Conclure les bonnes ententes parentales dans les cas de violence familiale : recherche dans la documentation pour déterminer les pratiques prometteuses
5.0 Pratiques exemplaires émergentes : ententes parentales dans les cas de violence familiale
5.1 Ententes parentales
Très peu de recherches ont été effectuées pour évaluer la conclusion de types précis d'ententes parentales par rapport aux différentes formes de violence familiale. Évidemment, les considérations éthiques empêchent l'attribution aléatoire des ententes parentales. Trop souvent, la recherche a comparé les résultats observés chez les enfants au chapitre de l'adaptation pour différentes ententes de partage du rôle parental (p. ex. garde conjointe ou exclusive) sans tenir compte du facteur de la violence familiale (et d'autres facteurs essentiels). Dans la présente section, nous présentons une gamme d'ententes parentales ainsi que la définition, les indicateurs et les considérations particulières à chacune à l'égard de la violence familiale. Nous avons comparé la documentation sur la violence familiale à ces ententes parentales dans le contexte de notre expérience comme évaluateurs en matière de garde, formateurs et chercheurs, mais nous reconnaissons qu'il n'est possible de prendre appui que sur une base scientifique limitée.
La gamme d'ententes parentales faisant l'objet d'une discussion dans la présente section comprend le partage des responsabilités parentales, l'exercice en parallèle, les échanges supervisés, les visites supervisées et aucun droit de visite, comme l'illustre la figure 5. Les cadres juridiques de la garde conjointe et exclusive sont aussi abordés. L'idéal serait que les juges, les avocats, les médiateurs et les évaluateurs tentent de faire correspondre l'entente parentale aux besoins et aux caractéristiques de chaque enfant, chaque parent et chaque structure familiale.
Les cas se trouvant aux extrémités de la courbe de la violence familiale sont les plus clairs. À l'une des extrémités de la courbe, on s'entend probablement pour dire qu'un auteur de violence familiale chronique ayant démontré une tendance au comportement abusif au fil du temps, ainsi que peu de remords ou de volonté de se soumettre à un traitement, et dont le principal objectif est de punir un ancien partenaire au lieu de jouer son rôle de parent, devrait soit n'avoir aucun droit de visite, soit avoir un droit de visite très limité supervisé par des professionnels très compétents. À l'autre extrémité, un incident isolé de violence familiale mineure (p. ex. une bousculade), inhabituel, accompagné de véritables remords[7], d'une reconnaissance de responsabilité, et qui n'a causé ni de peur ni de traumatisme à l'autre parent, ne constituerait pas en soi un empêchement à la conclusion d'une entente de partage des responsabilités. Entre ces deux extrêmes, il existe une zone de flou dans laquelle il est plus difficile de déterminer quelles ententes conviennent; il faut alors procéder à l'analyse d'une foule de facteurs. Certains de ces facteurs sont liés aux rapports entretenus par les parents et à leurs caractéristiques, d'autres sont fonction des ressources disponibles dans une collectivité particulière et d'autres, au stade de la procédure et à l'information disponible. Dans la présente section, nous examinerons chaque genre d'entente parentale et les facteurs pris en compte.
Nous reconnaissons que la nature changeante des individus et des familles peut augmenter la complexité du choix des ententes. Une famille en crise au bord de la séparation peut se trouver dans une situation différente un an plus tard, particulièrement si elle profite des ressources de consultation à sa disposition. Pour d'autres familles, l'état de crise devient chronique et le litige semble sans fin, les professionnels s'impliquant dans le différend. Cette réalité signifie que les cas complexes demandent une évaluation et une surveillance continues par les tribunaux avec l'aide des services judiciaires.
Figure 5 : Ententes parentales après la violence familiale
[ Description ]
5.1.1 Partage des responsabilités
Les Smith se sont séparés il y a quatre ans. Au moment de la séparation, il y a eu un incident violent où M. Smith a agrippé Mme Smith par les épaules. Il l'a secouée et l'a envoyée au sol lorsqu'il a découvert qu'elle le quittait pour un autre homme. Il a été accusé d'agression et, parce qu'il n'avait aucun antécédent de violence et n'avait causé aucune blessure, il a pris la voie rapide vers un programme d'intervention pour les conjoints violents dans le cadre de la négociation d'un plaidoyer de libération conditionnelle. Il n'y a eu aucune menace ni harcèlement après la séparation. Les deux parents se sont remariés et ont établi les relations de coopération nécessaires pour répondre aux besoins de leurs trois enfants (de 7, 11 et 14 ans), pour faire leurs devoirs et se rendre à des événements sportifs ayant lieu le même jour à différents endroits. Bien que les enfants habitent principalement avec Mme Smith, chaque parent participe aux décisions quotidiennes, ainsi qu'aux questions plus importantes concernant la santé et l'éducation. L'horaire de garde une fin de semaine sur deux et une soirée au milieu de la semaine est assez souple pour être adapté aux besoins des enfants.
Définition et description
Le partage des responsabilités désigne une entente selon laquelle les parents coopèrent étroitement après la séparation pour tous les aspects de l'éducation de leurs enfants. Pour les enfants, ce genre d'entente est proche de l'idéal qui existait avant la séparation : les deux parents participent activement à la vie de leurs enfants, échangent de l'information et relèvent les défis courants du rôle parental à mesure qu'ils se posent. Dans la définition générale du partage des responsabilités, il peut y avoir diverses dispositions relativement au temps passé dans la maison de chaque parent, ainsi que de la souplesse relativement à l'horaire, selon la distance entre les maisons, les besoins des enfants, leur stade de développement et l'horaire des parents. Du point de vue juridique, le terme « garde conjointe » désigne le cadre juridique type de ce genre d'entente. Les expressions « partage des responsabilité » et « garde conjointe » sont souvent utilisées de façon interchangeable, surtout parce que le terme « garde » est de plus en plus remplacé par des concepts comme temps parental et contact parental. Comme il est dit plus haut, la garde conjointe ne désigne pas un partage précis du temps, mais plutôt une relation non conflictuelle entre les parents qui acceptent de continuer à prendre les décisions conjointement.
Dans les cas appropriés, le partage des responsabilités est idéal pour les enfants dont les parents se séparent, car il aide à maintenir une relation positive continue avec les deux parents; la stabilité des enfants et leur développement normal sont ainsi favorisés. Lors du traitement de cas particuliers, par contre, il est important que les professionnels et les parents soient réalistes lorsqu'ils évaluent si cette option convient et est favorable au bien–être des enfants.
Indications et contre–indications
Le partage des responsabilités exige que les deux parents soient capables d'entretenir des relations cordiales et axées sur les enfants. Idéalement, il devrait y avoir suffisamment de confiance et de respect entre les parents pour favoriser une bonne communication entre eux. En fait, ces sentiments peuvent fluctuer de temps à autre lors des périodes de crise ou de transition majeure (p. ex. jalousie par rapport au nouveau conjoint, différend au sujet du déménagement, difficultés liées aux adolescents), mais, dans l'ensemble, les parents peuvent faire de cette entente un succès.
Le partage des responsabilités est contre–indiqué dans les cas de conflit important ou d'incidents de violence familiale avant, pendant ou après la séparation, où lorsqu'il n'y a aucun lien entre les parents. Ces contre–indications sont généralement démontrées lorsqu'il a des antécédents évidents de mauvaise communication, d'interactions coercitives, d'incapacité à résoudre les problèmes et d'absence d'intérêt pour les enfants chez l'un des parents ou les deux. Un problème important de santé mentale ou l'abus d'alcool ou de drogue chez un des parents ou les deux constitue également une contre–indication à ce genre d'entente. Le partage des responsabilités peut être plus difficile (sans pour autant être impossible) si les parents n'ont pas vécu avec leurs enfants pendant une période quelconque.
Considérations particulières
Dans certaines circonstances, les parents peuvent surmonter leurs difficultés avec le temps et grâce à la consultation et tenir à ce que l'entente soit un succès. Il se peut aussi qu'un parent contrecarre la possibilité de partager les responsabilités malgré les efforts de l'autre parent et des tiers, comme les médiateurs.
La question de savoir si ce genre d'entente pourrait être imposé à un parent qui ne le souhaite pas est loin de faire l'unanimité. Ces cas exigent que les évaluateurs en matière de garde, les avocats et les juges aient des compétences spéciales afin d'évaluer correctement l'authenticité de la résistance au partage des responsabilités. Il importe d'en comprendre les raisons sous–jacentes. Par exemple, un parent qui s'est senti malmené ou persécuté et qui ressent une grande angoisse à l'idée de traiter avec l'autre parent peut avoir une aversion légitime pour ce genre d'entente. D'autre part, un parent n'ayant jamais vécu avec l'autre parent peut être contrarié de devoir inclure l'autre dans sa vie pour partager les responsabilités; par contre, il peut recevoir de l'aide pour établir des relations qui lui permettront de se conformer efficacement à l'entente.
5.1.2 Exercice des responsabilités en parallèle
Les Smith ont connu un mariage et une séparation acrimonieux. Leurs jumelles (âgées de 7 ans) sont attachées aux deux parents, mais effrayées à l'idée qu'ils se trouvent en présence l'un de l'autre lors d'activités scolaires ou récréatives. Les enfants font état d'antécédents de violence conjugale au cours desquels les deux parents criaient et se lançaient des objets. Depuis la séparation, les enfants habitent une semaine sur deux chez chaque parent et le transfert (échange) a lieu à la fin de la journée d'école du vendredi (à la maison de leurs cousins durant les vacances). Chaque parent peut prendre des décisions lorsque les enfants sont à sa charge. Il n'y a pas de désaccord entre eux au sujet des questions importantes comme la religion, l'éducation et la santé. De plus, un travailleur social coordonnateur des tâches parentales a été nommé pour jouer le rôle de médiateur ou d'arbitre dans tout différend. Les parents ne doivent pas avoir de contact avec les enfants lorsqu'ils sont à la charge de l'autre parent, sauf si une entente spéciale a été conclue avec le coordonnateur ou en cas d'urgence. La communication entre les parents se fait par courriel et est surveillée par le coordonnateur des tâches parentales.
Définition et description
Par opposition à la nature coopérative de l'entente de partage des responsabilités, l'exercice en parallèle décrit une entente selon laquelle chaque parent participe à la vie des enfants, mais qui est structurée pour réduire au minimum la communication entre eux afin d'empêcher que les enfants soient exposés au conflit parental continu. En général, chaque parent prend les décisions quotidiennes de façon indépendante lorsque les enfants sont à sa charge. La souplesse est limitée et les parents se conforment d'ordinaire à un horaire très structuré et détaillé. Ce genre d'entente est élaboré pour tenir compte des séparations hautement conflictuelles dans lesquelles les deux parents semblent relativement compétents. Au lieu d'encourager le partage, le but de ce plan est de mettre de la distance entre les parents et leurs conflits (Fédération des professions juridiques, 2003). Des moyens simples peuvent être utilisés pour limiter les contacts entre les parents, par exemple en faisant en sorte qu'un parent dépose les enfants à l'école et que l'autre parent aille les chercher au début de son temps de visite. Il faut établir avec soin la structure de la communication entre les parents, par exemple en exigeant que toute communication se fasse par courrier électronique et puisse être surveillée par un tiers; il ne faut pas demander aux enfants de transmettre des messages dans les cas hautement conflictuels.
Ce type d'entente crée une controverse, car certains professionnels la considèrent comme un compromis ou une forme de garde conjointe imposée. Certains chercheurs font valoir qu'il est naïf de croire que les parents peuvent élever leurs enfants de manière efficace sans communiquer réellement et croient que ce type d'entente entraîne davantage de problèmes qu'il n'en règle (Epstein et Cole, 2003). Compte tenu du manque de communication et de coopération véritables entre les parents, l'entente peut faire appel à des négociations et de l'arbitrage actifs par des tiers, notamment les coordonnateurs des activités parentales, lorsque les parents disposent des ressources nécessaires pour s'offrir ces outils supplémentaires. Par conséquent, le cadre juridique de ce type d'entente peut être la garde conjointe ou exclusive, selon la façon de voir de l'intervenant et les ressources disponibles pour conseiller la famille.
L'exercice des responsabilités en parallèle exige que les enfants passent plus de temps à la charge d'un des parents, chez qui ils habiteront principalement, bien qu'ils puissent en passer presque autant à la charge des deux parents. Le but recherché est qu'avec le temps, l'hostilité entre les parents diminue et que l'entente évolue vers une forme de partage des responsabilités, ce qui peut cependant prendre des années et, dans certains cas, ne jamais se produire. Une thérapie visant à aider les parents à mettre un terme aux sentiments de colère et d'hostilité qu'ils éprouvent l'un envers l'autre peut contribuer à ce genre d'évolution, mais cela n'est pas toujours possible.
Indications et contre–indications
L'exercice des responsabilités en parallèle tient compte du fait que chaque parent a une contribution à apporter en donnant de son temps aux enfants, mais que tout contact direct entre eux peut nuire aux enfants en raison du ressentiment persistant. Ce ressentiment peut être fondé sur la méfiance mutuelle, un conflit de personnalités ou l'incapacité de l'un des parents ou des deux à dépasser le stade de la séparation et à se concentrer sur l'avenir. Toute constatation médicale ou juridique selon laquelle un parent constitue une menace au plan physique, sexuel ou émotif pour les enfants, ou s'il y a des préoccupations en matière de violence envers l'autre parent, constitue une contre–indication à l'exercice des responsabilités en parallèle.
Considérations particulières
La mesure dans laquelle une entente d'exercice des responsabilités en parallèle pourrait être appropriée dans les cas de violence envers les enfants ou le partenaire adulte exige une évaluation approfondie. Les facteurs essentiels à prendre en considération sont les suivants : l'auteur de la violence a–t–il reconnu sa responsabilité et suivi une thérapie avec succès? Les enfants ont–ils reçu un service prescrit et présentent–ils des symptômes continus de traumatisme ou de détresse? À quel stade de développement les enfants sont–ils rendus? Une constatation médicale de risque continu pour les enfants et l'autre parent est une contre–indication claire à ce type d'entente.
Bien que la garde exclusive puisse représenter le cadre juridique de l'exercice des responsabilités en parallèle, elle représente sans aucun doute le cadre des ententes parentales décrites dans les sections suivantes traitant des échanges supervisés, des visites supervisées et de l'absence de contact. En imposant la garde exclusive, le tribunal prévoit qu'un parent est clairement chargé de toutes les décisions majeures et que celui qui n'a pas la garde dispose généralement d'un contact plus limité avec les enfants tout en ayant accès à l'information importante à leur sujet (p. ex. les bulletins scolaires). Il peut y avoir entente de garde exclusive sans échange ni visite supervisé, mais une telle entente peut comporter des restrictions supplémentaires imposées dans des circonstances particulières comme on le verra dans les sections qui suivent. En ce qui concerne l'échange supervisé, les visites supervisées et l'absence de contact, le cadre est celui de la garde exclusive dans lequel un parent est le principal responsable, avec lequel les enfants habitent la plupart du temps et qui prend les décisions importantes à leur sujet.
5.1.2 Échange supervisé
Les Smith sont séparés depuis six mois. Mme Smith a la garde provisoire et est déménagée à la maison de ses parents, à 45 minutes de la ville. Mme Smith décrit son mari comme un tyran qui a usé de violence verbale durant le mariage et adopté un comportement menaçant. Il l'a agressée physiquement à une occasion lorsqu'elle lui a dit avoir une aventure avec un collègue de travail et souhaiter le divorce. Des verdicts ont été prononcés à ce sujet. Par contre, elle décrit son mari comme un père aimant qui se sert de son expérience de professeur pour aider leur enfant unique, un garçon de 10 ans ayant de légères difficultés d'apprentissage. Elle n'a plus peur de son mari, mais ne veut pas se trouver en sa présence pour éviter tout conflit au sujet des questions financières en suspens, qui constituent un litige. Le père voit son fils toutes les fins de semaine, du samedi après–midi au dimanche soir lors d'un échange effectué à un centre de visite supervisée. Une révision judiciaire est prévue à la fin de l'année scolaire — dans huit mois.
Définition et description
L'échange supervisé comprend le transfert des enfants d'un parent à un autre sous la supervision d'un tiers. La supervision peut être informelle et être faite, par exemple, par un membre de la famille, un voisin ou dans un endroit public, comme le stationnement d'un poste de police. Elle peut également être officialisée par l'intermédiaire d'un centre de visite supervisée ou le recours à un professionnel désigné, par exemple un travailleur des services à l'enfance ou un travailleur social. Le principe fondamental veut que, soit en décalant l'heure d'arrivée et de départ, soit en ayant recours à un témoin tiers, les parents adopteront un meilleur comportement ou n'entreront pas en contact physique. Il s'agit de cas où il existe un niveau de conflit très élevé entre les parents et des préoccupations suffisantes au sujet d'un parent pour rendre l'exercice des responsabilités en parallèle inapproprié et nécessiter la supervision des échanges. Par contre, on croit que les enfants profiteront quand même d'une relation continue avec les deux parents et qu'il n'y a pas de risque suffisant pour leur sécurité ni leur bien–être émotif lorsqu'ils sont à la charge du parent n'ayant pas la garde pour justifier que la visite soit supervisée.
Indications et contre–indications
L'échange supervisé offre une zone tampon dans les cas où les parents ne peuvent contenir leur ressentiment lors des échanges, exposant ainsi les enfants à des niveaux de conflit élevés. Il est également utile dans les cas de violence conjugale répétée où la victime peut ressentir de la détresse ou un traumatisme si elle doit entrer en contact avec l'autre parent. Par contre, les échanges supervisés n'atténuent pas le risque de violence conjugale s'il existe des préoccupations continues en ce qui a trait à la sécurité des enfants et de leur gardien principal.
Considérations particulières
Les échanges supervisés sont parfois utilisés de façon inappropriée pour créer un sentiment de sécurité alors qu'une mesure plus contraignante (comme les visites supervisées) s'impose. De plus, les échanges informels par un tiers peuvent être fondés sur une intention louable, mais être inadéquats; la supervision peut exiger qu'un professionnel compétent contrôle la sécurité et les comportements inappropriés. Par exemple, certains parents peuvent adopter des comportements plus subtils qui relèvent de la violence psychologique, minent l'autre parent ou s'apparentent à des menaces. Pour les non–initiés ou pour la famille de l'agresseur, ce genre de comportement insidieux est difficile à déceler.
5.1.3 Visite supervisée
Mme Smith est une alcoolique qui a mis en danger la vie de ses enfants par le passé en conduisant en état d'ébriété. Elle a agressé son mari plusieurs fois alors qu'elle avait bu, notamment lors d'un incident qui a entraîné une condamnation; elle l'a poignardé à l'épaule avec un couteau de cuisine. Ses deux filles de cinq et de huit ans sont attachées à elle, mais ont peur d'elle lorsqu'elle est en état d'ébriété. Elles veulent la voir, et leur père souhaite favoriser une relation continue si cela peut se faire de façon sécuritaire. Mme Smith a suivi un programme de désintoxication et suit une thérapie pour régler son comportement violent. Elle s'est inscrite aux AA et est sobre depuis six mois. Le tribunal lui accorde trois heures de visites supervisées, deux fois par semaine, dans un centre de visite supervisée.
Définition et description
La visite supervisée est une entente de partage parentale conçue pour favoriser des contacts sécuritaires avec un parent qui est réputé présenter un risque en raison d'une gamme de comportements allant de la violence physique à l'enlèvement des enfants. Elle peut également être appropriée lorsque les enfants ont peur d'un parent, par exemple parce qu'ils ont été témoins d'agressions par le parent ou parce que ce dernier leur a infligé des mauvais traitements. Bien que la visite supervisée soit une pratique reconnue depuis longtemps dans le domaine de la protection des enfants, elle est utilisée depuis plus récemment dans le contexte de la séparation de parents dont l'un présente un risque pour les enfants ou l'autre parent. La visite supervisée ressemble aux échanges supervisés, mais ses modalités peuvent varier et faire appel à la famille élargie ou à des bénévoles, à un centre spécialisé doté de professionnels ayant l'expérience de ces questions. Le concept de la visite sous supervision thérapeutique[8] est connexe à ce plan. Il fait appel à un professionnel de la santé mentale qui peut aider à ramener sur la bonne voie une relation parent–enfant perturbée au moyen de consultations et de soutien lors des visites.
Indications et contre–indications
Les visites supervisées devraient avoir lieu seulement lorsqu'on estime que les enfants tireront un avantage du fait que le parent continue à jouer un rôle permanent dans leur vie, mais qu'il y a des risques que le parent impose de la violence physique ou psychologique aux enfants. Généralement, la supervision n'est envisagée que pour une période de transition au cours de laquelle le parent prouve que la supervision n'est plus nécessaire. Dans les cas graves, il faut recourir à des centres spécialisés et à un personnel chevronné et non à des bénévoles. Il y a d'autres cas plus extrêmes dans lesquels la sécurité offerte par le superviseur n'est pas suffisante et où l'absence de contact peut s'avérer plus adaptée à la situation.
Considérations particulières
Les centres de visite supervisée, la formation du personnel et la raison d'être des programmes varient beaucoup. Certains parents peuvent nécessiter beaucoup d'aide lors des visites afin de dire et de faire des choses appropriées qui correspondent aux besoins et au stade de développement de leurs enfants. Dans certains cas, les relations peuvent être tendues en raison des événements passés, de l'anxiété du parent qui a la garde et de la longue interruption des relations parent–enfant. Dans ces circonstances, les parents peuvent avoir besoin de plus qu'un endroit sécuritaire, et l'intervention importante d'un professionnel formé peut être nécessaire pour favoriser le rétablissement des relations et promouvoir le rôle parental. Il existe certaines situations où les demandes dépassent les compétences ou le mandat du superviseur. De plus, il peut arriver qu'un cas soit rejeté après coup lorsqu'on se rend compte qu'il comporte un risque trop élevé ou qu'on mettre fin à des visites à mi–parcours en raison du comportement inapproprié d'un parent ou du refus des enfants de voir le parent.
Les visites supervisées ne peuvent pas remplacer une évaluation détaillée par un professionnel compétent de la santé mentale, et le tribunal peut tirer des conclusions inappropriées sur la signification des visites fructueuses ou non fructueuses s'il ne dispose pas du portrait plus complet offert par l'évaluation. Trop souvent, la supervision est laissée de côté (c.–à–d. les visites ne sont plus supervisées) après un certain temps si rien de trop négatif ne s'est produit. Nous pourrions avancer qu'il revient à l'agresseur de montrer qu'il a changé et assume la responsabilité de ses gestes, et ne se contente pas de refréner tout comportement inapproprié lorsqu'il est surveillé de près (pour plus de détails, voir Bancroft et Silverman, 2002).
Depuis longtemps, il est reconnu qu'il est important d'établir des attentes et des accords précis (entre le superviseur, le tribunal, le conseiller et les parents) par rapport à la supervision, particulièrement dans les cas où il y a des antécédents de violence sexuelle (voir Saunders et Meinig 2000; 2001). S'il existe des antécédents de violence sexuelle ou psychologique, le superviseur doit disposer d'une formation appropriée pour déceler les formes subtiles d'abus. Depuis peu, les centres de visite supervisée qui travaillent avec les familles ayant connu de la violence conjugale adoptent des lignes directrices et des accords en conséquence. Ces accords comportent de nombreux avantages. Les parties supervisées doivent respecter des limites précises relativement aux comportements acceptables et inacceptables; les superviseurs savent quels comportement surveiller; le personnel du tribunal dispose de dossiers et d'informations sur lesquels fonder les décisions subséquentes; et les parties conviennent clairement de la situation (par opposition à une entente informelle où le superviseur et la partie supervisée peuvent tous deux percevoir la partie supervisée comme la victime). Aux États–Unis, le Supervised Visitation Network dispose de normes et de lignes directrices excellentes, ainsi que de modèles d'accords qu'il affiche sur son site Web (Supervised Visitation Network, 2003).
5.1.4 Absence de contact
M. Smith a un long passé de violence conjugale, qui n'a jamais été porté à l'attention de la police, mais qui a été rapporté à plusieurs conseillers et au médecin de famille. Il nie toute responsabilité malgré les preuves médicales des blessures qu'il a infligées à sa femme et les observations corroborantes d'autres membres de la famille. Après la séparation, les enfants ont parlé à un travailleur social de la violence physique infligée par leur père et du fait qu'ils avaient été exposés à de la violence conjugale. Le tribunal a reconnu la violence conjugale et ordonné des visites supervisées, puis recommandé que M. Smith participe à un programme de traitement pour les conjoints violents. M. Smith a refusé le traitement après être allé à l'entrevue d'admission initiale, où il a mentionné que sa femme constituait son unique problème. M. Smith se rend au centre de visite supervisée plus tôt que prévu et confronte son ex–femme devant les enfants. Il menace de la tuer et de se suicider si elle ne rentre pas au foyer conjugal. Le personnel appelle la police et de nouvelles accusations sont portées devant le tribunal criminel. Le juge du tribunal de la famille suspend tout contact entre le père et les enfants pendant six mois en attendant de recevoir de nouveaux renseignements de l'avocat du père au sujet de sa participation au traitement, une évaluation approfondie et un plan de gestion du risque.
Définition et description
Dans les cas extrêmes où un parent présente un risque continu de violence pour les enfants ou l'autre parent, de violence psychologique pour les enfants ou d'enlèvement, aucune relation parent–enfant réelle n'est possible. Dans de tels cas, le tribunal peut être forcé de suspendre à court ou à long terme tout droit d'accès prévu dans l'entente parentale. Ce sont des cas difficiles pour les avocats et les professionnels de la santé mentale qui doivent transmettre de l'information complète et crédible au tribunal afin d'obtenir une ordonnance permettant de mettre fin, au moins temporairement, à la relation parent–enfant. Bien qu'en théorie les visites ne devraient avoir lieu que si elles favorisent l'intérêt des enfants, en pratique, les juges supposent que les enfants tireront un avantage d'une relation avec les deux parents et exigent une preuve valable du risque de préjudice pour les enfants avant d'enlever le droit d'accès (Bala, 2004).
Indications et contre–indications
Lorsqu'un parent présente une tendance à la violence et ne fait preuve d'aucun remord ni d'une véritable volonté de changer, il peut être indiqué de mettre fin à la relation parentale. Il existe également des cas où le parent ou le conjoint violent a changé au fil du temps, mais où le traumatisme causé à la famille empêche de prendre un nouveau départ. Par exemple, dans les cas de violence grave doublée de blessures qui auraient pu causer la mort du parent ou des enfants, les enfants peuvent continuer à avoir des retours en arrière et des cauchemars déclenchés par tout souvenir de l'agresseur. Dans ces cas, même si le parent violent se voit imposer par le système de justice pénale une peine importante et qu'il montre par la suite qu'il a pris les moyens appropriés pour changer, le tort causé à la relation parent–enfant peut être irréparable. Le rétablissement de la relation parent–enfant dépend alors des changements apportés à l'ensemble de la structure familiale plutôt que de la réussite de la thérapie d'une seule des parties. L'absence de contact serait contre–indiquée lorsque la relation parent–enfant repose sur de bonnes bases et qu'il existe une volonté manifeste de réunir la famille.
Considérations particulières
L'absence de contact constitue une mesure extrême qui ne devrait être prise qu'après une évaluation approfondie. Il existe des cas où les auteurs de violence conjugale demandent à voir leurs enfants, mais cherchent en fait à voir leur ex–conjoint. Les homicides au sein d'une famille sont liés à la séparation, à un passé de violence conjugale et à certains cas de harcèlement criminel. Un examen approfondi des données de l'évaluation du risque peuvent permettre de repérer les auteurs de violence conjugale qui cherchent à se venger de leur ex–conjoint en faisant du tort aux enfants ou en planifiant des actes plus extrêmes comme un meurtre suivi d'un suicide. Bien qu'en droit de la famille, on suppose qu'il y a des avantages à préserver toutes les relations parent–enfant, il y a des cas où tout avantage éventuel est dépassé par les torts et les risques que pourraient subir les enfants. Certains spécialistes craignent que les enfants privés d'un parent risquent de l'idéaliser et, éventuellement, de chercher à avoir une relation avec lui sans préparation (Cunningham et Baker, 2004; Scott et Crooks, 2004). Il n'y a pas assez de recherches sur ce sujet.
Il existe des cas de conflit très important, même sans antécédents de violence, dans lesquels les enfants peuvent se liguer à un parent pour éviter de se sentir tiraillés entre les deux, et exprimer un grand désir de n'avoir aucun contact avec l'autre parent. L'intervention thérapeutique peut être utile dans de tels cas, mais il peut y avoir des cas extrêmes où suspendre l'accès peut s'avérer nécessaire pour favoriser le bien–être émotif des enfants, même si le parent duquel les enfants se sentent détachés n'a pas fait preuve de violence (Johnston, 2005).
5.2 Type d'antécédents de violence
Comme il est mentionné ci–dessus, la violence familiale peut prendre plusieurs formes, et la compréhension du contexte et des formes de violence éclaire davantage que le simple fait de se concentrer sur l'agression la plus grave ou la plus récente. Le continuum de A. LaViolette détermine une gamme de facteurs dont il faut tenir compte lors de l'examen des intentions derrière la violence, ainsi que des effets et des caractéristiques de ses diverses formes. Ce continuum peut servir à déterminer les décisions à prendre selon que le risque est faible ou élevé, tel que le montre la figure 6. Autrement dit, il se peut que des antécédents de violence conjugale courante n'empêchent pas le partage ou l'exercice des responsabilités parentales en parallèle, mais les cas de violence, de violence grave, de terreur ou de harcèlement criminel sont des contre–indications claires à ce genre d'entente. En outre, l'existence ou l'absence d'antécédents de mauvais traitements infligés aux enfants doit également être prise en compte. En effet, le type et la gravité de la violence, ainsi que la sécurité de la victime doivent être évalués tant pour les enfants que pour les victimes adultes.
Figure 6 : Ententes parentales dans les cas de violence familiale
[ Description ]
5.3 Ressources à la disposition des enfants, des victimes et des auteurs de violence
Il y a souvent un grand écart entre le plan idéal dont une famille a besoin et les ressources réelles disponibles dans la collectivité. Un plan idéal peut exiger que l'auteur de violence conjugale cherche à obtenir de l'aide pour des problèmes liés à l'alcoolisme ou à la toxicomanie, puis s'inscrive à un programme de traitement pour les conjoints violents. Pendant ce temps, les enfants consulteraient un conseiller dans le cadre d'un programme de groupe pour les enfants exposés à la violence conjugale, et le parent victime pourrait s'inscrire à un groupe de soutien pour développer des stratégies d'adaptation lui permettant de faire face à son passé de violence. Les visites, le cas échéant, dépendraient de l'admission de l'agresseur à un programme de traitement, du fait qu'il reconnaisse ses responsabilités, ainsi que du recours à un centre de visite supervisée, selon sa disponibilité. Les pratiques prometteuses dans ce domaine comprennent des programmes pour les auteurs de violence qui abordent simultanément le mauvais traitement des enfants et la violence conjugale, comme le programme Caring Dads (Scott et Crooks, 2004; Crooks et autres, à l'impression). La disponibilité des ressources constitue un autre facteur à prendre en compte, comme le montre la figure 7. En l'absence des ressources appropriées, il peut être nécessaire d'envisager un plan de visite plus conservateur.
Outre, les préoccupations au sujet de la disponibilité des ressources, il existe également un vif débat sur l'efficacité des divers programmes visant à modifier le comportement des agresseurs. Certains chercheurs sont d'avis que les programmes pour les conjoints violents sont modérément efficaces, particulièrement dans le contexte d'un système de justice pénale réceptif (Gondolf, 2002). D'autres sont plus pessimistes et disent que dans une large mesure, les interventions auprès des conjoints violents n'ont pas réussi à changer l'attitude ni le comportement des hommes ayant d'importants antécédents de violence dans leurs relations intimes (Office of Justice Programs, 2003). Les recherches dans ce domaine vont maintenant au–delà du questionnement à savoir si l'intervention fonctionne; il s'agit plutôt de dresser un portrait plus complexe de ce qui fonctionne, et pour qui. Par exemple, certains chercheurs suggèrent que des indicateurs comme la psychopathologie grave, l'ivresse permanente et les infractions aux ordonnances du tribunal peuvent prédire qu'un conjoint violent obtiendra de mauvais résultats dans un programme d'intervention (Gondolf, 2002).
En fait, de nombreux tribunaux doivent « se contenter » de ressources limitées, qui peuvent comprendre un bénévole de la communauté ou un grand–parent qui supervise les visites alors que les parents et les enfants attendent après les ressources de consultation, qui sont insuffisantes parce qu'elles ne s'inscrivent pas dans le créneau de la violence familiale. L'horaire des visites est déterminé par l'ordonnance alors qu'il devrait dépendre du fait que le traitement a été suivi ou que les buts thérapeutiques ont été atteints. En l'absence de services disponibles et coordonnés, le risque de torts physiques et émotifs pour les enfants et les victimes adultes augmente considérablement. Dans les cas extrêmes, l'absence d'une bonne évaluation des risques et de stratégies de réduction du risque posé par l'agresseur a donné lieu à des homicides consécutifs à la violence conjugale (Comité ontarien d'étude sur les décès dus à la violence familiale, 2004).
La prestation de services aux familles aux prises avec la violence conjugale pose des problèmes systémiques. Tout d'abord, l'accès en temps opportun aux services peut être entravé par la pauvreté, les listes d'attente et l'absence de fournisseurs de services adaptés aux différentes cultures. Souvent, il faut avoir accès à des services multiples, notamment des services pour les conjoints violents, les victimes et les enfants exposés à la violence conjugale. Si ces services sont en place, il faut les coordonner et assurer la transmission de l'information. En plus des préoccupations liées à la confidentialité, la nature de l'information nécessaire aux évaluateurs de la situation des enfants, aux avocats et aux juges peut aller au–delà des possibilités des organismes. Pour aggraver ces problèmes, la responsabilité de vérifier si le traitement est suivi et si des progrès sont accomplis n'est pas définie. Les pratiques vont de la possibilité qu'un fonctionnaire du tribunal (p. ex. un juge, protonotaire ou commissaire) tienne des audiences régulières d'examen pour surveiller les progrès, à aucune imputabilité précise relativement à la mise en œuvre d'une stratégie ou d'un mécanisme d'intervention permettant la révision judiciaire.
Bien que vérifier si une personne se conforme au suivi recommandé puisse fournir de l'information utile au tribunal, l'imposition d'objectifs précis en matière de comportement peut donner davantage de résultats. Dans le meilleur des cas, une entente parentale conclue par suite de violence familiale fixe des objectifs précis à l'agresseur avant de passer à une autre étape prévue dans le plan. Par exemple, dans le cas d'un agresseur alcoolique ou toxicomane, les objectifs en matière de comportement pourraient comprendre l'inscription à un programme pour toxicomanes et des tests de dépistage à subir pendant une période donnée avant que des visites non supervisées puissent être envisagées. Déterminer des objectifs précis offre un cadre plus utile aux parties surveillant les progrès pour effectuer des évaluations continues des besoins de la famille, au lieu de se fier simplement au temps qui passe. D'autres conditions préalables à la modification d'une entente parentale peuvent être liées à la situation de la victime ou des enfants. Par exemple, si un enfant victime ou témoin a suivi une thérapie fructueuse démontrée par l'absence de symptômes, par son fonctionnement général, par le rapport du thérapeute et par sa capacité à déterminer qui était responsable de la violence, cela pourrait constituer un indicateur important permettant d'envisager un plan d'accès moins limité. Toutefois, selon nos constatations, il y a peu de suivi continu et, lorsqu'il y en a, on se rend compte que les décisions prises sont fondées sur le temps passé sans incident important ainsi que sur l'information la plus superficielle qui soit au sujet de la participation au programme et non sur l'atteinte d'objectifs précis.
5.4 Moment de la divulgation/Stade de la procédure : établir la validité des allégations de violence familiale
La divulgation de la violence familiale déclenche généralement une crise au sein de la famille. Elle peut avoir lieu alors qu'un couple est toujours ensemble, au moment de la séparation ou après la séparation. La divulgation de violence infligée aux enfants peut être indirecte (par le comportement des enfants ou une mention dans un journal intime) ou directe, par un enfant, un parent ou un autre observateur. Une telle divulgation à un tiers entraînerait probablement un rapport aux services de protection de l'enfance par un parent ou un autre adulte touché (professeur, médecin de famille, voisin). Si la divulgation se rapporte à l'exposition à la violence conjugale, au lieu de la violence directe infligée aux enfants, les responsabilités en matière d'établissement de rapport sont moins claires et dépendent des lois provinciales, ainsi que des pratiques locales. Par exemple, en Ontario l'exposition à la violence conjugale ne constitue pas en soi un motif justifiant l'intervention de la protection de l'enfance; par contre, les services policiers rapportent couramment des incidents de violence familiale touchant les enfants à leur service local de protection de l'enfance. Dans d'autres provinces, l'exposition à la violence conjugale peut en soi représenter un fondement juridique pour juger qu'un enfant a besoin de protection, mais ce motif d'intervention est rarement invoqué lorsqu'il n'y a pas de violence directe infligée aux enfants ni de négligence à leur endroit.
Les facteurs essentiels qui font que la divulgation de la violence familiale entraîne une enquête plus approfondie sont la nature des allégations, la crédibilité de la partie qui les soulève et le professionnel qui les reçoit. Il existe une tendance selon laquelle la divulgation dans le contexte d'une séparation des parents est jugée suspecte par la police, les services de protection de l'enfance et les autres professionnels du système judiciaire. Ces allégations peuvent être perçues comme étant fondées sur des objectifs personnels et faites pour renforcer une demande de garde ou réclamer une restriction de l'accès de l'autre parent. Toutefois, il faut reconnaître que, dans de nombreux cas, les victimes de violence familiale se sentent incapables de révéler leur situation avant la séparation et que bon nombre d'allégations faites après la séparation sont valides.
Figure 7 : Ententes parentales après la violence familiale
[ Description ]
Lorsque des parents se séparent, une question systémique essentielle consiste à savoir si les allégations de violence familiale relèvent de la justice ou de la protection de l'enfance, ou si elles doivent être réglées comme une question privée par le tribunal de la famille. Si la police ou les services de protection de l'enfance interviennent et enquêtent sur les allégations de violence familiale en plus d'en prouver le bien–fondé, alors le réseau du droit de la famille n'a pas à régler de questions liées aux allégations contradictoires. Cependant, si les rapports de violence familiale sont présentés seulement après la séparation, il se peut que les organismes publics soient réticents à participer au processus. Les travailleurs des services à l'enfance dont la charge de travail est imposante sont souvent soulagés lorsque les parents cherchent à obtenir de la protection par l'intermédiaire du système judiciaire privé de la famille et peuvent décider de ne pas continuer à enquêter sérieusement, particulièrement si une allégation est faite après la séparation et si une demande présentée par le parent au tribunal de la famille est en cours. Les travailleurs des services à l'enfance sont plus susceptibles de participer si les allégations de violence faite aux enfants sont plus sérieuses. Toutefois, même dans ce cas, lorsqu'un parent qui a la garde prend soin des enfants de façon responsable, les services de protection de l'enfance peuvent être enclins à fermer le dossier et à laisser le tribunal de la famille décider de toute entente de visite (pour avoir des exemples, voir le Comité ontarien d'étude sur les décès dus à la violence familiale, 2004).
En l'absence d'enquête et de documentation précise sur la violence familiale de la part de la police ou des services de protection de l'enfance, le réseau du droit de la famille peut se retrouver aux prises avec des allégations contradictoires et le déni des deux parents. Une étude effectuée en Californie sur les cas de séparation hautement conflictuelle présentés au tribunal de la famille a permis de conclure que plus de la moitié de ces cas comportait une allégation de violence conjugale ou de violence infligée aux enfants (Johnston et autres, 2005). Le bien–fondé des allégations a été prouvé dans environ la moitié des cas et, dans environ le quart d'entre eux, une certaine forme de violence conjugale ou de violence infligée aux enfants avait été commise par les deux parents. Le taux de corroboration de la violence conjugale a été plus élevé que celui des allégations de violence infligée aux enfants. Cette constatation peut refléter le fait que les conjoints vivant une séparation hautement conflictuelle sont susceptibles de dire la vérité lorsqu'ils rapportent qu'ils ont eux–mêmes été victimes de leur partenaire. Cependant, dans les cas de séparation où le conflit est très important, les parents peuvent avoir beaucoup de difficulté à comprendre et à rapporter avec précision comment leur partenaire peut avoir traité leurs enfants.
Dans les cas où des allégations de violence conjugale sont faites, mais où il n'y a aucune enquête concluante des services de police ou de la protection de l'enfance, il revient au tribunal de la famille d'essayer de déterminer ce qui s'est passé (Bala, 2004). Même dans les causes relevant du droit de la famille, il incombe à la partie qui fait une allégation de la prouver, bien que la norme de preuve applicable soit la norme civile de la « preuve selon la prépondérance des possibilités », ce qui rend plus facile la tâche d'établir devant le tribunal de la famille que de la violence a eu lieu comparativement à une procédure devant un tribunal criminel, où il faut établir la « preuve hors de tout doute raisonnable ».
Dans certaines causes relevant du droit de la famille, une victime véritable peut être incapable d'établir que de la violence conjugale a eu lieu ou son importance parce qu'elle ne peut être représentée par un avocat convaincant. Même un bon avocat spécialisé en droit de la famille peut éprouver des difficultés considérables à établir que de la violence a été commise s'il manque de preuves pour corroborer les allégations de la victime, par exemple de la part d'un médecin, d'un voisin ou d'une gardienne.
Il est de plus en plus courant, dans les différends associés aux enfants, que le tribunal nomme un psychologue ou un travailleur social pour évaluer le cas et rendre compte aux parties et au tribunal, ce qui comprend généralement des recommandations visant une entente favorable à l'intérêt des enfants (Bala et Saunders, 2003). L'évaluateur mènera des entrevues avec les parents et les enfants touchés et rencontrera généralement d'autres adultes importants, comme les nouveaux partenaires des parents, et examinera les dossiers et les rapports; l'évaluation pourra comprendre aussi des tests psychologiques, des visites à la maison et des communications avec divers professionnels, comme des professeurs. Souvent, les parties règleront le cas après l'évaluation, sachant que les recommandations de l'évaluateur sont susceptibles d'influer sur le juge. Bien que les évaluateurs soient influents, il est clair que les juges ne sont pas liés par leurs rapports et qu'ils peuvent les rejeter, par exemple lorsqu'une évaluation est fondée sur une compréhension erronée des faits ou que l'évaluateur n'a pas la formation scolaire nécessaire pour s'occuper du cas en question. Une évaluation peut aider le tribunal à déterminer la validité d'une allégation de violence, pourvu qu'elle soit faite par un travailleur social ou un psychologue qui dispose de la formation, des connaissances et des compétences nécessaires pour traiter avec ces cas particulièrement exigeants.
La question de la divulgation, après la séparation, de violence faite aux enfants est extrêmement complexe. Dans certains cas, les enfants ou le parent se sentent trop intimidés ou coupables pour révéler qu'il y avait de la violence avant la séparation alors que dans d'autres cas, il se peut que la violence faite aux enfants n'ait commencé qu'après la séparation. Toutefois, le nombre d'allégations non fondées de violence faite aux enfants est beaucoup plus élevé après la séparation que dans d'autres situations (Bala et Schuman, 1999; Trocme et Bala, 2005). Les études à ce sujet indiquent qu'un assez petit nombre de fausses allégations de violence faite aux enfants après la séparation avaient comme origine des intentions délibérées ou malveillantes. Le plus souvent, il s'agit de cas non fondés où le parent qui accuse croit honnêtement (quoique de façon erronée) qu'il y a eu violence, se fiant aux dires ou aux symptômes vagues des enfants; la violence subie par le parent, sa mauvaise opinion de l'autre parent et le manque de confiance entre les parents peuvent contribuer à faire croire qu'il y a bel et bien eu de la violence. Il importe de souligner que dans la période qui suit la séparation, bon nombre des allégations non fondées de violence faite aux enfants sont faites par des pères n'ayant pas la garde contre des mères qui ont la garde ou contre leur nouveau partenaire (Johnston et autres, 2005).
Dans certains cas, le parent qui accuse croit à tort et tellement fortement qu'il y a eu violence à l'égard des enfants qu'il rejettera l'opinion d'un professionnel indépendant s'il réfute ses allégations. Dans de telles situations, les tribunaux et les fournisseurs de services communautaires doivent gérer leurs ressources limitées pour s'assurer que les évaluations répétées et le processus entourant le litige ne nuisent pas aux enfants. Si le parent qui accuse est celui qui a la garde, le tribunal de la famille peut se retrouver face au dilemme suivant : accepter la version de ce parent si les enfants y sont très attachés ou prendre le risque de briser le lien avec le gardien principal pour favoriser le parent qui n'a pas la garde. Le fait qu'un parent continue de croire de façon injustifiée que ses enfants ont été violentés par l'autre parent, alors que des professionnels ayant fait enquête réfutent clairement cette hypothèse, peut être symptomatique de graves problèmes émotifs.
5.4.1 Audiences et ordonnances provisoires
Dès que de l'information crédible est présentée au tribunal, il faut qu'un plan provisoire soit mis en place ou qu'une ordonnance provisoire soit rendue. Ce plan est souvent fondé sur de l'information minimale ou contradictoire, mais il devrait être orienté sur la sécurité des enfants et des parents. Il doit avoir une durée limitée pour éviter de compromettre la relation des enfants avec l'agresseur présumé au cas où les allégations soient non fondées ou fondées sur un malentendu. Un facteur qui complique les choses dans les procédures familiales est qu'il se peut qu'une procédure parallèle ait lieu relativement à la protection des enfants ou devant un tribunal criminel. Par exemple, les allégations de violence conjugale peuvent mener à une arrestation et à une mise en liberté sous caution à condition de ne pas communiquer avec le partenaire ou les enfants. S'il y a des preuves de violence mais pas suffisamment d'information pour établir si les préoccupations en matière de sécurité sont légitimes ou non, une entente de visite supervisée provisoire peut servir à la fois à protéger les victimes présumées contre toute menace éventuelle et à mettre les personnes faussement accusées à l'abri de toute autre allégation. Une entente plus durable peut être conclue lorsque plus d'informations ont été recueillies. La figure 8 illustre les considérations supplémentaires que représentent le moment de la divulgation et l'avancement de la procédure.
5.4.2 Ordonnances plus permanentes et examens
S'il s'avère que les allégations de violence sont fondées, le tribunal doit exiger davantage d'information au sujet des parents et des enfants, ainsi que les ressources nécessaires pour assurer le rétablissement et les contacts sécuritaires. Ces ordonnances du tribunal sont souvent indéterminées, mais elle devraient comporter des dispositions concernant l'examen judiciaire ou la surveillance continue en prévision des changements comme le fait que les enfants prennent de la maturité, le respect, par les parents, des traitements recommandés et les avantages qu'ils en retirent et les nouveaux partenaires adultes. Bien que les tribunaux puissent valoriser les règlements et la fermeture des dossiers par opposition aux litiges continus, les cas complexes impliquant de la violence familiale exigent une certaine surveillance et quelquefois même la participation à long terme du tribunal et des services judiciaires.
Figure 8 : Ententes parentales après la violence familiale
[ Description ]
- [7] L'expression « violence faite aux enfants » a été critiquée puisqu'elle porte exclusivement sur des gestes qui correspondent à une définition juridique particulière de la violence. Par contre, l'expression « mauvais traitements infligés aux enfants » englobe un éventail plus large d'actes de violence et de négligence pouvant ne pas être punissables par la justice, mais susceptibles d'avoir des répercussions négatives sur l'épanouissement des enfants. De plus, le terme « violence » se rapporte plutôt à des incidents précis, tandis que l'expression « mauvais traitements » fait référence à un type de comportement répété. Les deux expressions sont employées dans le présent document.
- [8] La visite sous supervision médicale offre la possibilité qu'une visite ait lieu entre un parent et un enfant dans un contexte supervisé avec un thérapeute qui intervient, favorisant un rôle parental sain, l'établissement d'une relation et la coopération entre les parties. La visite sous supervision médicale constitue une intervention spécialisée à court terme qui vise à aider les parents à atteindre l'étape des visites non supervisées tout en répondant aux besoins de l'enfant.
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