attribuer expressément les diverses composantes de la responsabilité parentale?

La question du rapport entre les ordonnances parentales et la responsabilité parentale est spécialement importante dans le contexte particulier du pouvoir décisionnel. Si la responsabilité parentale est définie comme comprenant « tous les pouvoirs, devoirs, responsabilités que les règles de droit attribuent aux parents à l'égard de leurs enfants », alors la responsabilité parentale comprend nécessairement le pouvoir de prendre des décisions concernant l'enfant. L'attribution de ce pouvoir est une question centrale et souvent délicate des différends qui opposent les parents. Il convient donc d'examiner la façon dont les ordonnances parentales peuvent influencer la répartition de ce pouvoir entre les parents. Ce pouvoir peut-il survivre au prononcé d'une ordonnance parentale, sauf ordonnance contraire? Ce pouvoir peut-il découler de certains types d'ordonnances parentales? Les ordonnances parentales devraient-elles attribuer expressément ce pouvoir décisionnel?

Étant donné qu'un des principes directeurs de la réforme législative est de préciser par voie législative les obligations juridiques des parents à l'égard des enfants, il est absolument nécessaire que ces aspects essentiels soient réglés pour pouvoir élaborer un modèle législatif. Si ces aspects ne sont pas réglés, il en résultera une confusion inutile qui suscitera automatiquement des litiges.

La responsabilité parentale survit aux ordonnances parentales

On pourrait décider que la responsabilité parentale et le pouvoir décisionnel survivent au prononcé d'une ordonnance parentale, sauf ordonnance contraire. Dans le régime australien, par exemple, [Traduction] « les parents d'un mineur de 18 ans sont titulaires de la responsabilité parentale à l'égard de l'enfant » et cette autorité parentale se maintient « malgré les changements pouvant survenir dans les rapports entre les parents de l'enfant(249). » La Loi stipule expressément que cette autorité parentale n'est pas modifiée par une ordonnance de résidence, de contact ou d'une autre nature, sauf dans la mesure, le cas échéant, où le prévoit l'ordonnance ou lorsque cela est nécessaire pour pouvoir exécuter l'ordonnance.

Le problème que pose cette méthode, pour ce qui est de la deuxième option en matière de réforme, est qu'elle part du principe que la responsabilité parentale doit être partagée et se rapproche donc davantage de l'idée de partage de la responsabilité parentale que prévoit l'option trois. Cette méthode se fonde sur l'hypothèse que la responsabilité parentale en général et le pouvoir décisionnel en particulier doivent être exercés par les deux parents et sur le principe que ces deux parents continuent à assumer la responsabilité parentale, même après leur séparation, à moins qu'une ordonnance judiciaire ne prévoie le contraire.

L'idée fondamentale de cette deuxième option en matière de réforme est qu'il ne faut pas décider à l'avance de la façon dont la responsabilité parentale devrait être répartie entre les parents. Un modèle neutre de la responsabilité parentale et des ordonnances parentales -- c'est-à-dire, un modèle qui n'est pas fondé sur le principe selon lequel la responsabilité parentale est partagée et doit l'être -- exige que l'on établisse un autre rapport entre la responsabilité parentale et les ordonnances parentales. Cette méthode consistant à faire survivre aux ordonnances parentales la responsabilité parentale et le pouvoir décisionnel sera examinée à nouveau au cours de l'analyse de l'option trois.

La responsabilité parentale découlant de certaines ordonnances parentales

Il serait possible d'adopter un deuxième principe d'après lequel la responsabilité parentale en général et le pouvoir décisionnel en particulier découleraient de certains types d'ordonnances, en particulier des ordonnances de résidence.

Ce principe d'après lequel la responsabilité parentale deviendrait l'accessoire d'une ordonnance de résidence, serait très sujet à controverse et compromettrait probablement l'objectif général consistant à réduire autant que possible les conflits entre parents. La notion de résidence serait rapidement perçue comme très proche de la notion juridique actuelle de garde. En fait, le parent cohabitant aurait à la fois la garde légale et la garde physique de l'enfant. L'ordonnance de résidence deviendrait donc une ordonnance où « tout va au gagnant », comme l'est l'ordonnance de garde dans notre droit actuel. Cela risquerait d'amener un parent en cours de séparation à contester une demande d'ordonnance de résidence, non pas parce qu'il veut que l'enfant habite avec lui mais parce qu'il veut continuer à exercer son autorité parentale à l'égard de l'enfant.

Cependant, la personne qui a la garde physique d'un enfant a besoin d'accomplir les actes usuels et ne devrait pas être tenue de consulter l'autre parent pour ce type de décision. Ce genre de problème se poserait bien sûr à l'égard des ordonnances de résidence, mais la personne bénéficiant d'une ordonnance de contact doit également être en mesure d'accomplir les actes usuels nécessaires à l'éducation de l'enfant(250).

Dans un modèle fondé sur les ordonnances fixant le calendrier de séjour et attribuant le pouvoir décisionnel, le pouvoir d'accomplir les actes usuels devrait être confié à la personne qui s'occupe de l'enfant, pour que celle-ci n'ait pas constamment à consulter l'autre parent. Le pouvoir de prendre les décisions importantes à l'égard de l'enfant serait attribué dans une autre ordonnance. On ne pourrait pas dire que la responsabilité parentale découle d'un type d'ordonnances particulier selon cette méthode.

Attribution de la responsabilité parentale dans les ordonnances parentales

Une troisième méthode consisterait à attribuer expressément dans les ordonnances parentales la responsabilité parentale. La loi n'énoncerait aucun principe devant inspirer le partage de la responsabilité parentale après une séparation et un divorce. Elle n'énoncerait aucun principe d'après lequel la responsabilité parentale en général et le pouvoir décisionnel en particulier devraient être partagés entre les parents ou devraient découler de certains types particuliers d'ordonnances parentales. Elle prévoirait plutôt que les diverses composantes de la responsabilité parentale, y compris le pouvoir décisionnel, devraient être réparties dans une ordonnance parentale. Les tribunaux attribueraient alors le pouvoir décisionnel en fonction de l'intérêt de l'enfant. (Les différents aspects de cette notion sont examinés dans la section suivante.)

Cependant, avec cette méthode, le parent qui a la garde physique de l'enfant doit quand même pouvoir prendre les décisions usuelles à son égard sans avoir à consulter l'autre parent. Cette méthode devrait préciser, pour ce qui est de l'attribution d'un pouvoir décisionnel, quelles sont, le cas échéant, les décisions qui doivent être prises conjointement par les parents (notamment celles qui portent sur des problèmes médicaux graves, sur l'éducation et la religion) et quelles sont les décisions quotidiennes qui doivent nécessairement relever du parent qui s'occupe de l'enfant.

Cette méthode est celle qui est la plus conforme à un modèle neutre qui n'est fondé sur aucun a priori pour ce qui est de l'attribution de la responsabilité parentale. Avec un modèle axé sur la responsabilité parentale, les ordonnances parentales devraient expressément attribuer la responsabilité parentale, notamment le pouvoir décisionnel à l'égard de l'enfant.

Un modèle d'ordonnances parentales fondé soit sur l'autorité et les droits parentaux ou sur les modèles de calendrier de séjour et du pouvoir décisionnel serait le plus conforme à cette approche neutre, qui ne préjuge aucunement de la façon dont la responsabilité parentale devrait être attribuée. En fait, avec ces deux modèles, les ordonnances parentales devraient expressément attribuer la responsabilité parentale, notamment le pouvoir de prendre les décisions importantes.

La responsabilité parentale en l'absence d'une ordonnance (ou d'une entente) parentale

Un tel modèle devrait aborder une autre question, celle de l'influence sur la responsabilité parentale en général et sur le pouvoir décisionnel en particulier de l'absence d'une ordonnance judiciaire ou d'une entente privée. Par exemple, que se passerait-il si les parties ne prennent aucune mesure -- c'est-à-dire, si elles ne concluent aucune entente et ne demandent pas d'ordonnance judiciaire? Parallèlement, quelle serait la situation juridique durant cet intervalle -- c'est-à-dire, dans le cas où un couple qui se sépare ou divorce négocie une entente mais n'en a pas encore conclu une et qu'aucune ordonnance judiciaire n'a été prononcée?

Selon les lois provinciales, la garde ou la tutelle est habituellement partagée également entre les parents (en particulier lorsque les parents ont vécu ensemble et viennent de se séparer), à moins qu'une ordonnance judiciaire ou une entente ne prévoie le contraire(251).

Un modèle basé sur la responsabilité parentale pourrait adopter un principe comparable. La responsabilité parentale serait conjointement assumée par les parents jusqu'à ce qu'une ordonnance ou une entente prévoie le contraire. En cas de séparation des parents, on pourrait adopter des dispositions semblables pour la responsabilité parentale en général et le pouvoir décisionnel en particulier qui serait exercé par le parent chez qui réside l'enfant (pour autant que l'autre parent y ait consenti, de façon expresse ou implicite). Il faudrait alors prévoir des ordonnances parentales (ou des ententes, élément qui est examiné plus loin dans la section traitant des ententes parentales) pour attribuer expressément les diverses composantes de la responsabilité parentale.

On pourrait penser que cette approche est très semblable au modèle basé sur le partage de la responsabilité parentale -- c'est-à-dire, celui selon lequel la responsabilité parentale est partagée sauf disposition contraire d'une ordonnance judiciaire --, mais il existe certaines différences subtiles mais importantes entre ces deux approches. Les dispositions législatives australiennes stipulent que la responsabilité parentale est partagée sauf disposition contraire d'une ordonnance. Ce modèle fondé sur la responsabilité parentale pourrait prévoir que celle-ci est partagée sauf disposition contraire d'une ordonnance. Un tel régime pourrait également exiger que les ordonnances parentales répartissent clairement la responsabilité parentale, y compris le pouvoir décisionnel. En outre, comme nous l'avons noté, cette approche est conforme à la pratique actuelle selon laquelle la garde des enfants est partagée jusqu'à ce qu'une ordonnance judiciaire, une entente (ou un consentement implicite) prévoie le contraire.

Cependant, la répartition des compétences législatives dans ce domaine vient compliquer la situation. En effet, la Loi sur le divorce ne s'applique aux litiges concernant la garde et le droit de visite des enfants à charge qu'au moment du divorce. Avant que le divorce ne soit demandé, les litiges concernant la garde et le droit de visite sont régis par les lois provinciales. Si le jugement de divorce est muet au sujet de la garde et du droit de visite, l'ordonnance prononcée aux termes d'une disposition législative provinciale demeure valide. En outre, si aucune ordonnance judiciaire n'a été prononcée, que ce soit en vertu du droit provincial ou du droit fédéral, la situation est régie par le droit provincial. Autrement dit, selon le droit fédéral, c'est le droit provincial qui s'applique par défaut (c.-à-d., en l'absence d'entente ou ordonnance)(252).

En l'absence d'ordonnance parentale, le droit fédéral n'a qu'un effet très limité sur la question de la responsabilité parentale. Il ne peut s'appliquer aux couples qui se séparent mais qui n'ont pas encore présenté une demande de divorce. En fait, les parents qui n'ont pas conclu d'entente ou qui ne sont pas visés par une ordonnance provinciale sont régis par le droit provincial.

En théorie, la Loi sur le divorce pourrait s'appliquer dès le dépôt d'une demande de divorce. Il serait toutefois important que le droit fédéral n'ait pas automatiquement pour effet d'invalider les ordonnances qui ont pu être rendues aux termes d'une loi provinciale à l'égard des parents qui se séparent(253). Cela entraînerait en effet une situation chaotique pour les couples qui ont décidé de conclure des ententes aux termes du droit provincial. La Loi sur le divorce pourrait prévoir des règles de base qui s'appliqueraient à tous les couples qui se séparent et qui n'ont pas conclu d'entente ou qui ne sont visés par aucune ordonnance rendue aux termes du droit provincial ou du droit fédéral. Elle pourrait créer des règles de base fédérales(254).

Cependant, ce n'est pas parce que la Loi sur le divorce pourrait prévoir des règles de base que c'est là une recommandation à suivre. Il est difficile de savoir si une telle modification de la situation actuelle comporterait des avantages. Il serait important de savoir qui assume la responsabilité parentale en l'absence d'une ordonnance judiciaire ou d'une entente. Il est toutefois loin d'être clair que ce sont les dispositions fédérales qui devraient régir ce type de situation.

En outre, cet aspect montre combien il est essentiel que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s'entendent pour réformer le droit régissant la garde et le droit de visite et soient prêts à collaborer à la mise en oeuvre d'une telle réforme. Si les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s'entendaient pour modifier leurs lois en s'inspirant du modèle basé sur la responsabilité parentale, on pourrait modifier les lois provinciales et territoriales pour établir les règles de base souhaitées (selon lesquelles la responsabilité parentale serait partagée jusqu'à ce qu'une entente ou une ordonnance prévoie le contraire). Cependant, si le gouvernement fédéral décidait d'adopter un tel modèle sans l'accord des provinces et des territoires, ce serait toujours le droit provincial qui définirait les règles de base en matière de garde et de droit de visite.

Avant de prévoir dans la Loi sur le divorce l'attribution de la responsabilité parentale en l'absence d'une ordonnance judiciaire ou d'une entente, il conviendrait d'examiner soigneusement la façon dont interagissent les dispositions fédérales, provinciales et territoriales dans ce domaine de compétence partagée. Il faudrait procéder à des consultations approfondies entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et obtenir leur collaboration. À elle seule, la Loi fédérale sur le divorce ne peut établir ces règles de base.