Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales (Partie 2 : rapports des études sur le terrain)
Chapitre 9 : Scarborough, Toronto, Ontario (suite)
9.7 Conclusions générales
9.7.1 Principaux résultats d'ensemble
Voici quelques-uns des résultats clés au sujet des principaux problèmes soulevés dans l'étude :
En ce qui a trait à la fréquence de l'autoreprésentation
- Il y a peu d'accusés qui passent par les étapes de la première comparution et du cautionnement sans être représentés par un avocat, mais une importante minorité d'accusés n'étaient pas représentés lors du plaidoyer et de la dernière comparution.
- Il semble y avoir un problème de « sous-représentation » plus important pour les accusés au criminel, en raison des limites structurelles et des problèmes de procédures, particulièrement au tribunal des cautionnements.
En ce qui a trait aux effets
- Les entrevues avec les fonctionnaires clés laissent fortement entendre que les accusés non représentés (particulièrement ceux qui ont peu d'expérience de l'appareil judiciaire) sont moins susceptibles de connaître les recours en justice qui s'offrent à eux aux étapes clés du processus et sont moins susceptibles de comprendre bon nombre de décisions et d'événements clés au cours du processus.
- Il n'y a pas suffisamment d'éléments permettant de conclure si les accusés qui s'autoreprésentent sont plus ou moins susceptibles d'être condamnés ou de recevoir une peine plus sévère.
- Un nombre important d'accusés non représentés sont sérieusement pénalisés ou se voient privés de leur liberté à la suite de leur cause. Environ 50 pour cent auront un casier judiciaire et une plus petite proportion (tout de même non négligeable) d'entre eux (plus de 10 pour cent) sont condamnés à une peine d'emprisonnement.
9.7.2 Raisons de la situation actuelle des accusés non représentés
Les personnes interrogées en mesure d'émettre des hypothèses sur le sujet ont évoqué les principales raisons suivantes pour expliquer la situation actuelle des accusés non représentés à Scarborough (toutes les raisons n'ont pas été mentionnées ni approuvées par tous). Notamment, au moment de notre visite sur le terrain, il ne semblait pas que le fait de trouver des avocats de pratique privée qui acceptent de travailler sur la foi d'un certificat d'aide juridique constitue un problème. Toutefois, les associations locales d'avocats ont depuis annoncé leur intention de recourir à la grève pour faire augmenter les tarifs de rémunération.
- Le critère financier pour recevoir l'aide juridique a été qualifié de ridiculement bas car il ne tient pas compte du coût de la vie plus élevé à Toronto comparativement à celui du reste de la province;
- Le champ d'application de l'aide juridique laisse très peu de marge de manouvre et protège efficacement seules les personnes qui « selon toutes probabilités » écoperont d'une peine d'emprisonnement;
- Certains accusés au tribunal de Scarborough croient que s'ils sont innocents, ils n'ont pas besoin d'avocat;
- Et enfin, certaines personnes interrogées pensaient qu'en général, beaucoup d'accusés ne savent pas du tout ce qui se passe en cour et comment ils doivent s'y prendre pour obtenir de l'assistance juridique et en particulier ne savent pas quelles mesures ils doivent prendre avant leur prochaine comparution en cour.
9.7.3 Solutions proposées par les personnes interrogées à Scarborough
Toutes les personnes ayant participé à l'étude ont laissé entendre qu'il faudrait que l'Aide juridique accepte de défendre plus de causes. Et la plupart croyaient que les limites imposées aux fonctions de l'avocat de service devraient être corrigées. Voici certaines des solutions proposées individuellement par les personnes interrogées (toutes les solutions n'ont pas été proposées ni acceptées par l'ensemble des personnes interrogées) [88]:
- Reconnaître que la fonction d'avocat de service est et demeurera un élément essentiel, intégral et spécialisé du système et traiter cette fonction et les avocats qui l'assument en conséquence :
- De manière générale, en valorisant le cheminement de carrière de la fonction d'avocat de service et en mettant en évidence que les avocats qui assument ces fonctions peuvent continuer à exercer leurs fonctions pendant plusieurs années s'ils le désirent, afin de mieux mettre leur talent et leur expérience à profit;
- De manière générale, en valorisant la fonction d'avocat de service salarié par exemple, en cessant de considérer leur emploi au service d'Aide juridique uniquement comme un poste en bas de l'échelle, en lui accordant une plus grande reconnaissance en tant que fonction spécialisée requérant des compétences particulières, en effectuant une rotation des avocats principaux qui toucheraient aux fonctions d'avocat de service, à l'encadrement et à la formation dans des domaines précis, etc.;
- En utilisant des avocats salariés pour assumer la fonction d'avocat de service au lieu de donner le travail en sous-traitance à des avocats de pratique privée;
- En offrant une fourchette de rémunération qui est égale à celle des procureurs de la Couronne, afin d'attirer, et de garder, des avocats de métier qui répondent aux exigences particulières de ce travail important;
- Augmenter leur traitement en fonction de leur nombre d'années d'expérience;
- En permettant aux avocats de service de plaider.
- Revoir les tarifs afin de les rendre moins « insultants »;
- Améliorer et accélérer le processus de présentation et d'examen des demandes d'Aide juridique, notamment :
- En demandant aux policiers de fournir un imprimé qui explique la nature des services d'Aide juridique et la marche à suivre pour faire une demande d'aide. (Il faudrait qu'ils soient rédigés en plus d'une langue pour Scarborough);
- En postant dans le tribunal un fonctionnaire attitré aux demandes d'Aide juridique pour permettre aux affaires d'être retenues et reportées ultérieurement à une heure fixée au cours de la même journée;
- En augmentant les pouvoirs du personnel d'Aide juridique de première ligne;
- En trouvant une façon de savoir plus rapidement si la Couronne demandera une peine d'emprisonnement. (Actuellement, le juge peut le demander en audience publique ou bien l'avocat de service peut se rendre dans la salle de réunion de la Couronne, « la caverne », et se renseigner sur les causes à venir inscrites aux rôles);
- Permettre aux parajuristes autochtones d'aider les accusés à remplir les demandes d'Aide juridique et à traiter celles-ci;
- Instaurer un « avocat de service-conseil » (terme utilisé par la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario), qui passerait peu de temps dans les tribunaux mais qui serait disponible au palais de justice pour offrir des conseils et des explications sans avoir à se préoccuper de la comparution suivante au tribunal;
- Élargir les fonctions d'avocat de service afin d'assurer une meilleure continuité du service;
- Prévoir un « avocat de service itinérant » pour les cours de première instance;
- Mettre plus d'emphase sur le système d'Aide juridique et sur la formation portant sur les premières étapes du processus pénal et du prononcé de la sentence;
- Assouplir les critères d'application pour les causes menant probablement à une peine d'emprisonnement; certaines personnes ont recommandé que ce critère soit élargi pour permettre aux personnes dont c'est la première infraction de recevoir de l'Aide juridique et ainsi de réduire le nombre inutile de premières condamnations;
- Élargir les limites des critères financiers ou à tout le moins de l'allocation de subsistance dans le Grand Toronto;
- Promouvoir l'utilisation de la « lettre d'opinion » pour déterminer le bien-fondé de la défense et le cas échéant, accorder l'Aide juridique;
- Effectuer une réforme du tribunal des cautionnements, notamment :
- En appelant les causes du registre des cautionnements lorsqu'elles sont prêtes à être entendues (c.-à-d. lorsque le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense sont tous les deux prêts);
- En permettant toujours à l'avocat de service de prendre connaissance des renseignements dont dispose le procureur de la Couronne, à l'étape du cautionnement, afin de lui permettre d'évaluer le bien-fondé de la cause;
- En réduisant le nombre élevé d'ajournements: en acceptant que les causes soient reportées à un peu plus tard dans la journée pour permettre d'organiser une caution ou autre, s'assurant ainsi que l'enquête sur le cautionnement soit complétée la journée même;
- En élargissant l'horaire des tribunaux des cautionnements et les pratiques au sujet des suspensions dans le but de recueillir des données;
- En augmentant le nombre d'avocats de service au tribunal des cautionnements; une personne interrogée a même laissé entendre qu'une salle de cautionnements pourrait facilement occuper trois ou quatre avocats de service (au lieu de deux), puisque « les avocats de service doivent être en salle d'audience, dans les cellules de détention, au téléphone et dans les corridors »;
- Faire appel à des juges et non à des juges de paix dans les tribunaux des cautionnements.
- Prévoir quelqu'un sur place (peut-être des avocats de service spécialement formés) pour traiter les difficultés particulières liées aux défendeurs souffrant de troubles mentaux (nécessité d'agir prestement pour éviter les interruptions de traitement et de prise de médicaments);
- Améliorer la procédure de gestion des causes, en accord avec tous les groupes intervenant dans les tribunaux et comprenant une entente sur les processus visant à accélérer le règlement, y compris celui d'accepter d'emblée « la meilleure offre de la Couronne »;
- Établir un meilleur réseau entre l'avocat de service et les organismes communautaires qui peuvent aider à formuler une stratégie pour encadrer les accusés au sein de la collectivité;
- Utiliser des parajuristes bien formés pour soutenir les avocats et s'occuper des compte-rendu et des infractions mixtes (certaines personnes interrogées se sont fortement opposées à cette idée en disant que « Ce dont ces personnes ont besoin, c'est d'un avocat. »)
[88] Voici quelques rapports récents sur des propositions visant à améliorer l'accès à la representation pour les plaideurs :
- Commission on Systemic Racism in the Ontario Criminal Justice System, Report of the Commission on Systemic Racism in the Ontario Criminal Justice System, Queen's Printer for Ontario (décembre 1995).
- Ontario Legal Aid Review, Report of the Ontario Legal Aid Review: A Blueprint for Publicly Funded Legal Services, (1977).
- Criminal Justice Review Committee, Report of the Criminal Justice Review Committee, Queen's Printer for Ontario (février, 1999).
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