Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales (Partie 2 : rapports des études sur le terrain)
Chapitre 2 : Regina (suite)
2.3 Fréquence des comparutions sans représentation par avocat
2.3.1 L'autoreprésentation tout au long du processus judiciaire
Étant donné la perception générale voulant que le fait de ne pas être représenté ait d'importantes conséquences pour un accusé, il est important de savoir à quelle fréquence un accusé comparait sans représentation aux différentes étapes du processus judiciaire.
Le dossier des causes réglées ne permet pas de dépeindre de manière simple la représentation tout au long du processus judiciaire. Le mode de représentation d'un accusé changera souvent d'une comparution à une autre. Ainsi, par exemple, un accusé peut être représenté par un avocat de service lors de l'enquête sur le cautionnement, mais s'autoreprésenter par la suite, puis être ensuite représenté par un avocat de pratique privée.[8]
Résultats du travail d'observation du mode de représentation à toutes les comparutions :
- Le dossier des causes réglées comportait diverses combinaisons intégrant l'autoreprésentation, la représentation par un avocat de l'aide juridique, par un avocat de pratique privée ou par un avocat de service pour toutes les comparutions, sauf dans 3,4 pour cent des causes. [9]
- Dans 46 pour cent des causes, le dossier ne comportait aucune information sur la représentation pour au moins une des comparutions.
- Dans 6,3 pour cent des causes, le dossier comportait de l'information complète sur la représentation pour toutes les comparutions et, dans tous les cas, l'accusé s'autoreprésentait.
- Dans 6,6 pour cent des causes, le dossier indiquait un mélange d'autoreprésentation pour certaines comparutions et d'absence d'information pour les autres.
- Dans 36,3 pour cent des causes, le dossier indiquait soit l'autoreprésentation pour certaines comparutions soit la représentation par un quelconque conseiller pour les autres.
Par conséquent, le dossier des causes réglées indique que l'accusé n'a pas été représenté lors d'au moins une comparution dans au moins 49,2 pour cent des causes, et possiblement jusqu'à 52,6 pour cent des causes (si l'on compte les 3,4 pour cent de causes sur lesquelles aucune information sur la représentation n'était présentée).
Un appui indépendant à cette conclusion provient de l'analyse de données indépendantes tirées du travail d'observation en cour. Pour les 300 comparutions observées :
- Dans 51 pour cent des cas, l'accusé n'était pas représenté (bien que le résultat de près de la moitié de ces comparutions étaient simplement un ajournement);
- Dans 31 pour cent des cas, l'accusé était représenté par un avocat de pratique privée;
- Dans 11 pour cent des cas, l'accusé était représenté par un avocat de l'aide juridique; et
- Dans 8 pour cent des cas, l'accusé était accompagné soit d'un représentant, d'un conseiller parajuridique autochtone, d'un conseiller d'une clinique juridique, ou d'une autre personne dont l'affiliation n'était pas définie.
2.3.2 L'autoreprésentation par catégorie d'infraction
Au cours de la visite à la cour, les personnes interrogées étaient d'avis que, à cause des critères d'application (possibilité d'emprisonnement), les accusations criminelles pour lesquelles les accusés avaient le plus de chance de ne pas être représentés étaient les infractions mineures contre les biens (vol à l'étalage, infraction mineure au service, etc.), les agressions mineures (sauf dans le cas où de longs antécédents pourraient conduire à un emprisonnement, et donc à une représentation par avocat) et les infractions liées à l'abus de drogues ou d'alcool (conduite avec facultés affaiblies, désordre public, etc.).
Le tableau R-3 a été réalisé à partir d'un échantillon de causes réglées afin de présenter une estimation de la proportion des accusés non représentés en fonction de la catégorie d'infraction à laquelle l'accusation la plus grave correspond.
Catégories de l'accusation la plus grave | 3 Proportion d'accusés non représentés lors de | Nombre total de causes (tous les accusés) | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
1 re comparution ( %) | Cautionnement ( %) | 4Plaidoyer ( %) | Choix d'une défense ( %) | Dernière comparution ( %) | ||
Homicide | 19 | 75 | 0 | 0 | 0 | 21 |
Agression sexuelle | 46 | 45 | 3 | 5 | 4 | 115 |
Voies de fait autres que simples | 59 | 71 | 14 | 3 | 14 | 1291 |
Vol qualifié | 58 | 59 | 4 | 8 | 6 | 166 |
Entrée par effraction | 63 | 75 | 6 | 12 | 10 | 621 |
Conduite avec faculté affaiblies | 57 | 75 | 35 | 11 | 32 | 1 084 |
Voies de fait simples | 61 | 77 | 24 | 6 | 23 | 906 |
Drogues excluant la possession simple | 41 | 45 | 9 | 11 | 11 | 126 |
Infractions relatives aux armes | 56 | 57 | 20 | 6 | 16 | 133 |
Vols et fraudes | 63 | 71 | 22 | 14 | 20 | 2 232 |
Possession simple de drogue | 68 | 73 | 34 | *** | 33 | 134 |
Infractions à l'administration de la justice | 67 | 75 | 23 | 8 | 23 | 2 549 |
Infractions à l'ordre public | 39 | 76 | 25 | *** | 26 | 256 |
Infractions diverses au Code criminel | 64 | 78 | 37 | 7 | 34 | 316 |
Autres infractions aux lois fédérales | 58 | 54 | 17 | *** | 14 | 321 |
Proportion d'accusés non représentés lors de cette comparution | 61 | 72 | 22 | 9 | 21 |
Notes
- * À l'exclusion des causes pour lesquelles la représentation n'était pas spécifiée dans le dossier.
- *** Trop peu de causes pour établir un pourcentage.
Les données sur les causes réglées confirment largement la perception des personnes interrogées clés selon laquelle les infractions associées à un faible risque d'emprisonnement à la suite d'une condamnation (conduite avec facultés affaiblies, possession de drogues, infractions à l'ordre public et autres infractions criminelles) présentaient le taux le plus élevé d'accusés non représentés lors du plaidoyer et de la comparution finale. C'était pour les infractions les plus graves : (homicide, agressions sexuelles, vol qualifié, entrée par effraction et infractions liées aux drogues à l'exclusion de la possession simple) que l'on constate le taux le plus bas d'accusés non représentés lors du plaidoyer et de la comparution finale.
En revanche, il y a peu de différence entre le taux d'accusés non représentés lors de la première comparution ou de la demande de cautionnement et le taux peut-être étonnamment élevé d'accusés non représentés pour les infractions plus graves.
2.3.3 L'autoreprésentation au cours des différentes étapes du processus
De nombreuses personnes interrogées(mais pas toutes) signalent que la représentation n'était pas importante uniquement à l'étape du procès. Quelques-unes sont d'avis que le procès est l'étape la plus importante, et la plupart ont exprimé l'idée que le prononcé de la sentence était très important.
Toutefois, la plupart des personnes interrogées estimaient que les premières étapes (à l'arrestation, après la mise en accusation, la libération avant procès et le plaidoyer) étaient les plus importantes. Plusieurs d'entre elles ont expliqué que la preuve et la simple logique indiquaient fortement que les décisions prises dès l'arrestation et la mise en accusation avaient des effets importants sur le dénouement de la cause. Pour certaines décisions (p. ex. la demande de cautionnement et les négociations liées au plaidoyer), les effets étaient indirects. Pour d'autres décisions (p. ex. le plaidoyer), les effets étaient très directs.
Il était intéressant de constater que de nombreuses personnes interrogées ont été incapables d'estimer la proportion des accusés non représentés aux différentes étapes du processus et celles qui l'ont fait sont arrivées à des résultats variant considérablement :
- À la première comparution : L'estimation du nombre d'accusés non représentés variait de 40 à 90 pour cent. La majorité des personnes interrogées s'entendaient pour dire que la majorité des accusés qui n'étaient pas détenus n'étaient pas représentés au cours de leur première comparution et les suivantes.
- À la demande de cautionnement : Les personnes interrogées ont souligné que l'avocat de service était disponible pour cette étape pour ceux qui étaient en détention, mais quelques-unes pensaient que de 20 à 50 pour cent de ces accusés ne profitaient pas des services de l'avocat de service.[10]
- Lors du plaidoyer : Les estimations concernant le pourcentage des accusés non représentés variaient de 20 à 60 pour cent.
- Lors du procès : Les estimations concernant le pourcentage des accusés non représentés variaient de 20 à plus de 60 pour cent.
Le tableau R-3 démontre que c'était en fait lors des étapes précédant la première comparution et la demande de cautionnement que les accusés risquaient le plus de ne pas être représentés.
- Dans l'ensemble, plus de la moitié des accusés n'étaient pas représentés lors de la première comparution et près des trois quarts n'étaient pas représentés lors de la comparution lors de laquelle une demande en cautionnement était prise en considération pour la première fois.
- La probabilité d'une représentation (y compris par un avocat de l'aide juridique ou un avocat de pratique privée) augmentait considérablement pour les comparutions au cours desquelles soit un plaidoyer était inscrit soit un choix se présentait ou pour la dernière comparution.
- Ce mode de fonctionnement est observable pour chacune des catégories d'infractions présentées au tableau R-3.
Ces résultats contrastent avec l'information précédente d'après laquelle la plupart des personnes interrogées voulaient que ce soit lors des premières étapes du processus criminel que les accusés aient besoin d'avocats.
2.3.4 Caractéristiques socio-démographiques des accusés non représentés
Malheureusement, aucune donnée empirique n'est recueillie ou n'est disponible qui nous permettrait de mieux connaître les caractéristiques des accusés qui s'autoreprésentent. Toutefois, la majorité des personnes interrogées étaient d'avis que, parce qu'il y avait un si grand nombre d'accusés non représentés, ceux-ci ont sans doute un profil similaire à celui de l'ensemble des accusés dans les causes criminelles de la Cour provinciale, c'est-à-dire qu'il s'agit surtout d'hommes, d'autochtones, de travailleurs à faible salaire ou de sans emplois, possédant souvent un niveau d'alphabétisation faible ou très faible (une personne interrogée estime qu'environ la moitié des accusés étaient illettrés et une autre est d'avis qu'ils avaient des compétences en lecture équivalentes à celles d'un élève de 4e ou 5e année), et dont le mode de vie était désorganisé. Certains personnes interrogées ont émis l'hypothèse que ces personnes pouvaient être soit : des gens qui ne voulaient pas révéler leur situation financière; qui ne voulaient pas payer un avocat mais qui désiraient participer au procès; qui voulaient se représenter eux-mêmes à cause d'un manque de confiance dans le système de justice pénale en général; qui désiraient utiliser leur cause afin de défendre une cause, comme celle des droits de chasse des autochtones; qui voulaient présenter eux-même leur défense; et qui mettaient de telles barrières à l'obtention de l'aide juridique que celle-ci leur était refusée.
[8] Un deuxième problème associé particulièrement au système d'information automatisé JAIN est que l'information sur la représentation lors de comparutions particulières est absente dans un important nombre de cas. Nous avons estimé que cette situation ne survenait pas assez fréquemment (comme ce fut le cas pour d'autres cours étudiées) pour demander aux chercheurs de trouver cette information dans les dossiers de la cour rédigés à la main (p. ex. dénonciations, rôles ou notes des sténographes judiciaires). Toutefois, un travail considérable a été réalisé afin d'assurer que le problème lié au manque d'information sur la représentation n'ait pas de répercussions importantes sur les résultats présentés ici.
[9] Dans 3,4 pour cent des causes présentes dans le dossier des causes réglées, aucune information sur la représentation n'a été donnée.
[10] Les tendances pour 2001 concernant les proportions de causes représentées par un conseiller juridique à l'étape de la demande de cautionnement ont été analysées afin de déterminer si le projet pilote sur l'avocat de service, qui a commencé en 2001, avait présenté « des crises de croissance » pendant les premières étapes. Toutefois, nous n'y avons trouvé aucune différence structurelle perceptible dans le temps pour les causes concernant des détenus représentés par un avocat de l'aide juridique à l'étape de la demande de cautionnement.
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