Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales (Partie 2 : rapports des études sur le terrain)
Chapitre 5 : Edmonton, Alberta
5.1 Objectifs et méthodologie
Le ministère de la Justice et le Groupe de travail fédéral, provincial et territorial permanent sur l'aide juridique ont mandaté l'équipe de recherche pour mener une étude nationale visant à mesurer :
- La fréquence à laquelle les accusés comparaissent devant un tribunal sans représentation par avocat au cours des différentes étapes du processus judiciaire; et
- Les effets de l'autoreprésentation sur les accusés eux-mêmes, sur les autres groupes intervenant dans le processus judiciaire et sur les tribunaux en général.
Un bref survol de l'ensemble de l'étude nationale, prenant en compte neuf cours, a été présenté au chapitre 1. La méthodologie utilisée pour la collecte de données et les visites sur place pour le volet d'Edmonton était semblable à celle utilisée pour les autres cours.
La méthodologie comportait la collecte de données et des visites à la cour. L'information sur les accusés non représentés provenait de trois sources :
- Un « échantillon des causes réglées » créé pour ce projet et comprenant des données clés, incluant de l'information sur la représentation juridique, sur toutes les comparutions, pour un total de 620 causes;
- Le travail d'observation de la cour des 916 comparutions dans les cours de premières comparutions et de procédures sommaires pendant dix jours en mars 2002; des procès y ont rarement été observés; et
- Des entrevues avec des personnes interrogées clés (juges, procureurs de la Couronne, membres du personnel et de l'administration du service d'aide juridique, personnel administratif de la cour, greffiers, avocats de pratique privée, organismes de services locaux, etc.), dont l'anonymat était assuré.
Tout au long de ce projet, nous avons bénéficié d'une excellente coopération et de l'aide de tous ceux à qui nous avons demandé d'y participer. Nous sommes aussi grandement reconnaissants au chercheur d'Edmonton pour son aide et sa compétence dans son travail d'observation de la cour et de préparation du dossier des causes réglées.
5.2 Contexte de la cour et de l'aide juridique
L'une des principales conclusions à dégager - grâce aux données recueillies dans toutes les cours - c'est que l'information sur la représentation juridique dans une cour en particulier ne peut être interprétée sans tenir compte (au moins) des éléments contextuels suivants:
- Le type de collectivité desservie (y compris la nature des personnes accusées) comparaissant devant la cour;
- Les ressources, la gestion et le fonctionnement de la cour;
- Les politiques et pratiques en matière d'aide juridique;
- Le système associé à l'avocat de service;
- Les politiques et pratiques de tous les autres participants clés intervenant dans le processus judiciaire - y compris la magistrature, la police, les procureurs de la Couronne, le personnel de la cour, les responsables de l'administration de la cour, les avocats de pratique privée et les autres organismes de soutien.
Tous ces facteurs, ces politiques et ces pratiques peuvent avoir une influence atténuante ou aggravante importante sur les effets de l'autoreprésentation. Cette information contextuelle est donc essentielle pour comprendre les problèmes et les solutions possibles au défi que constitue l'autoreprésentation.
La section suivante portera particulièrement sur les trois premiers points mentionnés précédemment. L'information concernant le cinquième point se retrouve disséminée dans le présent rapport.
5.2.1 La collectivité
Située près du centre géographique de l'Alberta, Edmonton est la capitale de la province. Edmonton est un centre d'affaires prospère qui jouit d'une économie diversifiée. La densité de sa population de, 974 habitants par kilomètre carré, est l'une des plus faible des grandes villes canadiennes. Environ 85 pour cent des habitants d'Edmonton disent parler l'anglais à la maison, l'autre langue la plus parlée étant le chinois, à 4 pour cent. Le français est la langue parlée à la maison de 0,62 pour cent des habitants.
La ville d'Edmonton comptait 666 104 habitants en 2001. Lorsqu'on compare cette donnée à celle tirée du recensement précédent (1996), on constate que la population a connu une augmentation de 8,1 pour cent, soit légèrement moindre que l'augmentation qu'a connue la province dans son ensemble (10,3 pour cent). La population de la région métropolitaine de recensement d'Edmonton était de 937 845 habitants en 2001, une augmentation de 8,7 pour cent. Environ 22 pour cent des hommes et 21 pour cent des femmes d'Edmonton appartiennent à la tranche des 15-29 ans, qui est associée au plus haut taux de criminalité.
Le revenu moyen déclaré de la population active âgée de 15 ans et plus était de 24 783 $. Le revenu moyen d'ensemble des habitants d'Edmonton était légèrement inférieur à celui de la province, qui était de 26 196 $. Tant les hommes que les femmes d'Edmonton ont déclaré un revenu moyen inférieur à celui de la moyenne provinciale en fonction de leur sexe.
En 2001, le taux de chômage pour la ville d'Edmonton était 4,9 pour cent, soit inférieur à celui de la province dans son ensemble (5,6 pour cent).
Dans l'ensemble, la population d'Edmonton déclarait un taux de scolarité moyen supérieur à celui de la population provinciale. La proportion des habitants d'Edmonton âgés de plus de 25 ans déclarant avoir terminé l'université était de 19,9 pour cent, comparativement à 17,4 pour cent pour la province de l'Alberta. En même temps, Edmonton comportait une proportion légèrement plus élevée d'habitants âgés de plus de 25 ans ayant une scolarité inférieure à la 9e année (grade nine) que la moyenne provinciale.
Le nombre estimé des familles monoparentales à Edmonton en 2001 était de 30 941, ou 17 pour cent, sur un total de 182 986 familles. La proportion des familles monoparentales pour la province était estimée à 12,5 pour cent cette même année.
Sur un nombre estimé de 271 239 de logements privés occupés à Edmonton en 2001, près de 60 pour cent (157 487) d'entre eux étaient occupés par leurs propriétaires et 113 752 étaient loués. Dans la province de l'Alberta, dans l'ensemble et pour la même année, la proportion de logements occupés par leurs propriétaires était de 68 pour cent.
Le nombre de crimes violents à Edmonton a augmenté de 8,2 pour cent de1999 à 2000, tandis qu'il diminuait de 0,1 pour cent dans la province. Le nombre de crimes violents à Edmonton en 2000 était de 941 par 100 000 habitants. Les crimes contre la propriété à Edmonton ont diminué de 2,6 pour cent de 1999 à 2000, tandis qu'ils ont diminué de 7 pour cent dans la province. À Edmonton, le nombre de crimes contre la propriété était 4 680 par 100 000 habitants. Le taux de criminalité à Edmonton a diminué de 1,9 pour cent de 1999 à 2000. Le nombre de crimes total déclaré à Edmonton était de 8 377 par 100 000 habitants, soit le même nombre qu'au taux provincial (8 822). Le nombre total de crimes commis à Edmonton (à l'exclusion des infractions au Code de la route) était de 79 095 en 2000.
5.2.2 La cour
Le palais de justice d'Edmonton comporte :
- Douze salles d'audience de la Cour du Banc de la Reine
- Quinze salles d'audience de la Cour criminelle de la province
Une salle d'audience de la Cour du Banc de la Reine pour cautionnement |
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Onze salles d'audience de la Cour du Banc de la Reine pour procès | ||
Trois salles d'audience du rôle de la Cour provinciale |
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Douze salles d'audience de la Cour criminelle provinciale | ||
Le bureau d'audience d'Edmonton est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour les enquêtes sur le cautionnement ou autres garanties requérant une audience devant un juge de paix (renvoi le lendemain à la cour du rôle) | ||
Une cour spéciale | Une très grande salle d'audience | Partage de la cour spéciale entre La Cour du Banc de la Reine et la Cour provinciale. |
Le palais de justice d'Edmonton n'assure le fonctionnement d'aucune cour itinérante.
Le palais de justice d'Edmonton fait l'objet d'une Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes (ETJCA) menée par Statistique Canada. Réalisée à partir des données de l'ETJCA, la répartition des causes en 2000/01 pour Edmonton et pour toute l'Alberta est présentée dans le tableau ci-dessous.
Edmonton | Pourcentage pour Edmonton | Alberta | Pourcentage pour l'Alberta | |
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Nombre total des causes réglées | 18 551 | 65 228 | ||
Homicide | 22 | 0,1 | 65 | 0,1 |
Tentative de meurtre | 4 | 0 | 21 | 0 |
Vol qualifié | 241 | 1,3 | 555 | 0,9 |
Enlèvement | 13 | 0,1 | 69 | 0,1 |
Agression sexuelle | 166 | 0,9 | 638 | 1 |
Abus sexuel | 51 | 0,3 | 180 | 0,3 |
Voies de fait graves | 1 049 | 5,7 | 2 954 | 4,7 |
Rapt | 13 | 0,1 | 32 | 0,1 |
Voies de fait simples | 1 910 | 10,3 | 7 154 | 11,5 |
Entrée par effraction | 419 | 2,3 | 1 586 | 2,5 |
Incendie criminel | 20 | 0,1 | 66 | 0,1 |
Fraude | 1 213 | 6,5 | 3 432 | 5,5 |
Possession de biens volés | 816 | 4,4 | 2 542 | 4,1 |
Vol | 2 435 | 13,1 | 7 079 | 11,4 |
Dommages aux biens/Méfaits | 668 | 3,6 | 2 294 | 3,7 |
Armes | 375 | 2,0 | 1 140 | 1,8 |
Administration de la justice | 2 728 | 14,7 | 7 716 | 12,4 |
Infraction à l'ordre public | 626 | 3,4 | 2 083 | 3,3 |
Moralité - Sexualité | 360 | 1,9 | 560 | 0,9 |
Moralité - Jeu et paris | 23 | 0,1 | 76 | 0,1 |
Autres infractions au Code criminel | 1 571 | 8,5 | 5 988 | 9,6 |
Infraction au Code de la route | 384 | 2,1 | 1 442 | 2,3 |
Conduite avec facultés affaiblies | 1 987 | 10,7 | 9 162 | 14,7 |
Trafic/importation de drogue | 778 | 4,2 | 1 774 | 2,8 |
Possession de drogue | 496 | 2,7 | 2 334 | 3,7 |
Autres infractions aux lois fédérales | 183 | 1 | 1 346 | 2,2 |
Source : Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle adulte, Statistique Canada
L'analyse des données ci-dessus démontre que les types d'infraction traités au palais de justice d'Edmonton ne sont pas très différents de ceux de l'Alberta dans son ensemble.
5.2.3 L'aide juridique
En Alberta, l'aide juridique en matière pénale est administrée par la Legal Aid Society of Alberta. Sauf dans le cas des avocats de service (avocats internes employés par la Legal Aid Society ) à certains endroits (incluant Edmonton), la représentation juridique des personnes admissibles à l'aide juridique en matière pénale est assurée par des avocats de pratique privée à la suite de l'émission de certificats. La rémunération pour ces services est établie conformément au guide de tarifs de l'aide juridique.
Dans le cas des affaires criminelles, les adultes répondant aux critères financiers, peuvent obtenir l'aide juridique sur émissions de certificats s'ils ont été accusés d'un acte criminel ou d'une infraction punissable par procédure sommaire où ils courent le risque, s'ils sont condamnés, d'être détenus ou bien de perdre leur moyen de subsistance; ou encore dans le cas d'autres circonstances telles que les troubles mentaux ou de la difficulté à s'exprimer dans une langue.
À Edmonton, les demandes d'aide juridique sont faites au palais de justice (tout juste à l'extérieur de la salle de première comparution), au bureau de l'Aide juridique et au centre de détention provisoire. La période d'attente avant qu'un certificat soit émis aux demandeurs autorisés à bénéficier de cette aide est actuellement d'environ cinq jours civils (incluant les jours non ouvrables). Un très petit nombre des personnes interrogées à Edmonton estiment qu'un accusé bénéficiant d'un certificat pourrait avoir de véritables difficultés à trouver un avocat de pratique privée désireux de le représenter.
Les personnes qui ne sont pas autorisées à bénéficier de l'aide juridique à cause de la nature mineure des infractions mais qui seraient autorisées à en bénéficier sur le plan financier pourraient recevoir de l'aide de la part des étudiants de la faculté de droit de l'Université de l'Alberta. La Elizabeth Fry Society et le Native Counselling Services of Alberta fournissent de l'aide non juridique aux accusés qui les approchent au palais de justice d'Edmonton.
5.2.4 L'avocat de service
À Edmonton, tous les services associés à l'avocat de service sont assurés par deux avocats
employés à Legal Aid Alberta. Ces deux personnes sont des avocats de métier qui jouissent d'une excellente réputation au palais de justice (en particulier auprès des juges). Ces avocats sont employés au service d'aide juridique depuis sa création, il y a huit ans. Les avocats de service avaient auparavant une rémunération équivalente à celle des procureurs de la Couronne, mais elle a récemment diminué d'environ 30 000 $.
À Edmonton, les avocats de service encouragent les accusés non représentés à recourir aux services d'un avocat de quelque manière que ce soit. Ils sont présents au centre de détention provisoire tous les jours de la semaine avant que les cours ne soient ouvertes pour rencontrer tout accusé en détention qui désirerait leur parler. À cette étape, aucune évaluation permettant de bénéficier de l'aide juridique n'est faite. En clair, leur politique est de « s'occuper de tous ».
Au cours des entrevues avec les accusés non représentés, les avocats de service leur feront connaître l'aide juridique et comment en faire la demande. Ils avertissent le bureau d'Aide juridique pour s'assurer qu'un accusé dépose une demande. Les avocats de service se présentent aussi à la cour du rôle où ils sont disponibles pour tous ceux qui veulent faire une demande de renvoi et pour aider les accusés non représentés qui désirent inscrire un plaidoyer de culpabilité. Ils discutent avec les procureurs de la Couronne de ces causes seulement à cette étape et non avant. Ils avertiront aussi le juge lorsque les accusés veulent plaider coupable « pour en finir » même s'ils ne sont pas coupables dans les faits.
Étant donné qu'il n'y a que deux avocats de service lorsqu'un accusé a plus d'un seul contact avec l'un d'eux, ils peuvent assurer la continuité du service.
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