Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes – Projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir)
Résumé législatif du Projet de loi C-7 de la Bibliothèque du Parlement
Projet de loi C-7 : Loi modifiant le code criminel (aide médicale à mourir)
Publication no 43-1-C7-F
Le 27 mars 2020
Julia Nicol
Marlisa Tiedemann
Division des affaires juridiques et sociales
Service d’information et de recherche parlementaires
Les résumés législatifs de la Bibliot hèque du Parlement résument des projets de loi étudiés par le Parlement et en exposent le contexte de façon objective et impartiale. Ils sont préparés par le Service d’information et de recherche parlementaires, qui effectue des recherches et prépare des informations et des analyses pour les parlementaires, les comités du Sénat et de la Chambre des communes et les associations parlementaires. Les résumés législatifs sont mis à jour au besoin pour tenir compte des amendements apportés aux projets de loi au cours du processus législatif.
Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux Chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.
Dans ce document, tout changement d’importance depuis la dernière publication est signalé en caractères gras.
© Bibliothèque du Parlement, Ottawa, Canada, 2020
Résumé législatif du projet de loi C-7
(Résumé législatif) Publication no 43-1-C7-F
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Table des matières
- 1 Contexte
- 2 Description et analyse
- 2.1 Le critère de la « mort naturelle devenue raisonnablement prévisible » (par. 1(1))
- 2.2 La maladie mentale comme seule condition médicale invoquée (par. 1(2))
- 2.3 Deux séries de mesures de sauvegarde (par. 1(3) à 1(7))
- 2.4 La renonciation au consentement final (par. 1(7))
- 2.5 Qui peut servir de témoin (par. 1(8))
- 2.6 Les renseignements à fournir (art. 3)
- 2.7 La disposition transitoire (art. 4)
- 3 Commentaire
Résumé législatif du projet de loi C-7 : Loi modifiant le code criminel (aide médicale à mourir)
1 Contexte
Le projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), a été déposé à la Chambre des communes le 24 février 2020 par le ministre de la Justice et a été adopté en première lecture le même jourNote de bas de page 1.
Ce projet de loi inclut la réponse du gouvernement fédéral à la décision rendue par la Cour supérieure du Québec en septembre 2019 dans l’affaire Truchon c. Procureur général du CanadaNote de bas de page 2, qui portait sur les dispositions du Code criminel fédéral (le Code) relatives à l’aide médicale à mourir (BCCLA)Note de bas de page 3 et sur la Loi concernant les soinsde fin de vieNote de bas de page 4 du Québec. Dans sa décision, la Cour a déclaré contraire à la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) la disposition du Code selon laquelle une personne ne peut être admissible à l’BCCLA que si « sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible ».
Certaines modifications apportées au Code par le projet de loi C-7 tiennent aussi compte de questions soulevées depuis l’ajout des premières dispositions sur l’BCCLA dans le Code, en 2016. Le projet de loi modifie les dispositions du Code sur l’BCCLA en établissant un ensemble distinct de mesures de sauvegarde pour les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible et en apportant certaines modifications aux mesures de sauvegarde qui s’appliquent lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible.
Le projet de loi modifie également les critères d’admissibilité pour préciser que la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap pour la détermination de l’admissibilité à l’BCCLA.
Après le dépôt du projet de loi C-7, le ministère de la Justice a présenté en mars 2020, un rapport sur les résultats des consultations tenues en janvier et en février de la même année par le gouvernement fédéral sur l’BCCLA. Ces consultations visaient à recueillir l’opinion des Canadiens sur l’BCCLA, notamment sur le fait de la rendre accessible ou non aux personnes dont la seule condition médicale invoquée est une maladie mentaleNote de bas de page 5.
1.1 Carter c. Canada (procureur général) et études réalisées dans le sillage de l’arrêt carter
Les dispositions du Code relatives à l’BCCLA ont été présentées pour la première fois en 2016 par l’entremise du projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir)Note de bas de page 6.
Le gouvernement a déposé le projet de loi C-14 en réponse au jugement rendu par la Cour suprême du Canada en février 2015 dans l’affaire Carter c. Canada (Procureur général) (l’arrêt Carter)Note de bas de page 7. Dans l’arrêt Carter, la Cour a établi que l’article 14 et l’alinéa 241b) du Code, qui interdisaient d’aider quelqu’un à se donner la mort, portaient atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité, prévus par la Charte, de la personne qui voulait accéder à l’aide à mourir. Par conséquent, elle a déclaré ces dispositions invalides. La Cour a suspendu la prise d’effet de la déclaration d’invalidité pour un an, puis l’a prorogée de quatre mois à la demande du procureur général du Canada.
En août 2015, le gouvernement fédéral a créé le Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada. Le Comité avait pour mandat initial de mener des consultations sur les questions relatives à l’aide à mourir et de formuler des recommandations sur les options législatives. Toutefois, son mandat a ensuite été revu et le Comité a été chargé à la place de résumer les principales constatations effectuées à la suite des consultations. Le Comité a publié son rapport final en décembre 2015Note de bas de page 8. Parallèlement, un Groupe consultatif provincial-territorial d’experts sur l’aide médicale à mourir a été mis sur pied en août 2015 et a présenté son rapport final contenant 43 recommandations, le 30 novembre 2015Note de bas de page 9.
En décembre 2015, un comité mixte spécial composé de députés et de sénateurs a été créé. Le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir s’est réuni en janvier et février 2016, et a formulé dans son rapport, adopté à la majorité des membres du Comité, des recommandations pour la mise en place d’un cadre législatif sur l’aide médicale à mourirNote de bas de page 10. Dans ce rapport, le Comité a souligné qu’il était nécessaire que le gouvernement fédéral collabore avec les provinces sur cette question. Alors que bon nombre des recommandations du Comité ont été intégrées au projet de loi C-14, deux qui ne l’ont pas été ont par la suite fait l’objet d’examens distincts, à savoir :
- que les mineurs capables et « matures » aient accès à l’BCCLA dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur des dispositions concernant l’BCCLA pour les adultes capables (et que, durant cette période de trois ans, la question de l’BCCLA pour les mineurs capables et matures soit étudiée) (recommandation 6);
- que le recours aux demandes anticipées d’BCCLA soit autorisé dans certaines circonstances (recommandation 7).
Le Comité mixte spécial a également recommandé que les maladies psychiatriques ne constituent pas un obstacle à l’admissibilité (recommandation 3). Les personnes atteintes d’un trouble psychiatrique ou d’une maladie mentale n’étaient pas explicitement jugées inadmissibles à l’BCCLA, mais un groupe d’experts dont les membres ont examiné la question de la maladie mentale dans le contexte de l’BCCLA a indiqué que « [l]a plupart des personnes atteintes d’un trouble mental comme seul problème médical invoqué ne peuvent satisfaire aux critères d’admissibilité actuels de l’BCCLANote de bas de page 11 ».
1.2 Projet de loi c-14, loi modifiant le code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir)Note de bas de page 12
Le projet de loi C-14, présenté à la Chambre des communes le 14 avril 2016, a reçu la sanction royale le 17 juin 2016Note de bas de page 13. L’« aide médicale à mourir » y était définie comme étant le fait pour un médecin ou un infirmier praticien :
- d’administrer à une personne, à la demande de celle-ci, une substance qui cause sa mort;
- de prescrire ou de fournir une substance à une personne, à la demande de celle-ci, afin qu’elle se l’administre et cause ainsi sa mort.
Le projet de loi prévoyait la modification du Code de manière à ce que certaines personnes qui fournissent l’BCCLA, dont les médecins et les infirmiers praticiens, de même que certaines personnes qui leur offrent leur assistance, dont les pharmaciens, soient exemptées de la responsabilité pénale. Il prévoyait également l’exemption d’une personne qui apporte son aide à un patient qui a été autorisé à recevoir l’BCCLA et qui choisit de s’administrer lui-même une substance qui causera sa mort.
D’autres modifications apportées au Code portaient sur les critères d’admissibilité des personnes qui souhaitent obtenir l’BCCLA et sur les mesures de sauvegarde. Ainsi, pour être admissible à l’BCCLA, une personne doit :
- avoir droit à des soins de santé financés par l’État au Canada (al. 241.2(1)a) du Code);
- être âgée d’au moins 18 ans et être capable de prendre des décisions en ce qui concerne sa santé (al. 241.2(1)b));
- souffrir de « problèmes de santé graves et irrémédiables » (al. 241.2(1)c));
- faire une demande d’BCCLA de manière volontaire, sans pression extérieure (al. 241.2(1)d));
- donner son consentement de manière éclairée après avoir reçu de l’information sur des façons de soulager ses souffrances (al. 241.2(1)e)).
Pour être considérée comme ayant des « problèmes de santé graves et irrémédiables », la personne doit répondre aux critères suivants :
- elle est atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables (al. 241.2(2)a));
- sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités (al. 241.2(2)b));
- elle éprouve des souffrances physiques ou psychologiques persistantes « qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables » (al. 241.2(2)c));
- elle se trouve dans un état dans lequel sa « mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie » (al. 241.2(2)d)).
Les modifications apportées au Code ont aussi créé des infractions criminelles qui s’appliquent en cas de non-respect des mesures de sauvegarde (art. 241.3), de falsification ou de destruction d’un document (art. 241.4) ou de non-respect des exigences sur la communication de renseignements ou des règlements applicables (par. 241.31(4) et 241.31(5), respectivement).
Dans sa version définitive, le projet de loi C-14 exigeait qu’un ou que des examens indépendants soient réalisés au sujet de trois cas de restrictions applicables actuellement à l’BCCLA :
- demandes d’BCCLA pour les mineurs matures;
- demandes anticipées d’BCCLA;
- demandes d’BCCLA où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquéeNote de bas de page 14.
Trois groupes de travail distincts établis par le Conseil des académies canadiennes ont mené ces examens et publié chacun un rapport en décembre 2018Note de bas de page 15.
Le Règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir, qui définit les exigences en matière de rapports sur les demandes d’BCCLA, est entré en vigueur en novembre 2018Note de bas de page 16.
1.3 Contestations judiciaires des modifications apportées au code
Les dispositions du Code relatives à l’BCCLA ont fait l’objet de deux contestations très médiatisées. Julia Lamb, qui est atteinte d’amyotrophie spinale de type 2, est à l’origine de l’une de ces contestations. Mme Lamb maintenait que la loi était trop restrictive, car elle exigeait d’une personne qu’elle soit dans « un déclin avancé et irréversible » et que « sa mort naturelle [soit] devenue raisonnablement prévisible » pour être jugée admissible à l’BCCLANote de bas de page 17. La contestation a toutefois été suspendue lorsque le procureur général du Canada a soumis un témoignage d’expert indiquant qu’il était probable que le cas de Mme Lamb soit jugé conforme au critère de mort naturelle raisonnablement prévisibleNote de bas de page 18.
La seconde contestation très médiatisée a été engagée par Jean Truchon et Nicole Gladu. Jean Truchon était atteint de paralysie cérébrale et avait reçu, en 2012, un diagnostic de sténose spinale grave avec myélomalacie. Nicole Gladu, quant à elle, a appris, à 47 ans, qu’elle souffrait du syndrome de post-poliomyélite. En tant que résidents du Québec, ils ont contesté deux dispositions : celle du Code qui exige que leur mort naturelle soit « raisonnablement prévisible », et celle de la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec, qui veut que la personne soit « en fin de vie ». Tous deux avaient fait une demande d’BCCLA, qui avait été jugée conforme à tous les critères d’admissibilité, à l’exception de ces deux exigencesNote de bas de page 19.
Le 11 septembre 2019, la Cour supérieure du Québec a déclaré que la disposition du Code qui exige que, pour qu’une personne puisse obtenir l’BCCLA, il faut que sa mort soit « raisonnablement prévisible » était contraire aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garantis par l’article 7 de la CharteNote de bas de page 20. La juge a également établi que les dispositions du Code et de la loi québécoise concernant les soins de fin de vie qui exigent d’une personne qu’elle soit « en fin de vie » pour obtenir l’BCCLA portaient atteinte aux droits à l’égalité prévus par l’article 15 de la Charte. Par conséquent, les dispositions en question ont été déclarées invalides et la déclaration d’invalidité a été suspendue pendant six mois. Les demandeurs ont obtenu une exemption constitutionnelle les autorisant à se prévaloir de l’BCCLA durant la période de suspension. La période de suspension initiale a ensuite été prolongée de quatre mois (jusqu’au 11 juillet 2020) à la demande du procureur général du Canada. Ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement du Québec n’a fait appel du jugement.
2 Description et analyse
Le projet de loi C-7 contient quatre articles, dont les principales dispositions sont analysées dans la section suivante.
À l’instar du projet de loi C-14 qui a apporté la première série de modifications concernant l’BCCLA au Code, le projet de loi C-7 comporte un préambule qui traite de diverses questions. Certaines dispositions du préambule sont semblables à celles du premier projet de loi, tandis que d’autres sont inédites. Par exemple, contrairement au projet de loi C-14, le projet de loi C-7 mentionne les obligations que la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies impose au Canada. De plus, le préambule du projet de loi C-7 souligne le rôle joué par l’affaire Truchon dans l’évolution de la loi et indique que le Parlement estime approprié de ne plus limiter l’admissibilité à l’BCCLA aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible. Toutefois, il est aussi indiqué qu’il est nécessaire de prévoir des mesures de sauvegarde additionnelles pour les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.
2.1 Le critère de la « mort naturelle devenue raisonnablement prévisible » (par. 1(1))
L’alinéa 241.2(2)d) du Code énonce le critère suivant :
[la] mort naturelle [de la personne] est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, cette disposition a été jugée inconstitutionnelle dans la décision de l’affaire Truchon.
Le paragraphe 1(1) du projet de loi, qui donne suite à cette décision, abroge l’alinéa 241.2(2)d) du Code de sorte que la mort naturelle d’une personne ne doit plus être raisonnablement prévisible pour que celle-ci puisse avoir droit à l’BCCLA. Toutefois, comme il est expliqué dans les prochains paragraphes, le projet de loi comporte différentes mesures de sauvegarde lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible et lorsqu’elle ne l’est pas.
2.2 La maladie mentale comme seule condition médicale invoquée (par. 1(2))
L’alinéa 241.2(1)c) du Code dispose que la personne doit être affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables pour avoir droit à l’BCCLA. Le paragraphe 241.2(2) définit les critères qu’une personne doit remplir pour que l’on considère qu’elle est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables. Cette personne doit notamment être « atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables ». Le ministère de la Justice précise dans le document Contexte législatif : aide médicale à mourir (projet de loi C-14) ce qui suit :
[L]es personnes atteintes d’une maladie mentale ou d’un handicap physique ne seraient pas exclues du régime, mais elles ne pourraient avoir accès à l’aide médicale à mourir que si elles remplissent tous les critères d’admissibilitéNote de bas de page 21.
On reconnaît dans ce document que les demandes d’BCCLA relatives à la maladie mentale sont complexes et doivent faire l’objet d’études complémentaires.
Comme il est indiqué plus haut, après que le projet de loi C-14 a reçu la sanction royale, le Conseil des académies canadiennes a été chargé de se pencher sur trois questions, dont les demandes d’BCCLA dans lesquelles la maladie mentale est le seul problème médical invoqué. Dans son rapport, le Conseil reconnaît que certaines personnes atteintes d’une maladie mentale pourraient remplir les critères actuels, mais que d’autres ne le pourraient pas. Il précise toutefois que les personnes pour lesquelles la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée qui satisferont aux critères d’admissibilité à l’BCCLA seront raresNote de bas de page 22.
Même si l’affaire Truchon ne concernait pas de personne pour laquelle la maladie mentale était la seule condition médicale invoquée, la suppression du critère voulant que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible aurait pu donner droit à l’BCCLA à un plus grand nombre de personnes dont la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Le paragraphe 1(2) du projet de loi C-7 ajoute toutefois au Code le nouveau paragraphe 241.2(2.1), qui précise que, pour l’application de l’alinéa 241.2(2)a), la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap. Selon cette disposition du projet de loi C-7, la maladie mentale ne suffit donc pas pour avoir droit à l’BCCLA, et ce, même si la personne satisfait aux autres critères. Selon le ministre de la Justice, cette question est trop complexe pour être réglée à l’intérieur du délai imposé par la Cour; elle devrait plutôt être étudiée dans le cadre de l’examen parlementaire de la loi sur l’aide médicale à mourir, qui devrait commencer en juin 2020Note de bas de page 23.
2.3 Deux séries de mesures de sauvegarde (par. 1(3) à 1(7))
Le projet de loi C-7 apporte plusieurs changements aux mesures de sauvegarde qui s’appliquent à une demande d’BCCLA. Actuellement, une seule série de mesures de sauvegarde s’appliquent à tous les cas d’BCCLA. Le projet de loi crée deux séries de mesures de sauvegarde, une première série pour les demandes pour lesquelles la mort naturelle est prévisible, et une seconde pour les demandes pour lesquelles elle ne l’est pas. Certaines mesures de sauvegarde restent les mêmes dans les deux cas, tandis que d’autres diffèrent. Seules les mesures de sauvegarde ajoutées ou modifiées par le projet de loi C-7 sont présentées ci-après.
Dans les deux cas, le projet de loi C-7 prévoit qu’une seule personne doit être témoin de la signature de la demande, plutôt que les deux témoins actuellement requis (al. 241.2(3)c) modifié et nouvel al. 241.2(3.1)c) du Code).
Le délai d’attente de dix jours actuellement nécessaires entre le jour où la demande est signée et celui où l’BCCLA est administrée est supprimé des conditions qui doivent être réunies lorsque la mort naturelle est prévisible (al. 241.2(3)g) modifié). Dans son allocution à l’étape de la deuxième lecture, le ministre de la Justice a indiqué que, selon ce que le gouvernement avait appris lors des consultations publiques, les personnes ont déjà beaucoup réfléchi à l’BCCLA lorsqu’elles présentent une demande écrite, et que le délai d’attente prolonge alors indûment leurs souffrancesNote de bas de page 24.
Dans le cas des demandes pour lesquelles la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, le projet de loi instaure un délai d’attente de 90 jours entre le jour où est faite la première évaluation et celui où l’BCCLA est fournie, à moins que deux médecins ou infirmiers praticiens jugent que la perte de la capacité de la personne à consentir à l’BCCLA est imminente. Si la perte de la capacité est imminente, le médecin ou l’infirmier praticien qui doit fournir l’BCCLA détermine un délai d’attente indiqué dans les circonstances (nouvel al. 241.2(3.1)i)).
À l’heure actuelle, il faut s’assurer dans tous les cas que la personne consent à l’BCCLA immédiatement avant de la lui fournir. Lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible, le projet de loi permet de renoncer à ce consentement final (nouveaux par. 241.2(3.2) à 241.2(3.5) du Code). Les conditions précises qui s’appliquent dans ces cas sont présentées à la prochaine section.
Dans le cas des demandes pour lesquelles la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, l’un des deux médecins ou infirmiers praticiens évaluant le respect des critères doit maintenant posséder l’expertise nécessaire en ce qui concerne la condition à l’origine des souffrances de la personne (nouvel al. 241.2(3.1)e)).
Lorsque la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, le projet de loi prévoit aussi que la personne doit être informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment, lorsque cela est indiqué, les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins palliatifs, et qu’il lui a été offert de consulter les professionnels compétents qui fournissent de tels services ou soins (nouvel al. 241.2(3.1)g)). Enfin, les deux médecins ou infirmiers praticiens doivent discuter avec la personne des moyens raisonnables et disponibles de soulager ses souffrances et s’accorder avec elle sur le fait qu’elle les a sérieusement envisagés (nouvel al. 241.2(3.1)h)). Le ministère de la Justice a déclaré que ces conditions supplémentaires avaient été ajoutées pour « clarifier […] la notion de consentement éclairé dans ce genre de casNote de bas de page 25 ».
Les mesures de sauvegarde actuelles et les deux séries de mesures de sauvegarde que prévoit le projet de loi C-7 sont présentées dans le tableau ci-après.
Mesures de sauvegarde actuelle : par. 241.2(3) du Code criminel | Mesures de sauvegarde prévues dans le projet de loi C-7 lorsque la mort naturelle est prévisible : par. 241.2(3) modifié et nouveaux par. 241.2(3.2) à 241.2(3.5) du Code criminel |
Mesures de sauvegarde du projet de loi C-7 lorsque la mort naturelle n’est pas prévisible : nouveau par. 241.2(3.1) du Code criminel |
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Le médecin ou l’infirmier praticien est d’avis que la personne satisfait à tous les critères prévus au paragraphe 241.2(1). | Aucun changement | Aucun changement |
La demande a été faite par écrit et elle a été datée et signée après que la personne a été avisée qu’elle est affectée d’un problème de santé grave et irrémédiable. |
Aucun changement | Aucun changement |
La demande a été datée et signée devant deux témoins indépendants. | La demande a été datée et signée devant un témoin indépendantNote de bas de page a du tableau | La demande a été datée et signée devant un témoin indépendantNote de bas de page a du tableau |
La personne a été informée qu’elle pouvait, en tout temps et par tout moyen, retirer sa demande. |
Aucun changement | Aucun changement |
Un autre médecin ou infirmier praticien a fourni un avis écrit confirmant le respect de tous les critères. | Aucun changement | Un autre médecin ou infirmier praticien a fourni un avis écrit confirmant le respect de tous les critères. Si le premier médecin ou infirmier praticien ne possède pas l’expertise en ce qui concerne la condition à l’origine des souffrances de la personne, l’avis écrit doit être fait par un médecin ou un infirmier praticien possédant cette expertise. |
Le médecin ou l’infirmier praticien et l’autre médecin ou infirmier praticien sont indépendants l’un de l’autre. | Aucun changement | Aucun changement |
Au moins 10 jours francs se sont écoulés entre le jour où la demande a été signée et celui où l’aide médicale à mourir (BCCLA) est fournie (à moins que la mort de la personne ou la perte de sa capacité à fournir un consentement éclairé ne soit imminente). |
Disposition abrogée | Au moins 90 jours francs se sont écoulés entre le jour auquel commence la première évaluation et celui où l’BCCLA est fournie ou, si toutes les évaluations sont terminées et que les deux médecins ou infirmiers praticiens jugent que la perte de la capacité de la personne à consentir à recevoir l’BCCLA est imminente, un délai plus court selon ce que le premier médecin ou infirmier praticien juge indiqué dans les circonstances. |
Immédiatement avant de fournir l’BCCLA, la personne a la possibilité de retirer sa demande et le médecin ou l’infirmier praticien s’assure qu’elle y consent expressément. |
Immédiatement avant de fournir l’BCCLA, la personne a la possibilité de retirer sa demande et le médecin ou l’infirmier praticien s’assure qu’elle y consent expressément. Toutefois, il est possible de renoncer à la vérification du consentement final si certaines conditions sont réunies (voir la section 2.4 du présent résumé législatif). |
Immédiatement avant de fournir l’BCCLA, la personne a la possibilité de retirer sa demande et le médecin ou l’infirmier praticien s’assure qu’elle y consent expressément. Toutefois, il est possible de renoncer à la vérification du consentement final si certaines conditions sont réunies. Les cas où la renonciation est possible sont plus limités que lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible (voir la section 2.4 du présent résumé législatif). |
Si la personne éprouve de la difficulté à communiquer, les mesures nécessaires doivent être prises pour lui fournir un moyen de communication fiable afin qu’elle puisse comprendre les renseignements qui lui sont fournis et faire connaître sa décision. |
Aucun changement | Aucun changement |
Aucun équivalent | Aucun équivalent | La personne a été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment, lorsque cela est indiqué, les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins palliatifs, et il lui a été offert de consulter les professionnels compétents qui fournissent de tels services ou soins. |
Aucun équivalent | Aucun équivalent | Les deux médecins ou infirmiers praticiens ont discuté avec la personne des moyens raisonnables et disponibles de soulager ses souffrances et ils s’accordent avec elle sur le fait qu’elle les a sérieusement envisagés. |
2.4 La renonciation au consentement final (par. 1(7))
À l’heure actuelle, la personne doit pouvoir donner son consentement immédiatement avant que l’BCCLA lui soit fournie. Le cas très médiatisé d’Audrey Parker, dont le cancer s’était propagé au cerveau, illustre les répercussions de cette exigence. Mme Parker, qui avait droit à l’BCCLA, craignait toutefois de ne plus pouvoir donner son consentement avant de recevoir le traitement et, par conséquent, de ne plus y avoir droit. Comme elle l’affirme dans une vidéo très médiatisée faite avant sa mort, elle a donc choisi de recevoir l’BCCLA en novembre 2018 alors qu’elle aurait préféré attendre après NoëlNote de bas de page 26. Le ministre de la Justice, David Lametti, aurait affirmé que les modifications prévues par le projet de loi C-7 en ce qui concerne le consentement final avant la prestation de l’BCCLA s’inspirent notamment du cas de Mme ParkerNote de bas de page 27.
Le nouveau paragraphe 241.2(3.2) du Code énumère les conditions qui doivent être réunies pour que l’BCCLA puisse être fournie sans que la personne ait à donner son consentement immédiatement avant le traitement. Cette possibilité n’est envisageable que si la mort naturelle est raisonnablement prévisible et si tous les critères suivants sont remplis :
- Avant que la personne perde la capacité à consentir à recevoir l’BCCLA,
- elle a satisfait aux critères de l’BCCLA et respecté toutes les mesures de sauvegarde pertinentes;
- elle a conclu, avec le médecin ou l’infirmier praticien, une entente écrite pour l’administration d’une substance qui entraînera sa mort à une date déterminée;
- le médecin ou l’infirmier praticien l’a informée du risque de perdre sa capacité de consentir avant la date déterminée;
- elle a consenti, dans l’entente écrite, à l’administration d’une substance qui entraînera sa mort à la date déterminée, ou avant si elle perd la capacité à consentir avant cette date.
- La personne a perdu sa capacité à consentir à l’BCCLA.
- La personne ne manifeste pas, par des paroles, des sons ou gestes, un refus que la substance lui soit administrée ou une résistance à ce qu’elle le soit. Le projet de loi précise cette disposition en spécifiant que
- des paroles, des sons ou des gestes involontaires en réponse à un contact ne constituent pas une manifestation de refus ou de résistance (nouveau paragraphe 241.2(3.3));
- une fois que la personne manifeste un refus ou une résistance, l’BCCLA ne peut plus lui être fournie sur la base de l’entente écrite (nouveau paragraphe 241.2(3.4)).
- La substance est administrée selon les modalités de l’entente.
Le nouveau paragraphe 241.2(3.5) du Code renferme une disposition concernant le consentement préalable dans le cas particulier de l’autoadministration, à laquelle il est possible d’avoir recours lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible et lorsqu’elle ne l’est pas. Il est arrivé que l’autoadministration n’entraîne pas la mort de la personne, mais son incapacité à consentir à ce qu’un médecin ou un infirmier praticien lui administre une substance qui entraînera sa mort. Le consentement à la prestation de l’BCCLA par un praticien après une autoadministration n’ayant pas entraîné la mort pourrait être interprété comme un consentement préalable, ce qui n’est pas légal au Canada à l’heure actuelle. Les opinions divergent pour ce qui est de déterminer si, en pareil cas, en vertu des lois actuelles, un médecin ou un infirmier praticien est autorisé à administrer une substance qui causera la mort de la personneNote de bas de page 28.
La nouvelle disposition vise à préciser les gestes qui sont autorisés et permet au médecin ou à l’infirmier praticien d’administrer une substance lorsque la personne, après s’être administré elle-même une substance, a perdu la capacité de consentir, mais ne meurt pas, si les conditions suivantes sont réunies :
- Avant de perdre sa capacité de consentir à recevoir l’BCCLA, la personne avait conclu par écrit avec le médecin ou l’infirmier praticien traitant une entente selon laquelle ce dernier
- serait présent au moment de l’autoadministration;
- lui administrerait une seconde substance pour causer sa mort advenant le cas où elle perdait la capacité à consentir et ne mourait pas dans un délai déterminé après l’autoadministration.
- La personne s’est administré la première substance, mais ne meurt pas dans le délai déterminé et perd la capacité à consentir à recevoir l’BCCLA.
- La seconde substance est administrée à la personne en conformité avec les conditions de l’entente.
2.5 Qui peut servir de témoin (par. 1(8))
Le paragraphe 241.2(5) du Code précise qui peut agir en qualité de témoin de la signature d’une demande d’BCCLA. À l’heure actuelle, parmi les restrictions prévues, quiconque fournit directement des soins de santé ou des soins personnels à la personne qui fait la demande ne peut agir en tant que témoin.
Le nouveau paragraphe 241.2(5.1) autorise de telles personnes à servir de témoin si la prestation de soins est leur occupation principale et qu’elles sont rémunérées pour fournir ces soins. En revanche, la modification proposée n’autorise ni le médecin ni l’infirmier praticien qui fournit l’BCCLA ou qui effectue la deuxième évaluation à agir comme témoin.
2.6 Les renseignements à fournir (art. 3)
À la suite de l’adoption du projet de loi C-14, Santé Canada a établi, par règlement, un régime de surveillance de l’BCCLA. Selon ce règlement, il faut consigner la prestation de l’BCCLA, l’aiguillage d’une personne ayant demandé l’BCCLA vers un autre médecin ou infirmier praticien, le fait qu’une personne soit jugée inadmissible, le retrait de la demande, et le décès par une autre cause. À l’heure actuelle, Santé Canada ne recueille ces renseignements que lorsqu’une demande écrite d’BCCLA a été présentée. Or, le renvoi, la déclaration d’inadmissibilité, le retrait de la demande ou le décès par une autre cause peuvent se produire après une évaluation, mais avant l’établissement de la demande par écrit. Sous l’actuel régime de surveillance, ces cas ne sont donc pas consignés. Le paragraphe 241.31(1) modifié du Code vise à étendre l’obligation de fournir ces renseignements aux cas pour lesquels une évaluation a été faite, en plus de ceux pour lesquels une demande écrite a été présentée au médecin ou à l’infirmier praticien.
L’article 3 du projet de loi C-7 ajoute également le nouveau paragraphe 241.31(1.1). Selon cette disposition, toute personne chargée de procéder aux évaluations préliminaires de l’admissibilité à l’BCCLA doit fournir les renseignements exigés, comme doivent actuellement le faire le médecin et l’infirmier-praticien, sous réserve d’une exemption accordée par règlement. De même, selon le paragraphe 241.31(2) modifié, le pharmacien, et maintenant également le technicien en pharmacie, qui délivre une substance dans le cadre de la prestation de l’BCCLA doit fournir les renseignements prescrits.
2.7 La disposition transitoire (art. 4)
Les exigences prévues dans la version actuelle du Code continueront de s’appliquer à toutes les demandes d’BCCLA signées et datées avant la date d’obtention de la sanction royale du projet de loi C-7, à l’exception des modifications suivantes, qui s’appliqueront dans tous les cas dès l’obtention de la sanction royale :
- aucune attente de 10 jours lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible (l’al. 241.2(3)g) modifié du Code s’applique dans tous les cas);
- l’obligation de consentement final peut être levée (les nouveaux par. 241.2(3.2) à (3.5) du Code s’appliquent dans tous les cas).
3 Commentaire
Après la présentation du projet de loi C-7, les réactions ont été partagées. Ainsi, certains voient d’un bon œil l’élargissement de l’accès à l’BCCLA pour certaines personnes prévu par le projet de loiNote de bas de page 29, tandis que d’autres se sont inquiétés du fait que le projet de loi va plus loin que ne l’exige la décision Truchon, ou encore s’opposent à l’élargissement du champ d’application de l’BCCLA au-delà des soins de fin de vieNote de bas de page 30. Les responsables de la British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA) [Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique], codemandeur dans l’affaire Julia Lamb, approuvent certains changements, mais restent préoccupés par d’autres dispositions du projet de loi qui, selon eux, ont comme résultat une loi « trop complexe, qui crée d’autant plus d’obstacles déroutants pour certains patients, et qui met des bâtons dans les roues d’autres patientsNote de bas de page 31 ». D’autres intervenants ont aussi déploré le fait que le projet de loi ne protège pas la liberté de conscience des professionnels de la santéNote de bas de page 32.
3.1 La mort naturelle raisonnablement prévisible
La Dre Stephanie Green, présidente de la Canadian Association of MAiD Assessors and Providers, et Jocelyn Downie, professeure universitaire qui étudie l’BCCLA et qui plaide en sa faveur, ont dit craindre que le projet de loi ne restreigne la notion de mort naturelle raisonnablement prévisible, de sorte que la mort doive être plus imminente que selon l’interprétation antérieure. Elles affirment que la mort naturelle raisonnablement prévisible est actuellement interprétée comme signifiant qu’une personne est sur une trajectoire conduisant à la mort, bien que celle-ci puisse survenir au bout de quelques annéesNote de bas de page 33. Or, dans son discours à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, le ministre de la Justice a déclaré ceci :
Tel que promulgué par le Parlement en 2016, la mort naturelle devient raisonnablement prévisible lorsque l’espérance de vie est relativement courte. Cela signifie que, compte tenu de l’ensemble de la situation médicale de la personne, sa mort est prévue dans un délai relativement court. La mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible seulement parce qu’une personne reçoit un pronostic concernant une maladie qui finira par causer sa mort dans plusieurs années ou décenniesNote de bas de page 34.
Un autre universitaire, Thomas McMorrow, a demandé quant à lui que l’on introduise un délai précis dans la loi afin de dissiper toute confusion quant au moment auquel
la mort naturelle peut survenir dans le futur pour être encore considérée comme raisonnablement prévisible. Il a suggéré qu’un pronostic de 12 ou de 18 mois pourrait convenirNote de bas de page 35.
Certains craignent également qu’il soit parfois difficile pour le praticien de déterminer laquelle des deux pistes d’admissibilité s’applique à un maladeNote de bas de page 36. Par ailleurs, des médecins ont dit redouter que cet élargissement de l’admissibilité à l’BCCLA pour inclure des personnes dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible dissuade certains prestataires de continuer à pratiquer l’BCCLA en raison du fardeau moral, psychologique et affectif qu’engendre l’évaluation de l’admissibilité quand la personne pourrait peut-être vivre encore pendant des décenniesNote de bas de page 37.
Certaines organisations religieuses s’élèvent également contre cet élargissement de l’admissibilité à l’BCCLANote de bas de page 38. Des organisations de défense des personnes handicapées et des organisations religieuses ont exprimé des préoccupations en ce qui concerne les répercussions sur la société de l’abrogation de l’exigence selon laquelle la mort naturelle doit être raisonnablement prévisible et le message que cela envoie aux personnes vivant avec un handicap, et à la société en général. L’Association canadienne pour l’intégration communautaire, un organisme de défense des personnes atteintes de déficiences intellectuelles, par exemple, considère comme discriminatoire la prestation de l’BCCLA à des personnes qui ne sont pas en fin de vie, et, selon cet organisme, le projet de loi C-7 « met en danger la vie des personnes handicapéesNote de bas de page 39 ».
L’Alliance des chrétiens en droit, pour sa part, craint que les nouveaux mécanismes de protection dans des cas où la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible n’aillent pas assez loin, puisqu’ils exigent uniquement que la personne soit informée des traitements disponibles et se voit proposer une consultation avec des professionnels compétents au lieu d’exiger qu’elle consulte ces professionnels et suive un traitement avant de pouvoir demander l’BCCLA. Cette organisation en appelle au gouvernement pour que celui-ci fournisse aux Canadiens une aide médicale à la vie avant d’élargir les critères d’admissibilité à l’BCCLA et de supprimer les mécanismes de protectionNote de bas de page 40.
3.2 La maladie mentale comme seule condition médicale invoquée
La possibilité que des personnes dont la maladie mentale est la seule condition invoquée pour obtenir l’BCCLA suscite de vifs débats, au sein des milieux psychiatriques comme de la population canadienne en généralNote de bas de page 41. Dans son rapport sur la question, le Groupe de travail du Conseil des académies canadiennes était partagé sur plusieurs aspects de l’application d’une loi ayant pour effet d’élargir l’accès à l’BCCLA pour les personnes vivant avec une maladie mentale. Par exemple, ses membres ne s’entendaient pas à savoir s’il est possible de distinguer entre les personnes souffrant d’un trouble mental qui ont pris une décision autonome et mûrement réfléchie à l’égard de l’BCCLA et celles dont le désir de mettre fin à leurs jours est symptomatique de leur trouble mentalNote de bas de page 42.
Mme Downie a déclaré que l’exclusion de la maladie mentale comme seule condition invoquée est discriminatoire et source de stigmatisation. Elle ajoute que cette modification de la loi prive de l’accès à l’BCCLA des personnes qui y sont actuellement admissiblesNote de bas de page 43. En revanche, les membres du groupe consultatif d’experts sur l’BCCLA, un groupe nouvellement formé de spécialistes, notamment des psychiatres, des universitaires et des gens ayant vécu une expérience liée à la maladie mentale, ont formulé des observations positives quant à cette mesureNote de bas de page 44.
3.3 La renonciation au consentement final
Même si certains organismes et observateurs, comme la BCCLA, sont satisfaits de la renonciation au consentement final, d’autres ont exprimé leurs inquiétudesNote de bas de page 45. Au moins un universitaire, Thomas McMorrow, s’est dit préoccupé du fait qu’il n’existe pas de limite précisant combien de temps à l’avance une personne peut prendre par écrit des dispositions pour se voir offrir l’BCCLA si elle perd la capacité de le faire elle-même. La mort naturelle doit être raisonnablement prévisible pour que le consentement final fasse l’objet d’une renonciation, sauf dans le cas où la personne s’administre elle-même une substance n’entraînant pas le décès. Il n’y a cependant aucun délai particulier à l’intérieur duquel la mort naturelle est raisonnablement prévisible. En théorie, les dispositions pourraient être prises des années en avance, ce qui remettrait en question le fait que la personne a toujours l’intention de
recevoir l’BCCLA. M. McMorrow demande que toute entente de renonciation au consentement final soit assortie d’un délai de validitéNote de bas de page 46.
Les membres de l’Alliance des chrétiens en droit indiquent que dans la décision Truchon, le juge n’a pas exigé du Parlement qu’il aborde la question du consentement préalable, car le problème ne se posait pas dans cette affaireNote de bas de page 47. En outre, les représentants de la Conférence des évêques catholiques du Canada se sont inquiétés que les règles énoncées dans le projet de loi C-7 pour vérifier si un patient consent encore à l’BCCLA fassent de ce processus un exercice difficile et subjectifNote de bas de page 48.
3.4 Délai d’attente
La question des souffrances intolérables que devront endurer les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible pendant le délai d’attente de 90 jours qui sépare la première évaluation et la prestation de l’BCCLA a été soulevéeNote de bas de page 49. Parallèlement, l’élimination de la période d’attente de 10 jours pour les cas où la mort naturelle est raisonnablement prévisible suscite elle aussi des inquiétudes. Par exemple, les responsables de l’Alliance des chrétiens en droit affirment que les statistiques sur les demandeurs de l’BCCLA qui, plus tard, changent d’idée montrent la nécessité d’imposer une période de réflexionNote de bas de page 50.
3.5 Expertise en ce qui concerne la condition d’une personne quand la mort naturelle n’est pas prévisible
Au moins un médecin a évoqué la possibilité que cette exigence limite l’accès à l’BCCLA, surtout dans les régions rurales et éloignées du pays, où une telle expertise n’existe peut-être pasNote de bas de page 51.
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