Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales (Partie 2 : rapports des études sur le terrain)

Chapitre 2 : Regina (suite)

2.3 Fréquence des comparutions sans représentation par avocat

2.3.1 L'autoreprésentation tout au long du processus judiciaire

Étant donné la perception générale voulant que le fait de ne pas être représenté ait d'importantes conséquences pour un accusé, il est important de savoir à quelle fréquence un accusé comparait sans représentation aux différentes étapes du processus judiciaire.

Le dossier des causes réglées ne permet pas de dépeindre de manière simple la représentation tout au long du processus judiciaire. Le mode de représentation d'un accusé changera souvent d'une comparution à une autre. Ainsi, par exemple, un accusé peut être représenté par un avocat de service lors de l'enquête sur le cautionnement, mais s'autoreprésenter par la suite, puis être ensuite représenté par un avocat de pratique privée.[8]

Résultats du travail d'observation du mode de représentation à toutes les comparutions :

Par conséquent, le dossier des causes réglées indique que l'accusé n'a pas été représenté lors d'au moins une comparution dans au moins 49,2 pour cent des causes, et possiblement jusqu'à 52,6 pour cent des causes (si l'on compte les 3,4  pour cent de causes sur lesquelles aucune information sur la représentation n'était présentée).

Un appui indépendant à cette conclusion provient de l'analyse de données indépendantes tirées du travail d'observation en cour. Pour les 300 comparutions observées :

2.3.2 L'autoreprésentation par catégorie d'infraction

Au cours de la visite à  la cour, les personnes interrogées étaient d'avis que, à cause des critères d'application (possibilité d'emprisonnement), les accusations criminelles pour lesquelles les accusés avaient le plus de chance de ne pas être représentés étaient les infractions mineures contre les biens (vol à l'étalage, infraction mineure au service, etc.), les agressions mineures (sauf dans le cas où de longs antécédents pourraient conduire à un emprisonnement, et donc à une représentation par avocat) et les infractions liées à l'abus de drogues ou d'alcool (conduite avec facultés affaiblies, désordre public, etc.).

Le tableau R-3 a été réalisé à partir d'un échantillon de causes réglées afin de présenter une estimation de la proportion des accusés non représentés en fonction de la catégorie d'infraction à laquelle l'accusation la plus grave correspond.

Tableau R-3. Proportion des accusés non représentés à différentes comparutions, par catégorie de l'accusation la plus grave, Regina*
Catégories de l'accusation la plus grave 3 Proportion d'accusés non représentés lors de Nombre total de causes (tous les accusés)
1 re comparution ( %) Cautionnement ( %) 4Plaidoyer ( %) Choix d'une défense ( %) Dernière comparution ( %)
Homicide 19 75 0 0 0 21
Agression sexuelle 46 45 3 5 4 115
Voies de fait autres que simples 59 71 14 3 14 1291
Vol qualifié 58 59 4 8 6 166
Entrée par effraction 63 75 6 12 10 621
Conduite avec faculté affaiblies 57 75 35 11 32 1 084
Voies de fait simples 61 77 24 6 23 906
Drogues excluant la possession simple 41 45 9 11 11 126
Infractions relatives aux armes 56 57 20 6 16 133
Vols et fraudes 63 71 22 14 20 2 232
Possession simple de drogue 68 73 34 *** 33 134
Infractions à l'administration de la justice 67 75 23 8 23 2 549
Infractions à l'ordre public 39 76 25 *** 26 256
Infractions diverses au Code criminel 64 78 37 7 34 316
Autres infractions aux lois fédérales 58 54 17 *** 14 321
Proportion d'accusés non représentés lors de cette comparution 61 72 22 9 21

Notes

Les données sur les causes réglées confirment largement la perception des  personnes interrogées clés selon laquelle les infractions associées à un faible risque d'emprisonnement à la suite d'une condamnation (conduite avec facultés affaiblies, possession de drogues, infractions à l'ordre public et autres infractions criminelles) présentaient le taux le plus élevé d'accusés non représentés lors du plaidoyer et de la comparution finale. C'était  pour les infractions les plus graves : (homicide, agressions sexuelles, vol qualifié, entrée par effraction et infractions liées aux drogues à l'exclusion de la possession simple) que l'on constate le taux le plus bas d'accusés non représentés lors du plaidoyer et de la comparution finale.

En revanche, il y a peu de différence entre le taux d'accusés non représentés lors de la première comparution ou de la demande de cautionnement et le taux peut-être étonnamment élevé d'accusés non représentés pour les infractions plus graves.

2.3.3 L'autoreprésentation au cours des différentes étapes du processus

De nombreuses personnes interrogées(mais pas toutes) signalent que la représentation n'était  pas importante uniquement à l'étape du procès. Quelques-unes sont d'avis que le procès est l'étape la plus importante, et la plupart ont exprimé l'idée que le prononcé de la sentence était  très important.

Toutefois, la plupart des  personnes interrogées estimaient que les premières étapes (à l'arrestation, après la mise en accusation, la libération avant procès et le plaidoyer) étaient  les plus importantes. Plusieurs  d'entre elles ont expliqué que la preuve et la simple logique indiquaient fortement que les décisions prises dès l'arrestation et la mise en accusation avaient  des effets importants sur le dénouement de la cause. Pour certaines décisions (p. ex. la demande de cautionnement et les négociations liées au plaidoyer), les effets étaient indirects. Pour d'autres décisions (p. ex. le plaidoyer), les effets étaient très directs.

Il était intéressant de constater que de nombreuses personnes interrogées ont été incapables d'estimer la proportion des accusés non représentés aux différentes étapes du processus et celles qui l'ont fait sont arrivées à des résultats variant considérablement :

Le tableau R-3 démontre que c'était en fait lors des étapes précédant la première comparution et la demande de cautionnement que les accusés risquaient le plus de ne pas être représentés.

Ces résultats contrastent avec l'information précédente d'après laquelle la plupart des personnes interrogées voulaient que ce soit lors des premières étapes du processus criminel que les accusés aient besoin d'avocats.

2.3.4 Caractéristiques socio-démographiques des accusés non représentés

Malheureusement, aucune donnée empirique n'est recueillie ou n'est disponible qui nous permettrait de mieux connaître les caractéristiques des accusés qui s'autoreprésentent. Toutefois, la majorité des personnes interrogées étaient d'avis que, parce qu'il y avait un si grand nombre d'accusés non représentés, ceux-ci ont sans doute un profil similaire à celui de l'ensemble des accusés dans les causes criminelles de la Cour provinciale, c'est-à-dire qu'il s'agit surtout d'hommes, d'autochtones, de travailleurs à faible salaire ou de sans emplois, possédant souvent un niveau d'alphabétisation faible ou très faible (une personne interrogée estime qu'environ la moitié des accusés étaient illettrés et une autre est d'avis qu'ils avaient des compétences en lecture équivalentes à celles d'un élève de 4e ou 5e année), et dont le mode de vie était désorganisé. Certains  personnes interrogées ont émis l'hypothèse que ces personnes pouvaient être soit : des gens qui ne voulaient pas révéler leur situation financière; qui ne voulaient pas payer un avocat mais qui désiraient participer au procès; qui voulaient se représenter eux-mêmes à cause d'un manque de confiance dans le système de justice pénale en général; qui désiraient utiliser leur cause afin de défendre une cause, comme celle des droits de chasse des autochtones; qui voulaient présenter eux-même leur défense; et qui mettaient de telles barrières à l'obtention de l'aide juridique que celle-ci leur était refusée.