Le droit de visite au Canada : Approche juridique et appui aux programmes

Chapitre 1: Ampleur des Problèmes de Droit de Visite

1.1 INCIDENCE DU REFUS DE VISITE INJUSTIFIÉ

Le refus de visite injustifié est sans aucun doute plus répandu qu'on ne le croirait si on se fiait au nombre peu élevé de demandes de nature judiciaire, mais peu d'études renferment de l'information sur l'incidence du refus de visite injustifié chez les parents séparés ou divorcés qui ont des enfants.  Des enquêtes effectuées auprès de parents non gardiens ont permis de constater que le refus de visite était assez répandu (voir annexe 1 pour un sommaire des études approfondies).  Selon une étude américaine réalisée auprès de pères n'ayant pas la garde (Arditti, 1992), le tiers des répondants ont soutenu qu'ils voyaient leurs enfants plus d'une fois par semaine, alors que treize pour cent d'entre eux ont affirmé qu'ils les voyaient moins d'une fois par mois ou pas du tout.  Par ailleurs, la moitié des pères interrogés ont avoué que la mère « s'ingérait » dans les visites.

Une autre étude a été réalisée au Canada et en Grande-Bretagne auprès de pères n'ayant pas la garde.  Tout près de soixante-dix pour cent des répondants ont dit croire que leur épouse les dissuadait de garder un contact paternel avec leurs enfants (Kruk, 1993), et ils étaient d'avis qu'elle agissait ainsi en leur imposant le refus de visite (mentionné à 25 reprises), en prétextant que les enfants n'étaient pas prêts ou disponibles, en changeant les dispositions à la dernière minute, en faisant en sorte qu'une crise éclate entre elle et le père au moment de la visite, en attisant une querelle entre les deux, en critiquant le père devant les enfants, et/ou en lui refusant périodiquement la visite ou l'accès à la résidence.  La moitié de ces pères ne voyaient plus leurs enfants, et 90 p. 100 ont affirmé que l'une des trois raisons pour lesquelles ils avaient cessé d'avoir des contacts avec leurs enfants était que leur ex-conjointe les avait découragés de le faire ou leur avaient refusé l'accès.

D'autres études canadiennes réalisées auprès de parents gardiens et de parents non gardiens font état d'une incidence moins élevée du refus de visite ou de l'ingérence de la part du conjoint ou de la conjointe.  Selon des entrevues menées dans le cadre d'une étude canadienne sur le divorce, seulement treize pour cent des hommes et dix-huit pour cent des femmes ont signalé un problème quelconque lié au droit de visite au cours des années 80 (McCall, 1995).  D'après une étude albertaine, soixante-dix pour cent des parents gardiens et soixante-quatre pour cent des parents non gardiens ont soutenu que le refus de visite était rarement imposé (McCall, 1995).  Une autre étude américaine, où l'on a aussi interrogé des parents gardiens et des parents non gardiens, a conclu que les mères qui avaient la garde « s'ingéraient dans les visites du père » à un taux variant de vingt à quarante pour cent (Kelly, 1993).  Enfin, selon une étude qualitative et longitudinale réalisée en Californie auprès de couples séparés, il y a eu refus de visite dans environ vingt pour cent des cas (Wallerstein et Kelly, 1980).

Il y a tout de même des limites sur le plan de ce que révèlent ces études relativement à l'incidence du refus de visite injustifié.  Les opinions des parents par rapport à ce qu'ils considèrent comme un « refus de visite » varient.  Par exemple, dans un mémoire présenté au comité conjoint d'experts de l'Australie sur la réforme du droit de la famille (1992), on a insisté sur le fait que les parents gardiens imposaient le refus de visite au parent non gardien en prétendant qu'il y avait eu abus physique ou sexuel de sa part, en déménageant à un endroit trop éloigné pour que ce parent puisse exercer son droit de visite, ou en soulevant une controverse quant à l'interprétation de l'ordonnance attributive de droit de visite au moment où celui-ci venait chercher les enfants (Family Law Council [FLC], 1998a).  D'autre part, les pères interrogés dans le cadre de l'étude du Canada et de la Grande-Bretagne (Kruk, 1993) ont semblé pouvoir faire la distinction entre le refus de visite et le refus périodique de visite.

Parfois, des parents non gardiens soutiennent qu'on leur refuse l'accès à leurs enfants quand on leur refuse ce qu'ils considèrent comme un droit de visite « raisonnable » (au Canada, la plupart des ordonnances attributives de droit de visite prévoient un « droit de visite raisonnable », sans autre précision).  Certains conjoints peuvent, de façon sincère, ne pas être sur la même longueur d'onde quant à l'interprétation qu'ils font de la notion de droit de visite raisonnable; par contre, en l'absence d'un mécanisme quelconque statuant sur une argumentation, comme un tribunal, le parent gardien se donne un pouvoir de fait pour déterminer ce qu'est un droit de visite raisonnable.  Combien de parents non gardiens souhaiteraient avoir un plus grand droit de visite que celui qui leur a été accordé?  Selon l'étude albertaine, trente-sept pour cent des parents non gardiens désiraient passer plus de temps avec leurs enfants, et cinquante-cinq pour cent des parents gardiens étaient d'accord pour que leur conjoint ou conjointe puisse exercer davantage leur droit de visite (McCall, 1995).  En Australie, les demandes de visite ont connu une hausse importante dans les années 90, après la mise en place de l'option d'éducation partagée des enfants dans le cadre des nouveaux régimes du droit de la famille, et l'élimination par le fait même de l'ancien modèle de droit de visite et de garde.  L'étude a révélé que bon nombre des nouveaux requérants étaient des pères qui croyaient pouvoir améliorer leur droit de visite ou en obtenir un en vertu des nouveaux régimes (FLC, 1998b).

Il est encore plus difficile d'établir l'incidence du refus de visite injustifié à partir d'enquêtes de compte rendu au sujet du refus de visite.  Par exemple, dans l'État du Michigan, les parents gardiens qui croient que l'autre parent fera preuve de violence à l'égard de l'enfant ou se soûle trop souvent pour pouvoir en prendre soin doivent lui imposer le refus de visite, faute de quoi des accusations seront portées contre eux.  Afin d'éviter toute condamnation pour refus de visite, ils doivent ensuite « offrir des raisons valables » de refus devant les tribunaux si et quand le parent non gardien porte des accusations contre eux.  Des problèmes semblables surviennent au Canada (Bala et al., 1998).  Dans ces cas, le père n'ayant pas la garde se voit imposer le refus de visite -à tort, selon lui, s'il soutient qu'il était sobre et/ou qu'il ne faisait pas subir de mauvais traitements à ses enfants - quand bien même le tribunal l'aurait dispensé selon toute vraisemblance.  Comme on le verra à la section 1.4, de nombreuses affaires en relation avec la mise en application du droit de visite qui sont portées devant les tribunaux présentent ce genre de complexité.  L'établissement de l'incidence du refus de visite injustifié à l'extérieur de la salle d'audience ne semble donc pas être chose facile, puisqu'il pourrait être nécessaire de connaître les faits entourant chacune des affaires.

Le refus de visite dans les travaux de recherche en science sociale

Les chercheurs en sciences sociales étudient généralement le refus de visite en le considérant comme l'un des nombreux problèmes qui surviennent après le divorce et qui tourmentent une minorité de couples séparés ou divorcés, plutôt que comme un problème juridique isolé.  Une étude américaine a révélé que trente pour cent des parents divorcés aux États-Unis avaient eu un différend avec leur conjoint ou conjointe pendant une période de trois à cinq ans après le divorce (Ayoub et al., 1999).  Deux autres études longitudinales américaines confirment l'incidence de cette situation.  Selon la première de ces études, quarante pour cent des parents ont signalé avoir eu un désaccord d'importance moyenne ou de grande importance avec leur conjoint ou conjointe au moment du divorce relativement au droit de visite ou à l'éducation partagée des enfants au cours des six mois précédents.  Deux ans plus tard, seulement vingt pour cent d'entre eux ont dit se disputer fréquemment avec leur conjoint ou conjointe, et vingt-cinq pour cent ont signalé que la collaboration entre eux se faisait au minimum ou était absente, alors que soixante pour cent ont indiqué que le niveau de collaboration entre eux variait de moyen à élevé (Kelly, 1993).  La deuxième étude a révélé, quant à elle, que trente pour cent des couples divorcés ou séparés avaient eu des litiges de nature judiciaire importants ou extrêmes en tentant de régler des différends en rapport avec le droit de garde ou de visite.  Dans la deuxième année suivant le divorce, le tiers des couples étaient toujours en litige et la moitié d'entre eux se disputaient devant les enfants (Kelly, 1993).  Les études australiennes font état du même portrait général; en effet, trente pour cent des couples divorcés vivent une situation très conflictuelle en ce qui concerne le droit de visite, et seulement dix pour cent d'entre eux sont toujours en discorde à ce sujet trois ans plus tard (Funder, 1996).

Les études scientifiques portant sur les questions sociales démontrent que les différends liés au droit de visite constituent généralement l'un des « pierres d'achoppement » dans les relations très conflictuelles, quoique d'autres types de discorde caractérisent aussi la grande majorité de ces relations.  Le droit de visite peut être le problème numéro un ou n'être qu'un des problèmes aggravant l'hostilité générale qui règne au sein de ces couples après la séparation.  Il ne peut s'agir que du problème le plus manifeste qui se trouve au centre du litige et qui émane d'un autre problème en relation avec les dispositions prises après la séparation, comme celles qui se rattachent aux pensions alimentaires pour enfants ou à la division des biens.

Il est évident que le refus de visite ne se produit pas uniquement dans le cas des couples qui vivent un litige majeur.  Cependant, peu d'études ont été réalisées sur les parents séparés vivant une situation peu conflictuelle et respectant le droit de visite.  Le refus de visite semble plus fréquent dans le cas des parents qui sont confrontés à une situation très conflictuelle et qui négligent de faire preuve de bonne volonté et de confiance mutuelle dans le but de résoudre les difficultés engendrées par l'instabilité de la première année suivant la séparation (Hirst et Smiley, 1984).

Certaines études portent sur les raisons invoquées par les parents gardiens pour imposer le refus de visite à leur conjoint ou conjointe, et elles jettent quelque peu de lumière sur la fréquence des affaires de refus de visite injustifié.  Quelques études ont révélé que bon nombre des mères gardiennes ne voyaient aucun avantage à ce qu'il y ait un contact continu entre le père et les enfants.  En fait, les mères s'activaient souvent à saboter les visites (Wallerstein et Kelly, 1980)[2].  On a également constaté que les mères menaient une campagne émotionnelle contre le parent non gardien et sa capacité à assurer l'éducation de leurs enfants (Strategic Partners, 1998).  Il ne fait aucun doute que certains refus de visite sont injustifiés, et les études révèlent que bon nombre d'entre eux ne sont pas détectés par les statistiques judiciaires.

Selon de nombreuses études, les parents gardiens invoquent également, pour refuser la visite, des raisons qui seraient jugées valables dans bien des cas.  Selon une étude canadienne réalisée en 1994, les parents gardiens ont indiqué qu'ils imposaient le refus de visite parce qu'ils avaient peur que leur enfant soit enlevé, qu'il ne reçoive pas de soins adéquats, qu'il soit victime d'agression ou de violence sexuelle, qu'il soit soumis à un interrogatoire, qu'il soit corrompu ou qu'on le monte contre eux.  Ils ont aussi dit craindre l'immoralité du parent non gardien ainsi que sa consommation excessive d'alcool ou de drogues, le fait que l'enfant refuse de lui rendre visite ou qu'il n'en soit contrarié, de même que le non-versement des pensions alimentaires pour enfants (Strategic Partners, 1998).  Certaines de ces raisons constitueraient des motifs valables de refus dans la plupart des administrations, si leur bien fondé est démontré; dans certains cas, il suffirait même que le parent y croie sincèrement pour qu'elles soient jugées valables.

Dans son rapport sur la mise en application du droit de visite et sur les pénalités dans les tribunaux australiens, le FLC a soutenu fermement qu'il était nécessaire d'avoir des recours contre les parents qui transgressent les dispositions relatives au droit de visite ou n'en tiennent pas compte, sans motif valable.  Le conseil a aussi vivement critiqué la colère et les attitudes de domination et de manipulation de la part d'une minorité de parents non gardiens qui, de son point de vue, rendraient difficile, voire impossible, le règlement des différends avec leur conjoint (FLC, 1998a).

Une étude australienne réalisée auprès de parents gardiens qui ont recours au droit de visite supervisé (prescrit le plus souvent dans les cas où il y a violence ou abus envers le conjoint ou la conjointe et/ou l'enfant, et dans d'autres types de litige) a permis de constater qu'avant d'y consentir, presque toutes les mères concernées avaient tenté par tous les moyens d'empêcher la visite.  Dans la plupart des cas, elles avaient agi ainsi parce qu'elles croyaient que leurs enfants ou elles-mêmes étaient en danger (Strategic Partners, 1998).

Évidemment, la question de savoir si un refus de visite est injustifié ou non dépend aussi de la loi.  Bon nombre des raisons invoquées ci-dessus suffiraient à justifier le refus de visite dans les administrations où l'intérêt supérieur de l'enfant régit l'attribution du droit de visite et le jugement des litiges relatifs au refus de visite.  Toutefois, dans les autres administrations, comme l'État du Michigan, où le préjudice direct à l'égard de l'enfant constitue le seul motif de refus de visite, la plupart de ces raisons ne seraient pas admissibles pour « justifier » le refus de visite (quoique les juges pourraient se servir de leur pouvoir discrétionnaire pour les prendre en considération ).

Recours judiciaires concernant le refus de visite

Il est très difficile d'évaluer la proportion des cas de refus de visite (injustifié ou autre) qui sont soumis aux tribunaux, ou la proportion de plaintes de cet ordre qui sont jugées sans fondement. Une chose est claire, cependant : un très petit nombre de parents non gardiens portent plainte pour refus de visite devant les tribunaux au Canada et ailleurs.  Il semble difficile de déterminer avec précision ce petit nombre, car les tribunaux de la famille de certaines provinces ne conservent pas de statistiques qui permettant d'extraire ce genre de renseignements[3].

Les chiffres démontrent toutefois qu'il y a eu en Australie, en 1997-1998, environ 2 000 contestations relatives au droit de visite sur les 3 808 contestations (y compris les règlements touchant le droit de garde et les biens) entendues par les tribunaux (FLC, 1998a)[4].  Au cours de la même année, il y a eu environ 24 000 demandes de contact sur les quelque 100 000 affaires qui ont été portées devant les tribunaux (FLC, 1998a), ainsi que 51 000 divorces mettant en cause tout près de 52 000 enfants (Strategic Partners, 1998).  On a émis quelque 30 000 ordonnances sur les actes de violence familiale (Strategic Partners, 1998).

Proportionnellement, moins de demandes sont susceptibles d'être soumises dans les administrations où le refus de visite injustifié n'est sanctionné que par des dispositions qui touchent l'outrage civil, qui sont coûteuses et dont l'emploi s'avère onéreux.  Dans des mémoires soumis au comité parlementaire conjoint d'experts responsable de l'étude du droit de la famille en Australie, on a souligné qu'environ douze pour cent des pères n'ayant pas la garde avaient soutenu que les coûts engendrés par le litige représentaient un facteur important qui les avait dissuadés de porter leur affaire devant les tribunaux (FLC, 1998b).

Bref, le refus de visite semble constituer un problème important pour une minorité de parents après la séparation.  La question de savoir si le refus est injustifié dépend du contexte dans lequel celui-ci se produit - et il peut y avoir une divergence d'opinion considérable à ce sujet, selon les faits en cause - ainsi que du cadre législatif et des principes qui régissent les dispositions relatives au droit de visite et la mise en application de ce dernier.  Le refus de visite injustifié, jusqu'à un certain point, est un concept défini par le cadre législatif qui régit la mise en application du droit de visite.

1.2 INCIDENCE DE L'OMISSION D'EXERCER LE DROIT DE VISITE

Il est difficile d'établir l'incidence du refus de visite injustifié, mais on dispose de données considérables dans le cas de l'incidence de l'omission d'exercer le droit de visite.  L'annexe 1 renferme le sommaire de certaines études importantes effectuées à ce sujet.  De façon générale, les mêmes caractéristiques par rapport à l'exercice du droit de visite se dégagent de ces études, malgré les différences quant à la structure des études et à l'endroit où elles ont été réalisées.  Environ le tiers des pères n'ayant pas la garde perdent complètement contact avec leurs enfants en l'espace de cinq ans après la séparation, alors qu'un autre tiers continuent de les voir fréquemment et régulièrement.

Les études varient beaucoup trop pour qu'on procède à une analyse plus détaillée des différences se rattachant à l'exercice du droit de visite dans différents pays.  Des études démontrent, par exemple, que les parents non gardiens soutiennent effectuer plus de visites que ne le rapportent ceux qui ont la garde (Nord et Zill, 1996), ce qui fait en sorte que l'incidence varie selon le type de répondant.  Cependant, la similarité des résultats dans les diverses administrations laisse supposer que les différences existant entre les systèmes juridiques, comme la présomption du droit de visite bien établie dans de nombreux États américains, n'ont pas d'incidence significative sur la fréquence des visites par les pères n'ayant pas la garde.

Il y a certains indices selon lesquels les pères n'ayant pas la garde ont des contacts plus nombreux avec leurs enfants depuis quelques années (Kelly, 1993; Nord et Zill, 1996) - qu'ils les fréquentent davantage et qu'ils les voient plus souvent.  Les experts attribuent la majeure partie de cette situation aux nouvelles tendances sociales en relation avec le rôle du père auprès de ses enfants.  Par contre, dans les administrations où l'on a adopté des lois sur l'éducation partagée des enfants, la plupart des pères ne semblent pas vraiment s'occuper davantage de leurs enfants (Rhoades et al., 1999), même si une plus grande minorité des pères bénéficiant d'une garde partagée semblent héberger leurs enfants pendant de plus longues périodes.  Un nombre plus élevé de pères n'ayant pas la garde font également en sorte que leurs enfants passent plus de temps auprès d'eux (Rhoades et al., 1999).

Caractéristiques de l'omission d'exercer le droit de visite

Il semble y avoir des habitudes cohérentes dans l'ensemble des différentes administrations par rapport à la façon dont les parents non gardiens perdent contact ou restent en contact avec leurs enfants.  On en trouvera ci-dessous quelques exemples.

Les mères n'ayant pas la garde exercent davantage leur droit de visite que les pères qui n'ont pas la garde (ministère de la Justice, 1999); un nombre plus élevé de mères voient leurs enfants et elles sont plus nombreuses à les voir plus souvent.  On n'a trouvé aucune étude portant sur les raisons pour lesquelles les mères gardent davantage contact avec leurs enfants[5].

Au Canada, deux fois plus de parents vivant en union de fait et n'ayant pas la garde perdent contact avec leurs enfants après la séparation que de parents mariés et n'ayant pas la garde.  Cependant, de manière générale, la proportion des parents qui voient leurs enfants au moins une fois par semaine ou toutes les deux semaines est la même pour ces deux catégories de parents.  Il existe des différences importantes selon les provinces.  Par exemple, dans les provinces maritimes, les pères vivant en union de fait et n'ayant pas la garde sont plus nombreux à visiter leurs enfants au moins une fois par semaine que les pères mariés et n'ayant pas la garde, alors qu'en Colombie-Britannique, deux fois moins de pères vivant en union de fait et n'ayant pas la garde rendent visite à leurs enfants au moins une fois par semaine que de pères mariés et n'ayant pas la garde (ministère de la Justice, 1999).  Aux États-Unis, les pères non mariés sont beaucoup moins susceptibles de rester en contact avec leurs enfants que les pères mariés (Amato et Rezac, 1994).

Après leur séparation, les parents non gardiens exercent moins leur droit de visite et le font de moins en moins au fil du temps (FLC, 1992a; Amato et Rezac, 1994).  L'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ) a révélé, par exemple, que quarante-sept pour cent des pères canadiens voyaient leurs enfants au moins chaque semaine ou aux deux semaines immédiatement après la séparation, mais que ce chiffre baissait à trente-et-un pour cent cinq ans après la séparation.  Quelque vingt-quatre pour cent des pères ne sont plus en contact avec leurs enfants cinq ans après la séparation, par opposition à quinze pour cent immédiatement après la séparation (ministère de la Justice, 1999).

Les données recueillies par l'ELNEJ démontrent que les mères n'ayant pas la garde (voir annexe 1) gardent elles aussi moins contact avec leurs enfants avec le temps, et que certains facteurs généraux jouent contre le désir de tous les parents non gardiens de garder le contact avec leurs enfants en tout temps ainsi que leur capacité à le faire.  Ces facteurs semblent également être en cause peu importe à quel point le parent non gardien s'engage auprès de ses enfants, puisqu'on note une diminution du nombre de parents qui gardent un contact étroit avec leurs enfants et du nombre de parents qui gardent un certain contact avec eux.

Les pères n'ayant pas la garde sont plus susceptibles de garder le contact avec les enfants plus âgés, c'est-à-dire les enfants autres que les tout-petits et nouveaux-nés (Nord et Zill, 1996), et ils le font davantage avec les garçons qu'avec les filles, peu importe l'âge de ceux-ci (FLC, 1992a).  Les pères mariés s'engagent également beaucoup plus auprès des garçons qu'auprès des filles (Nord et Zill, 1996).

Cependant, il y a très peu de liens l'engagement du père auprès de ses enfants avant la séparation et la fréquence de ses contacts avec eux après la séparation.  Certains pères qui étaient proches de leurs enfants pendant le mariage rompent rapidement tout contact avec eux après la séparation, alors que d'autres s'engagent alors davantage auprès d'eux (FLC, 1992a; Nord et Zill, 1996; Kruk, 1993; Arditti, 1992).

Les ententes de garde établies dans les semaines suivant la séparation sont un bon indice de ce que seront les arrangements à long terme (FLC, 1992a; Kelly, 1993), ce qui indique à quel point il est primordial de prendre les meilleures dispositions possibles relativement au droit de visite au moment de la séparation ou du divorce pour les parents non gardiens qui veulent continuer de s'engager de manière continue auprès de leurs enfants.

Les parents non gardiens sont plus susceptibles de garder le contact avec leurs enfants si les dispositions relatives au droit de visite sont caractérisées par la souplesse et par la régularité (quoiqu'elles peuvent aussi être très précises), mais ils sont plus susceptibles de perdre le contact avec eux si les dispositions sont restrictives (Hirst et Smiley, 1984).

Plus la relation entre les conjoints est bonne, plus le parent non gardien est susceptible de continuer de s'engager auprès des enfants (King, 1994).

De manière générale, le contact avec les enfants a tendance à diminuer au fil du temps, mais les parents non gardiens qui versent des pensions alimentaires pour leurs enfants sont beaucoup plus susceptibles de rester en contact avec eux et de les voir souvent que ceux qui n'en versent pas.  La nature du lien qui existe entre le versement de prestations alimentaires pour les enfants et le maintien du contact avec ces derniers n'est toutefois pas très claire[6].  Au Canada, les parents séparés ou divorcés n'ayant pas la garde qui ont conclu des ententes privées en matière de pensions alimentaires pour enfants ont dix pour cent plus de chance de voir leurs enfants de façon régulière que ceux qui ne l'ont pas fait (ministère de la Justice, 1999)[7].

Violation du droit de visite

La violation du droit de visite constitue l'une des formes d'omission d'exercer le droit de visite.  Les parents non gardiens violent le droit de visite dès qu'ils contreviennent aux modalités d'une ordonnance attributive de droit de visite, ce qui se produit, entre autres, s'ils omettent d'arriver à l'heure, s'ils ne viennent pas du tout et n'en avisent pas le parent gardien, et s'ils ramènent l'enfant en retard.  Le type de violation le plus grave est le rapt d'un enfant; le parent non gardien s'enfuit alors avec l'enfant, en l'emmenant généralement dans une autre administration.  Toutes les administrations étudiées ont des dispositions légales par rapport au rapt, mais le présent rapport ne traite pas de cette question.

La violation du droit de visite se produit généralement lorsqu'un parent a conservé certains liens avec l'enfant, même s'il ne le voyait pas régulièrement.  La violation régulière et systématique d'une disposition bien précise en matière de droit de visite (par exemple, l'enfant passe une fin de semaine sur deux avec le parent non gardien, à partir du vendredi à 18 h) serait aussi probablement considérée comme une omission d'exercer le droit de visite, dans le sens discuté relativement au refus de visite injustifié, à la section précédente.  Dans certaines provinces, il existe certains types de violation du droit de visite dans les cas où le parent non gardien omet de ramener l'enfant à temps.  En vertu du nouveau droit de la famille de l'Australie, le refus de visite, la violation du droit de visite constituant un outrage civil, et l'omission d'exercer le droit de visite sont toutes traitées comme des violations de responsabilité parentale, mais peu de recours ont été intentés jusqu'à présent en vertu des dispositions relatives à l'omission d'exercer le droit de visite.  D'autre part, de nombreux États américains, comme le Michigan, ne considèrent pas la violation du droit de visite et l'omission d'exercer le droit de visite comme des cas de violation de la responsabilité parentale (Model Friend of the Court Handbook, 1998).

Au Canada, on peu possède peu d'indices sur la fréquence des recours intentés par les parents gardiens pour contrer la violation du droit de visite ou l'omission d'exercer le droit de visite.  En Australie, cependant, les parents gardiens intentent rarement des recours pour la violation du droit de visite ou l'omission d'exercer le droit de visite (FLC, 1998a)[8].  Une étude réalisée sur les rôles d'audience a révélé que les recours de cet ordre, à l'exception d'un seul, provenaient de pères n'ayant pas la garde.  Pourtant, dans le cadre de l'étude du FLC sur les pénalités pour non-respect du droit de visite et sur la mise en application de la loi à cet égard, et de l'étude de l'Australian Law Reform Commission (ALRC) sur les cas de reconnaissance difficile du droit de visite, plusieurs organisations ont soutenu que les violations du droit de visite - c'est-à-dire les cas où le parent non gardien ne vient pas du tout chercher l'enfant, ne le ramène pas, etc. -représentaient un problème chronique.  On a aussi soutenu que de nombreux hommes obtenaient une ordonnance attributive de droit de visite, mais qu'ils n'avaient ensuite aucun contact avec leurs enfants, même après de longues démarches judiciaires (ALRC, 1995).

Il semble y avoir de nombreuses raisons pour lesquelles les parents non gardiens ont un contact de plus en plus limité avec leurs enfants au fil du temps.  Certains parents perdent contact avec eux en raison du refus de visite qui leur est imposé, mais il ne fait aucun doute que les relations très conflictuelles avec les conjoints ou conjointes, les difficultés qu'éprouvent les parents non gardiens à s'adapter à leur nouveau rôle parental, qui est généralement moins grand qu'il ne l'était, les facteurs socio-économiques, les souhaits des enfants, et les circonstances qui font que les parents non gardiens et les unités familiales gardiennes prennent des directions opposées comptent pour beaucoup également.

En résumé, l'omission d'exercer le droit de visite semble beaucoup plus courante que le refus de visite ou le refus de visite injustifié.  Les caractéristiques de l'omission d'exercer le droit de visite, dont les grandes lignes figurent plus haut, se rattachent à un éventail de causes.  On doit lutter également contre le refus de visite injustifié et l'omission d'exercer le droit de visite, si l'objectif premier est de promouvoir l'engagement continu des parents auprès de leurs enfants, sauf si cette situation ne sert pas l'intérêt supérieur de l'enfant.

1.3 DROIT DE VISITE ET BIEN-ÊTRE DES ENFANTS

Les efforts déployés pour réduire le nombre de refus de visite injustifiés et pour accroître l'exercice du droit de visite par les parents reposent sur l'hypothèse qu'il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant de maintenir une relation permanente avec les deux parents après la séparation ou le divorce.  Pour les signataires de la Convention relative aux droits de l'enfant de La Haye, comme le Canada, il est important d'encourager l'engagement continu des parents non gardiens auprès de leurs enfants dans la mesure où celui-ci correspond à l'intérêt supérieur de l'enfant.  Mais même aux États-Unis, qui n'ont pas signé la convention et qui ne reconnaissent pas officiellement le principe de l'« intérêt supérieur », la présomption juridique en faveur du droit de visite qui a été promulguée dans de nombreux États est justifiée par le motif que le droit de visite sert presque toujours l'intérêt supérieur de l'enfant.

Que révèlent les recherches?  Les études courantes ne fournissent aucun consensus, mais elles continuent de proliférer rapidement.  On trouve quand même quelques thèmes rémanents dans les recherches ayant eu le plus d'influence au cours des dernières années.  La plupart des enfants désirent rester en contact avec leur parent non gardien ou entretenir davantage de liens avec lui (FLC, 1992a; Lamb et al., 1997).  Ils soutiennent également que la perte d'un contact régulier avec l'un ou l'autre de leurs parents représente l'aspect le plus difficile du divorce de leurs parents (Kelly, 1993).  Le sentiment de manque semble également varier selon qu'il s'agit d'un garçon ou d'une fille; en effet, les garçons s'ennuient davantage de leur père n'ayant pas la garde, alors que les filles s'ennuient surtout de leur mère n'ayant pas la garde.

Les chercheurs croyaient autrefois que le contact continu servait presque toujours l'intérêt supérieur des enfants, mais la plupart semblent maintenant d'avis que les associations sont d'une plus grande complexité (Lamb et al., 1997; Kelly et Lamb, sous presse).  Les études antérieures concluaient que les enfants qui gardaient contact avec leur parent non gardien s'en tiraient mieux sur le plan psychologique, qu'ils éprouvaient moins de problèmes de comportement et qu'ils avaient de meilleures relations avec les pairs (Nord et Zill, 1996).  Selon d'autres études, il existait une corrélation faible, mais importante, entre le contact prévisible et fréquent et l'adaptation des enfants (Kelly, 1993).  Les enfants semblaient aussi plus susceptibles de bien s'adapter à la situation quand la mère approuvait le contact entre eux et le père n'ayant pas la garde et qu'elle avait une attitude favorisant cette relation (Kelly, 1993).

Cependant, certaines études révèlent maintenant que le contact de l'enfant avec les deux parents soit n'a pas d'effet marqué sur sa capacité de s'adapter au divorce soit améliore cette capacité dans certaines circonstances, mais pas dans d'autres.  Pour ce qui est de la capacité d'adaptation, une analyse récente des données de la U.S. National Longitudinal Study of Youth (NLSY) (King, 1994) a révélé que les visites du père n'ayant pas la garde n'avaient pas de répercussions évidentes sur le bien-être de l'enfant, mais que les pensions alimentaires versées par le père ont toutefois contribué grandement à améliorer le rendement scolaire de l'enfant et, par la suite, son bien-être économique.  D'autres chercheurs ont conclu qu'il y avait une absence de lien semblable entre le contact et la capacité d'adaptation (Nord et Zill, 1996; Kelly, 1993).  D'autres chercheurs ont évoqué, entre autres, les raisons suivantes pour expliquer cette absence de lien : le contact était trop minime pour qu'il y ait une différence; les répercussions favorables d'un plus grand contact étaient peut-être annulées par un litige plus important entre les parents; les pères ne joueraient pas un rôle aussi important que ne le laisser présager la théorie (Kelly, 1993). Quelques chercheurs partent également de l'hypothèse que ce contact pourrait amoindrir ses propres avantages dans la mesure où il implique des séparations à répétition entre le père et l'enfant, ce qui aurait pour effet d'augmenter le niveau de tension du père.

Dans l'étude américaine de la NLSY, on a défini le « bien-être » d'un enfant en fonction de critères négatifs, comme le fait de mentir à ses parents, de manquer l'école, de blesser quelqu'un de manière assez grave pour qu'il faille appeler un médecin, d'être suspendu de l'école ou d'être dans une classe spéciale d'éducation corrective.  D'autres chercheurs ont soutenu que la corrélation existant entre les contacts de l'enfant avec le père n'ayant pas la garde et l'adaptation de l'enfant varie selon les mesures utilisées et le type de familles étudiées.  Il s'agit de la conclusion qui ressort de l'examen effectué par un chercheur au sujet de 33 études sur les conséquences des visites fréquentes de la part du parent non gardien.  Cet examen a permis de faire les constatations suivantes : dix-huit études ont révélé que le contact fréquent entre l'enfant et le parent non gardien améliorait l'évolution de l'enfant (l'une des études n'en est venue à cette conclusion que dans le cas des mères n'ayant pas la garde); neuf études n'ont établi aucune relation; et six études ont conclu que ce contact minait l'adaptation de l'enfant (Amato et Rezac, 1994).  La plupart des chercheurs demeurent convaincus que le contact continu et régulier entre l'enfant et le parent non gardien est bon pour l'enfant s'il y a entre les deux une relation axée sur la collaboration et la communication, et s'il existait déjà des liens positifs entre eux avant la séparation ou le divorce (Lamb et al., 1997).  Les chercheurs sont d'avis que la plupart des familles répondent à ces critères après le divorce.

Si l'on suppose que le droit de visite continu et constructif est important dans la plupart des cas, jusqu'à quel point sert-il l'intérêt supérieur de l'enfant?  On a démontré que le bien-être du parent gardien constituait l'un des meilleurs indicateurs de la facilité avec laquelle l'enfant s'adaptait après le divorce (Kelly, 1993), et que ce facteur était beaucoup plus important que le contact continu entre l'enfant et le parent non gardien.  Plusieurs études ont été axées sur la comparaison entre les conséquences du contact continu et celles d'autres facteurs.  Les auteurs de ces études ont soutenu que la situation économique d'un enfant est le principal déterminant de son niveau d'instruction et de sa réussite économique ultérieure (Wallerstein et Lewis, 1998).

L'une des raisons possibles pour lesquelles les conclusions sur les répercussions du droit de visite continu sur les enfants varient autant est que les chercheurs ne se servent généralement que de la fréquence et de la régularité des visites pour évaluer la participation continue.  Certaines études semblent aussi révéler que l'importance que revêt le parent non gardien pour l'enfant peut être relativement indépendante de la fréquence de ses visites.  Certaines études donnent à penser que le lien émotionnel que l'enfant croit entretenir avec le parent est un meilleur indicateur du bien-être que le contact réel (Nord et Zill, 1996).  Cependant, il faut ajouter que l'affection n'implique pas nécessairement le respect (Wallerstein et Lewis, 1998).

On n'a trouvé aucune étude qui cernant systématiquement les répercussions du droit de visite sur les enfants, en comparaison avec les situations où le parent non gardien accepte également la responsabilité de s'occuper de l'enfant ou la responsabilité liée au droit de visite avec au pouvoir décisionnel.  Toutefois, un groupe d'experts a conclu que la qualité de la relation entre le parent non gardien et l'enfant était plus importante que la durée du contact (Lamb et al., 1997).  Ces experts ont convenu que le parent non gardien qui continuait de prendre part aux aspects essentiels de la vie quotidienne de l'enfant, comme le fait de le conduire à l'école, de le mettre au lit et de l'emmener chez le dentiste, jouait un rôle plus important sur le plan psychologique dans la vie de l'enfant, et qu'il était plus susceptible de demeurer actif à cet égard (Lamb et al., 1997).

Droit de visite et relations très conflictuelles

Les chercheurs s'entendent en général pour dire que le contact continu ne sert pas toujours l'intérêt supérieur de l'enfant et qu'il peut même porter atteinte à ce dernier dans les situations où les parents ont une attitude très hostile l'un envers l'autre; le droit de visite peut alors aggraver le désaccord ou engendrer plus d'occasions pour lui de se manifester.  Cela ne signifie pas nécessairement que les deux parents contribuent de manière égale au différend; par exemple, une étude des affaires très conflictuelles portées devant les tribunaux de la Californie révèle qu'il arrive souvent qu'un parent soit atteint d'une maladie mentale ou qu'il ait des problèmes liés aux drogues et à l'alcool (Ayoub et al., 1999; Australia Law Reform Commission, 1995).

De nombreuses études démontrent que les enfants dont les parents vivent une relation très conflictuelle « passent à l'acte » davantage que les enfants issus de familles divorcées vivant une situation peu conflictuelle (Kelly, 1993; Ayoub et al., 1999; Rhoades et al., 1999) et qu'ils intériorisent aussi davantage leurs problèmes (Kelly, 1993).  Une méta-analyse de 92 études effectuées sur 13 000 enfants a révélé que les situations conflictuelles dans les familles tant unies que divorcées engendraient de plus grandes difficultés de fonctionnement chez les enfants (Ayoub et al., 1999).

Les résultats de ces études reflètent ceux des recherches effectuées sur des familles nucléaires, qui ont permis de constater que les situations très conflictuelles et continues au sein de ces familles causaient également du tort aux enfants (Ayoub et al., 1999).  Certaines indications donnent à penser que certaines difficultés vécues par les enfants dont les parents vivent une relation très conflictuelle après le divorce peuvent être attribuées aux tensions qui régnaient avant même le divorce (voir la discussion à ce sujet dans Ayoub et al., 1999).  Par contre, d'autres études n'ont permis d'établir aucun lien entre l'attitude hostile des parents l'un envers l'autre et la capacité d'adaptation des enfants après le divorce (Kelly, 1993).  Il semble que, globalement, il faille nuancer le lien existant entre la situation très conflictuelle au sein de couples séparés ou divorcés et le bien-être de leurs enfants : les enfants de certaines familles vivant une situation très conflictuelle ont du mal à réussir (leur bien-être et leur capacité d'adaptation s'en trouvent davantage affectés), mais ce n'est toutefois pas le cas pour les enfants de certaines autres.

Selon une analyse détaillée effectuée par la U.S. National Survey of Families and Households, le contact continu n'a pas influé sur l'évolution des garçons (âgés de 5 à 18 ans) issus de familles séparées ou divorcées qui vivaient une situation peu conflictuelle, mais il a causé du tort à ceux dont les parents vivaient une situation très conflictuelle.  On n'a constaté aucune répercussion négative chez les filles, mais la réaction d'intériorisation, plus répandue chez elles, n'a fait l'objet d'aucun examen.  Les divers degrés de conflit entre les parents ont été établis par des questionnaires d'auto-déclaration, pour être ensuite triés et classés en trois catégories.  La notion de conflit englobait, sans toutefois s'y limiter, les problèmes en matière de contact (Amato et Rezac, 1994).

D'autres études ont révélé que le conflit était plus susceptible d'entraîner une dépression ou des problèmes de comportement chez l'enfant qui se sent « coincé » entre ses parents, par exemple quand il doit transmettre des messages à un parent de la part de l'autre, quand il se fait poser des questions importunes au sujet d'un des parents ou quand il a l'impression qu'il doit cacher de l'information ou ses sentiments (Kelly, 1993).  Les adolescents sont plus susceptibles de se sentir ainsi quand leur famille vit une situation très conflictuelle, mais il faut mentionner que les parents en cause ne donnent pas tous à leurs enfants ce sentiment d'être piégés (quoique la majorité d'entre eux le font).  Les adolescents sont moins susceptibles de se sentir coincés s'ils sont plus proches des deux parents.

D'autres études en sont arrivées à des résultats semblables, c'est-à-dire qu'elles ont conclu que les répercussions sur les enfants d'un conflit entre parents dépendent des stratégies dont se servent ces derniers pour résoudre ce conflit (Kelly, 1993; Nord et Zill, 1996) ainsi que de la mesure dans laquelle ils expriment leur antagonisme devant les enfants ou par leur intermédiaire (Nord et Zill, 1996; Kelly, 1993).

En résumé, le contact continu semble être positif pour la plupart des enfants et il leur procure plus d'avantages que l'absence totale de contact avec le parent non gardien, mais il y a des cas où le contact est sans contredit nuisible pour l'enfant et où il est préférable de n'en avoir aucun. Il peut y avoir des situations où le contact continu ne porte pas directement préjudice à l'enfant, mais où il ne sert quand même pas l'intérêt supérieur de ce dernier, c'est-à-dire où il serait mieux pour l'enfant de n'avoir aucun contact avec son parent non gardien.  Cependant, les recherches menées aux États-Unis sont réalisées dans un contexte juridique qui favorise le contact entre l'enfant et le parent non gardien, sauf si la sécurité de l'enfant est directement compromise, ce qui fait qu'il est difficile d'extrapoler ces informations à partir d'un examen sommaire des études.

Cet examen s'est également avérée trop vaste pour permettre d'évaluer jusqu'à quel point le contact irrégulier s'avère toujours préférable à l'absence totale de contact.  Enfin, personne ne semble avoir étudié quel effet avait sur les enfants le degré de prise en charge et de participation aux décisions des pères n'ayant pas la garde.

Les parents vivant des situations très conflictuelles sont plus susceptibles de faire appel aux tribunaux pour régler leur litige, et certains indices laissent croire que les procédures judiciaires intenses peuvent causer du tort aux enfants en incitant les parents à se retrancher sur leurs positions et, ainsi, à envenimer leur antagonisme, et en mettant de force l'enfant au beau milieu de leur litige.  Par exemple, une étude a révélé que le contact avec le parent non gardien avait tendance à influer positivement sur l'estime de l'enfant en l'absence d'un litige, mais pas s'il y en avait un (Amato et Rezac, 1994).

Ainsi, pour conclure, la documentation disponible semble confirmer que le droit de visite joue un rôle important pour les enfants dans les cas où les parents acceptent de collaborer ou de gérer leurs différends, et où une relation concrète prévaut entre l'enfant et les deux parents.  Par contre, le contact continu peut directement porter préjudice à l'enfant si celui-ci est exposé à certains types de conflit et de comportement de la part des parents.  L'un des problèmes particuliers se rattachant à de nombreuses études américaines est que l'intérêt supérieur de l'enfant est souvent mis sur le même pied que l'absence de préjudice (ce qui reflète les présomptions juridiques en vigueur dans la plupart des États).  En conséquence, on a peu examiné les situations intermédiaires où le droit de visite ne porte pas directement préjudice à l'enfant, mais ne sert pas nécessairement l'intérêt supérieur de celui-ci : celles où, tout bien pesé, l'enfant serait plus avantagé si aucun droit de visite n'était accordé.

1.4 CAS DIFFICILES

La plupart des couples qui se séparent ou divorcent réussissent à s'entendre sur des arrangements convenables en matière de droit de visite, sans engendrer de situation très conflictuelle ou sans avoir recours de manière considérable aux tribunaux.  En fait, au Canada, seulement la moitié des couples séparés font l'objet d'une ordonnance de la cour relativement à la garde des enfants cinq ans après leur séparation (ministère de la Justice, 1999).  Comme on en a déjà fait mention dans le présent rapport, la recherche sociale indique que seulement le tiers des couples qui se séparent vivent une situation très conflictuelle, et que pour une proportion de cinq à dix pour cent de ces couples, le conflit se dissipe avec le temps.

Bien entendu, ces chiffres ne veulent pas dire que les couples vivant une relation peu conflictuelle n'éprouvent pas de problèmes en rapport avec le droit de visite, y compris le refus de visite et les violations du droit de visite, ou ne prennent pas de dispositions insatisfaisantes en matière de droit de visite (Weir, 1985).  L'une des dispositions insatisfaisantes semble être l'absence de contact, du moins pour un certain nombre de ces couples.  Comme on l'a déjà mentionné, plus de quinze pour cent des parents canadiens perdent le contact avec leurs enfants au moment de leur séparation, et une plus grande proportion d'entre eux le font au fil du temps.  Il est évident que l'omission d'exercer le droit de visite semble être l'une des stratégies « adoptées » par certains couples pour résoudre leur litige.

Il semble toujours y avoir une petite proportion de parents vivant une relation très conflictuelle dont l'hostilité ne diminue pas en importance - en fait, elle semble même s'aggraver - et qui continuent d'avoir recours aux tribunaux pour des questions relatives au droit de visite et d'autres litiges, notamment le refus de visite injustifié.  Au milieu des années 90, l'ALRC a entrepris une étude sur quelques affaires particulièrement difficiles et complexes soumises aux tribunaux australiens.  L'étude avait pour but d'identifier la catégorie d'individus concernés, les raisons pour lesquelles ces personnes en étaient là ainsi que la proportion des ressources des tribunaux de l'Australie qu'elles consommaient (ALRC, 1995).  L'étude avait pour objectif de trouver des solutions en vue de régler ces affaires de manière plus efficace et de réduire ainsi les frais judiciaires encourus.

Cette étude approfondie du greffe de Parramatta, faubourg de Sydney, a permis de recenser 48 affaires complexes en cours, dont la plupart englobaient une procédure d'un an à trois ans, mais dont un nombre peu élevé excédaient cinq ans.  Les affaires étaient considérées comme complexes si elles mettaient en cause des requêtes répétées, si elles mobilisaient beaucoup de ressources judiciaires et d'aide juridique, ou si au moins une des parties éprouvait de la difficulté à conclure et appliquer des ententes de visite servant l'intérêt supérieur de l'enfant (ALRC, 1995).

L'étude a permis d'établir les quatre indicateurs clés suivants par rapport à la complexité d'une affaire : le litige est continu; les enfants sont âgés de moins de deux ans au moment de la séparation; on prétend que les enfants ne veulent pas de visite; et une interdiction de communiquer fait partie de la requête initiale.  Le conflit était extrême dans environ quatre-vingt pour cent des cas.  Il touchait, dans la majorité des cas, le droit de visite plutôt que le droit de garde, et la plupart des parents non gardiens avaient déjà un droit de visite.  Les affaires complexes concernent surtout les parents qui se sont vu accorder un droit de visite, qui tentent de l'utiliser et qui vivent un énorme conflit à cet égard.

Les affaires relatives au contact passaient en moyenne trois fois plus de temps devant les tribunaux que les autres affaires, elles étaient caractérisées par deux fois plus de requêtes et de demandes reconventionnelles de la part de pères n'ayant pas la garde et de mères l'ayant, elles entraînaient deux fois plus de rencontres avec les greffiers et les greffiers adjoints, et elles nécessitaient quatre fois plus de jours d'audience (ALRC, 1995).  Le quart de ces affaires impliquaient au moins cinq comparutions devant un juge.  Le nombre d'affaires complexes mettant en cause des problèmes de transfert, des relations très conflictuelles, des troubles de la personnalité ou des demandes d'aide juridique de la part de mères est proportionnel au montant de ressources judiciaires mobilisées.  Les affaires complexes ont également entraîné l'utilisation de plus de ressources judiciaires en matière de counselling, particulièrement dans les cas où elles englobaient des audiences provisoires ou le respect rigoureux des modalités de visite.

Plusieurs autres facteurs ont également contribué à distinguer les affaires complexes des autres affaires : les enfants allèguent qu'ils ne veulent plus de visites ou de contacts; le parent gardien prétend que les problèmes de comportement des enfants ont été causés par le contact entre ces derniers et le parent non gardien; les problèmes de transfert et le respect rigoureux des modalités liées au contact entraînent des difficultés; les deux parents vivent chacun une nouvelle relation, ou le père n'en a pas; et l'affaire est déférée par le Magistrates Court (un tribunal quasi judiciaire inférieur).  Deux autres facteurs dont l'importance n'est pas négligeable ont laissé supposer qu'il fallait approfondir la recherche; il s'agit des déclarations mutuelles de violence sexuelle à l'égard des enfants ou d'abus d'alcool, ainsi que des recommandations émises par le conseiller du tribunal à l'encontre d'autres séances de counselling.

Selon de nombreux témoignages de conseillers à l'ALRC, la plupart des parents engagés dans une affaire complexe souffrent de troubles de la personnalité, mais en fait seulement trente-cinq pour cent des parents inscrits au greffe de Parramatta pour une affaire complexe souffraient de troubles du genre, en comparaison avec vingt-cinq pour cent des parents dont l'affaire n'était pas complexe.

Violence et mauvais traitements

Les affaires complexes avaient également tendance à englober un plus grand nombre de déclarations de violence (32 cas), quoique c'était également le cas pour de nombreuses autres affaires inscrites au greffe.  Les pères ont invoqué la violence de la mère dans quatre des trente-deux déclarations de violence; les mères ont prétexté la violence du père dans dix-sept de ces déclarations; et il y a eu onze cas de déclaration mutuelle.  Il y avait aussi beaucoup plus de demandes d'ordonnance de non-communication dans le cas des affaires complexes.  La plupart des juges australiens ayant participé à un sondage mené à la fin des années 90 (qui avait pour but d'évaluer les répercussions des réformes du droit australien adoptées en 1995) étaient d'avis que les antécédents en matière de violence étaient très courants.  La très grande majorité des audiences provisoires figurant dans les rôles ont touché la question du contact, et, dans la plupart des cas, le litige a été caractérisé par des déclarations de violence familiale ou par un certain nombre d'autres risques (Rhoades et al., 1999).

 Étant donné qu'un pour cent seulement des parents non gardiens se voient refuser le droit de visite après le divorce au Canada (McCall, 1995) et que la cruauté physique a constitué un motif dans une proportion de quatre à cinq pour cent des divorces en 1995 (ministère de la Justice, 1997), il y a de bonnes raisons de croire que certains parents violents ou qui infligent des sévices obtiennent le droit de visite après le divorce et que la violence se poursuit dans certaines relations parentales après la séparation, comme c'est le cas ailleurs.

Bon nombre de provinces et territoires canadiens considèrent la violence à l'égard des enfants et les mauvais traitements de ces derniers comme des motifs du refus de visite ou de la restriction du droit de visite d'un parent, à cause du lien établi entre la violence parentale et les difficultés des enfants.  Certains parents violents réussissent néanmoins à obtenir le droit de visite dans la plupart des administrations.  En vertu des nouvelles lois de la famille de l'Australie, dont les dispositions sont semblables à celles en vigueur au Canada, presque tous les parents qui présentent une demande de « résidence » ou de « contact » devant les tribunaux (concepts similaires aux droits de garde et de visite) se voient accorder un droit de visite provisoire au moment de la séparation; la plupart du temps, l'enfant passe une semaine chez son père et une semaine chez sa mère.  Cependant, vingt-trois pour cent de ces parents se voient refuser le droit de visite à l'audience judiciaire finale (Rhoades et al., 1999).

La violence conjugale et la violence à l'égard des enfants vont souvent de pair.  La recherche démontre qu'au moins vingt-cinq pour cent (soixante-quinze pour cent selon d'autres études) des hommes qui font subir des sévices physiques à leur conjointe pendant le mariage le font également avec leurs enfants (voir Bala et al., 1998).  La violence conjugale au cours du mariage peut prendre fin à la séparation, débuter à ce moment ou s'accroître (Bala et al., 1998).  Environ cinquante pour cent de toutes les femmes assassinées aux États-Unis sont tuées par leur partenaire intime au moment où elles tentent de mettre fin à leur relation ou peu de temps après leur séparation (Strategic Partners, 1998).  Les femmes battues peuvent être très vulnérables au moment de la séparation.

Cependant, de nombreuses administrations ne considèrent pas la violence conjugale en soi comme un motif du refus de visite ou même de la restriction du droit de visite d'un parent.  La recherche ne démontre pas que le fait de dissocier la violence conjugale et la violence à l'égard des enfants sert l'intérêt supérieur de ces derniers.  Les enfants qui sont témoins de violence entre leurs parents sont exposés à des difficultés d'adaptation très importantes (Bala et al., 1998) et ils en sont souvent terrifiés.  Dans certains cas, le fait pour les enfants d'être témoins d'un seul et unique incident grave peut causer chez eux des troubles de stress post-traumatique (Bala et al., 1998).

En fait, il semble que de plus en plus de juges canadiens retirent ou restreignent maintenant le droit de visite aux conjoints violents (Bala et al., 1998).  En Australie et dans certaines administrations canadiennes, la violence est expressément prise en compte lorsque l'on détermine l'intérêt supérieur des enfants.  Les tribunaux tentent de plus en plus d'équilibrer l'intérêt apparent que présente le maintien d'un lien avec la nécessité de prévenir les actes de violence à l'égard d'un enfant ou d'un conjoint, en octroyant un droit de visite supervisée.  Parmi les cas maintenant assujettis à la supervision, citons l'exemple d'un père australien qui a été emprisonné pour avoir poignardé la mère au visage et au cou à six reprises au cours d'une visite (Rhoades et al., 1999).

Il subsiste encore un débat considérable quant à savoir si on sert l'intérêt supérieur d'un enfant en lui permettant d'avoir un contact continu avec un parent prédisposé à la violence ou aux mauvais traitements (Strategic Partners, 1998).  Il existe relativement peu d'études sur les conséquences de la violence familiale sur les enfants après la séparation de leurs parents, particulièrement des études longitudinales.

La pratique actuelle du droit fait toutefois en sorte que la violence, les mauvais traitements ou les deux ne constituent un problème grave que dans une petite proportion des relations parentales après la séparation.  La plupart des parents gardiens dont le conjoint était assujetti à un droit de visite supervisée dans le cadre d'un projet pilote réalisé en Australie ont soutenu qu'ils ne se sentaient pas en sécurité dans le contexte des visites non supervisées, et les évaluateurs ont détecté quelques cas présumés et réels de violence sexuelle à l'égard des enfants de la part des parents non gardiens.

Bon nombre des hommes à qui l'on impose un droit de visite supervisée ont tendance à minimiser ou à nier le risque de violence et de mauvais traitement (Strategic Partners, 1998).  Il est vrai que n'importe quel parent peut monter de toutes pièces des accusations, mais aucune preuve ne corrobore l'allégation selon laquelle la plupart des accusations seraient sans fondement.  Des enquêteurs se sont penchés sur environ cinquante affaires présumées de violence sexuelle à l'égard des enfants qui ont été portées devant le tribunal de la famille de l'Australie.  Ils ont constaté qu'il y avait eu violence confirmée dans 21 de ces affaires, que la preuve n'avait pas été concluante dans huit d'entre elles, qu'il n'avait semblé n'y avoir aucune violence dans cinq affaires, et qu'aucune enquête n'avait été menée dans le cas des dix-sept autres (ALRC, 1995).  Selon une étude américaine sur des allégations semblables, treize pour cent des plaignants avaient amplifié le problème de violence comme stratagème dans les litiges portant sur le droit de garde (Johnston et Campbell, 1993).

Dans les relations post-maritales, il semble y avoir des recoupements considérables entre les couples au sein desquels sévissent les mauvais traitements et la violence, les affaires complexes qui reviennent sans cesse devant les tribunaux et portent sur les visites, et les couples qui vivent une relation très conflictuelle et sont engagés dans des litiges chroniques en rapport avec les visites.  Ces litiges touchent, entre autres, le refus de visite, la violation du droit de visite ainsi que les autres différends liés aux modalités des visites.

1.5 CONCLUSION

Le refus de visite et l'omission d'exercer le droit de visite constituent des problèmes importants dans les arrangements post-maritaux concernant l'éducation des enfants au Canada et ailleurs.  Ces deux problèmes revêtent une importance particulière pour les décisionnaires, dont l'objectif fondamental en matière d'orientations est de promouvoir un engagement actif et continu des parents dans la vie de leurs enfants, sauf si cet engagement ne sert pas l'intérêt supérieur de ceux-ci.  Dans le contexte de cet objectif, l'omission d'exercer le droit de visite s'avère au moins aussi importante que le refus de visite injustifié, et l'incidence de ce problème puisse en faire la préoccupation la plus urgente (quoiqu'il est manifestement plus ardu d'évaluer l'incidence véritable du refus de visite injustifié).

Il est cependant tout aussi clair que le refus de visite injustifié et l'omission d'exercer le droit de visite font partie d'un ensemble plus complexe de problèmes entre les parents après la séparation; les différends portant sur les visites peuvent ne constituer qu'un volet et le refus de visite peut n'être qu'un seul aspect de ce volet.  Ces problèmes complexes doivent être traités comme un tout conformément à une politique axée sur l'intérêt supérieur de l'enfant, car le message le plus important qui se dégage des recherches est que cet intérêt est servi si les parents sont en mesure de conclure des arrangements parentaux constructifs et axés sur la collaboration après leur séparation.  Quand les parents ne réussissent pas à s'entendre sur de tels arrangements, on ne sert pas l'intérêt supérieur de l'enfant.

Les recherches menées en Australie démontrent que, dans ce pays et peut-être ailleurs, les litiges touchant les visites qui sont entendus par les tribunaux sont la plupart du temps des affaires complexes qui impliquent une relation très conflictuelle continue entre les parents et, très souvent, de la violence, des mauvais traitements ou les deux.  Ces cas très difficiles risquent d'être le lot le plus courant des tribunaux, car le système actuel de mise en application du droit de visite dissuade tous les parents, à l'exception de ceux engagés dans les conflits les plus graves, de déposer une plainte; les parents raisonnables qui ont un grief légitime ne disposent ainsi d'aucun mécanisme pour régler leur différend.  Néanmoins, rien ne prouve que le système judiciaire est responsable de l'apparition d'affaires difficiles ou complexes, c'est-à-dire qu'il transforme les conflits solubles en des problèmes difficiles et épineux, quoiqu'il n'aide certainement pas à cet égard.  Comme l'indique le FLC australien, les affaires qui monopolisent les tribunaux représentent « une série dynamique et continue de litiges qui peuvent souvent nécessiter une participation ou une supervision continues sur le plan individuel »[9] (FLC, 1998b).

La révision isolée des dispositions relatives à la mise en application du droit de visite ne contribue donc pas à traiter ces affaires difficiles d'une façon susceptible de servir l'intérêt supérieur de l'enfant, puisqu'elle ne permet pas de prendre des mesures à l'égard des conflits sous-jacents en raison desquels ces affaires sont portées devant les tribunaux.  Il n'y a pas non plus de preuve qu'on servirait davantage l'intérêt de l'enfant en facilitant l'accès d'un parent qui a un grief légitime à des recours juridiques plutôt qu'en favorisant une approche axée sur la collaboration entre les parents.  Toute réforme des dispositions actuelles de la mise en application du droit de visite qui vise d'abord l'intérêt supérieur de l'enfant doit donc s'inscrire dans une stratégie plus vaste conçue pour optimiser l'incidence, après la séparation, de relations positives et axées sur la collaboration entre les parents.