Rapport de recherche sur le droit de la famille au Nunavut

5. CONCLUSIONS

En ces temps de renouveau politique, tous les efforts sont mis en œuvre pour que le droit et les services satisfassent les besoins de la majorité inuite et s’harmonisent avec le concept de l’Inuit Qaujimajatuqangit. On s’est fortement engagé à ce que les Inuits participent largement tant à la réforme législative qu’à la réforme des programmes, et à ce que la participation et l’orientation des collectivités soient liées à des programmes accessibles tant sur le plan culturel que sur le plan linguistique. Tout aussi important est le besoin de considérer les objectifs de la justice familiale dans une optique holistique.

La solidité et le bien-être des familles reflète presque toujours les conditions sociales et personnelles de ceux qui les composent. La répartition de la population en petites collectivités isolées dont les membres entretiennent entre eux des liens étroits est une réalité sociale qui sous-tend aussi bien les mœurs familiales et le mode de vie individuel que les activités du secteur public. Une forte proportion de la population du Nunavut est aux prises avec de graves problèmes sociaux qui recoupent le droit de la famille. Ces problèmes peuvent non seulement contribuer à l’éclatement de la famille mais ils le compliquent : le jeune âge des parents, la violence familiale, le chômage, la pénurie de logements et la pauvreté généralisée ainsi que de graves problèmes de santé, notamment la dépression, le suicide, l’alcoolisme et la toxicomanie. Des modifications au droit de la famille et aux façons de faire ne pourront améliorer la situation que dans le cadre d’un réseau plus large et englobant de ressources communautaires.

Le cadre juridique du droit de la famille a été profondément remanié au cours des cinq à dix dernières années. Depuis la création du Nunavut, les changements au système juridique officiel ont créé une structure judiciaire unifiée et des institutions communautaires renforcées, notamment un élargissement du rôle des juges de paix et des comités de justice communautaire. À ce jour, toutefois, ces développements n’ont pas eu d’incidence significative sur les questions liées au droit de la famille. En même temps, d’importants changements se produisaient dans le droit de la famille. Au niveau du Territoire, la première loi reconnaissant officiellement l’adoption selon les coutumes était adoptée et entrait en vigueur. En 1998, c’était au tour de la loi qui accordait aux conjoints de fait des droits élargis, prévoyait plus de latitude en matière de contrats familiaux et apportait des précisions substantielles sur la garde et le droit de visite, ainsi que sur les facteurs permettant de déterminer « l’intérêt supérieur de l’enfant. » Les lignes directrices fédérales et territoriales sur les pensions alimentaires pour enfants sont aussi entrées en vigueur; elles permettent de calculer plus simplement et de façon plus équitable les montants des pensions alimentaires pour enfants dus dans chaque cas.

Notre recherche montre toutefois que jusqu’à présent, ces changements substantiels n’ont pas nécessairement eu une incidence réelle sur la vie des familles. Dans la plupart des cas, celles-ci n’ont pas recours aux tribunaux quand survient une rupture pas plus qu’elles ne recourent à la loi pour officialiser la création d’une nouvelle famille. Il est également étonnant que la loi ne prévoie aucune disposition sur les liens entre les membres de la famille élargie, dont l’importance est vitale au Nunavut.

5.1  Résultats de la recherche : la famille en mutation

Nos résultats montrent clairement que la famille élargie est, au Nunavut, le centre de la réalité. Dans différents ménages, un large éventail de liens se tissent bien au-delà de la famille nucléaire. Presque la moitié des ménages du Nunavut comptent des membres de la famille élargie comme des grands-parents, des frères et sœurs d’âge adulte et autres. Il est surprenant qu’un phénomène social d’une telle ampleur soit si peu reconnu sur le plan juridique. Une réforme du droit n’est peut-être pas nécessaire pour changer la situation, mais il est certainement possible de trouver le moyen de faire connaître les droits existants — en particulier l’admissibilité des « non-parents » aux demandes de pensions alimentaires ou de droit de garde, le cas échéant — pour reconnaître le travail accompli au sein de ces unités familiales élargies. Comme un grand nombre de personnes participent activement à l’éducation de l’enfant, il est essentiel d’agir prudemment à l’égard de réformes qui pourraient avoir un effet négatif sur l’intérêt réel de ces personnes à maintenir une relation continue avec l’enfant après l’éclatement de la famille.

Si l’on considère le modèle familial intergénérationnel du Nunavut, l’âge extrêmement précoce auquel de nombreux Nunavummiuts deviennent parents pour la première fois ne surprend guère. Cette situation suscite des problèmes à bien des égards car la jeunesse des parents va souvent de pair avec une plus grande pauvreté et l’impossibilité de recourir à la justice. Il est absolument nécessaire d’incorporer un volet éducatif sur le droit de la famille aux programmes scolaires et de s’assurer que toute tentative planifiée de sensibilisation juridique ait lieu tant au niveau des études secondaires que collégiales, afin d’améliorer la possibilité, pour ces jeunes parents, d’accéder au système du droit de la famille.

Un des aspects les plus importants de cette étude a porté sur l’institutionnalisation, au Nunavut, de l’adoption selon les coutumes, vu que ce type d’adoption y est extrêmement répandu sur le Territoire. Un quart environ des Nunavummiuts sont adoptés selon les coutumes autochtones. De plus, notre recherche nous permet de croire que l’adoption selon ces coutumes est bien comprise et largement utilisée dans tout le Territoire. Les décisions semblent appartenir à la famille et se faire dans le cadre de la collectivité, et non dans celui de systèmes extérieurs. Les paramètres des décisions sur l’adoption semblent assez clairs, tout comme les responsabilités des parties au processus. Mais, alors que l’adoption selon les coutumes est un processus beaucoup plus « ouvert » que l’adoption judiciaire, aucune obligation parentale n’est imposée aux parents qui « donnent l’enfant », de sorte que les recoupements possibles avec le reste du droit de la famille sont rares.

Un indicateur du rôle limité que joue le système juridique officiel dans la vie de la famille est le nombre toujours croissant des unions de fait. Celles-ci sont, de loin, beaucoup plus nombreuses au Nunavut que dans le reste du Canada. Au Nunavut, les unions de faits diffèrent sensiblement des mariages à plusieurs égards, sur le plan qualitatif. Elles semblent débuter à un plus jeune âge et ne pas durer aussi longtemps qu’un mariage. Dans l’ensemble, les conjoints de fait ont un revenu sensiblement supérieur à celui des époux et partagent beaucoup plus souvent un ménage existant que les couples mariés. Du point de vue de notre recherche, nous avons éprouvé des difficultés à recueillir certains faits importants sur les unions de fait. Par exemple, les personnes affirmaient rarement avoir connu de précédentes unions de fait, et leur définition de l’union de fait ne correspondait pas toujours aux critères de la loi (par exemple l’exigence de deux années de vie commune).

5.2  Résultats de la recherche : la séparation et le divorce

Les résultats de la recherche indiquent des niveaux légèrement moins élevés de séparation et de divorce au Nunavut que dans le reste du Canada. Nous n’avons recueilli que peu de renseignements sur les antécédents des couples participants à l’enquête et sur les causes de leur séparation. Toutefois, de nombreux répondants ont abordé avec nous d’importantes questions associées aux séparations temporaires et à la décision des partenaires du couple de reprendre la vie commune.

Notre recherche révèle qu’à l’heure actuelle, peu de personnes paient ou reçoivent une pension alimentaire pour conjoint, au Nunavut. Néanmoins, la plupart des gens semblent appuyer fortement le principe de l’aide financière et du partage du patrimoine dans un objectif d’équité et de ressources pour les enfants. Les demandes limitées de pensions alimentaires témoignent d’un manque de connaissances des droit du conjoint à une pension alimentaire ou au partage du patrimoine, ainsi que de l’absence d’accès aux tribunaux. Le petit nombre de demandes de pensions alimentaires pourrait aussi refléter certains facteurs sociaux plus larges, en particulier la rareté des paiements entre conjoints, étant donné l’écart à peu près inexistant entre les revenus, un revenu global faible et la complexité de l’économie des familles élargies.

Un problème beaucoup plus grave concernant la séparation est celui du logement.. La pénurie de logements au Nunavut est en soi un problème important du droit de la famille. La personne qui décide de quitter son conjoint se retrouve littéralement à la rue. Ce problème est encore exacerbé quand la relation est soumise à des luttes de pouvoirs et à un déséquilibre de ces pouvoirs, quand par exemple un seul des conjoints désire mettre un terme à la relation et que le couple a des enfants. Il s’agit là d’un exemple de cas où une intervention précoce au niveau communautaire pourrait s’avérer un moyen utile de gérer l’un des principaux problèmes pratiques que soulève une séparation. Il est possible qu’une ordonnance civile de protection des enfants, y compris certains recours judiciaires, comme une ordonnance écartant du domicile familial la personne ayant perpétré des actes violents, puisse aider à réduire au minimum le déplacement des enfants au moment d’une rupture avec violence.

Le grave problème de la violence dans les relations de couple n’a pas été examiné a fond dans notre étude. Même si l’on manque de services pour répondre aux besoins des victimes de violence, il ne fait pas de doute que, jusqu’à ce jour, il s’agit d’un des principaux secteurs ayant donné lieu à la création de services du droit de la famille. Il faudrait envisager une meilleure intégration des programmes de droit pénal, pour protéger les membres de la famille contre la violence, et des recours civils. Renforcer l’accès au système juridique pour régler certains problèmes pratiques, tels que la responsabilité du soin et du soutien financier des enfants, le partage équitable du patrimoine familial et le soutien financier du conjoint désavantagé par la relation, ne pourrait que profiter aux couples qui vivent une séparation, en plus d’aider les victimes de violence à s’affranchir de leurs agresseurs.

Notre étude montre que les familles du Nunavut comptent davantage d’enfants, en moyenne, que la plupart des familles du reste du Canada. De plus, les enfants y sont élevés dans toute une variété de types de familles. Bien que la proportion des enfants élevés dans des familles biparentales soit dans l’ensemble comparable au reste du Canada, beaucoup plus d’enfants au Nunavut que dans le reste Canada sont élevés par des parents qui vivent en union de fait — presque trois fois plus, proportionnellement à la population. Les chefs de famille monoparentale continuent d’être surtout des femmes, au Nunavut comme ailleurs au Canada, même s’il existe des différences importantes quand on compare les chiffres du Territoire aux moyennes canadiennes. Un grand nombre de chefs de famille monoparentale déclarent n’avoir jamais été mariés ou n’avoir jamais vécu en union de fait. Cela peut expliquer la fréquence, sur le Territoire, des « familles reconstituées » (comparativement à la moyenne canadienne), même si les taux de séparation et de divorce y sont plus faibles que dans le reste du Canada. Soulignons également qu’environ la moitié des familles monoparentales vivent avec d’autres adultes membres de la même famille.

De nombreux parents affirment avoir des enfants qui ne résident pas avec les deux parents. Vu la taille de l’échantillon, nous avons eu des difficultés à tirer des conclusions précises sur les relations entre les enfants et les parents vivant hors du domicile familial. Quand les parents non résidents continuent de voir régulièrement leurs enfants, c’est souvent à l’occasion de visites durant la journée; un moins grand nombre de parents déclarent passer la nuit auprès de leurs enfants ou n’avoir avec eux que des contacts par téléphone. Dans près du cinquième des cas toutefois, les parents qui résident hors du domicile familial affirment ne plus avoir de liens avec leurs enfants. Les avocats et les membres de la communauté s’entendent sur le fait qu’un des motifs importants de cette perte de contact est l’éloignement qui séparent les collectivités du Nunavut, isolées les unes des autres par de grandes distances. Les parents ayant participé à notre enquête n’ont en général pas exprimé de mécontentement prononcé à l’égard des ententes sur les contacts entre les enfants et les parents résidant hors du domicile familial.

Les résultats, bien que provisoires, sur les pensions alimentaires pour enfants sont assez troublants, tant au plan du niveau de l’aide financière que de l’efficacité des services en place. Une minorité de parents ayant la garde des enfants affirment recevoir une pension alimentaire pour enfant et une minorité légèrement plus nombreuse de parents n’ayant pas la garde des enfants affirment en verser une. Le Programme d’exécution des ordonnances alimentaires a pris beaucoup d’expansion au cours des dix dernières années et parvient sans trop de difficultés à percevoir les sommes dues dans le cadre de ses dossiers actifs. En revanche, notre étude révèle certains faits troublants à propos du PEOA. Ainsi, le programme ne s’occupe que d’un faible pourcentage de cas où les parents affirment qu’une pension alimentaire leur est réellement versée Mentionnons que les Nunavummiuts ne comptent à l’heure actuelle qu’une minorité de bénéficiaires. Enfin, la population connaît assez mal le programme.

Un des résultats les plus surprenants de la recherche concerne la fréquence d’utilisation, somme toute faible, du tribunal, mais aussi la rareté des ententes conclues entre parents pour le soutien financier des enfants suite à une séparation. Ce problème ne semble pas découler purement et simplement d’un manque de connaissance de la part des membres de la communauté à l’égard de leurs droits, car de nombreux participants à l’enquête semblaient assez au courant, du moins dans leurs grandes lignes, des principes juridiques régissant les questions clés que sont les pensions alimentaires pour enfants ou le partage du patrimoine familial. Dans l’ensemble, les participants à l’enquête ont indiqué ne recourir que rarement aux services. Cette situation résulte vraisemblablement de la rareté des services disponibles dans chaque collectivité. Confrontées à la nécessité de choisir entre un travailleur social (qui peut également être un agent de libération conditionnelle), un travailleur social préposé à la protection de la jeunesse, la paroisse, un agent de la GRC ou un travailleur social auprès des tribunaux spécialisés en droit pénal, un grand nombre de personnes décident bien souvent de résoudre leurs problèmes sans aide extérieure. En même temps, nous avons été surpris de constater que si peu de participants à l’enquête avaient déclaré avoir eu recours à des réseaux informels, par exemple des amis ou la famille.

5.3  L’application des résultats

Il y a eu relativement peu de recherche sur le droit privé de la famille chez les groupes autochtones au Canada. Le plus gros de la recherche en ce domaine porte plutôt sur l’état critique de la protection de l’enfance dans les différentes provinces ou territoires. D’après les documents que nous avons consultés, il semble que notre recherche soit la première étude du genre et de cette ampleur, auprès d’une population majoritairement autochtone, sur la question de la formation et de la composition de la famille, de la séparation et du divorce, et des services qui s’y rapportent. Au niveau du droit civil, l’information actuelle n’a pas encore été ventilée entre ce qui concerne les populations autochtones dans leur ensemble et ce qui concerne certains groupes particuliers[128].

L’étude permet de croire qu’il existe un écart important entre les normes qui prévalent au sein de la communauté à majorité inuite du Nunavut et celles qu’on retrouve à l’échelle du pays. Les données que nous avons recueillies corroborent dans une certaine mesure les données recueillies pour d’autres groupes autochtones. La rareté du recours au système juridique civil, la fréquence de la famille élargie, les problèmes engendrés par la pénurie de logements et la pauvreté, et le manque de services disponibles représentent autant de difficultés que connaissent toutes les communautés autochtones. Il est possible que certaines des incidences de ces données sur l’élaboration de politiques — dont il a été brièvement question dans cette étude — puissent aussi s’appliquer à d’autres groupes autochtones.

Cela dit, il ne conviendrait pas de présumer qu’il existe trop de similitudes entre les résultats de la présente étude et d’autres résultats s’appliquant à d’autres groupes du Canada. Comme l’ont conclu la plupart des études importantes sur les peuples autochtones au Canada, il ne faut jamais sous-estimer l’importance des différences qui existent au sein même des Premières nations, et entre les Premières nations, les Inuits et les Métis. Et n’oublions pas que le contexte géographique, politique et social du Nunavut est unique. Tous les Autochtones ne vivent pas dans des collectivités relativement homogènes et isolées. La plupart des groupes s’appuient sur des modèles politiques différents et conservent des vestiges d’une organisation du genre de celle qui structure les bandes. Aucun autre peuple autochtone ne dispose de pouvoirs aussi étendus aux termes des lois qui régissent son territoire. Il va sans dire que l’histoire des communautés varie, comme varie l’histoire de la colonisation.

Les résultats de cette enquête tendent à confirmer fortement la nécessité de mener des recherches additionnelles dans un ensemble de collectivités et de régions autochtones à l’échelle du Canada. C’est un fait largement admis que la plupart des peuples autochtones et des individus issus de ces groupes considèrent que leur expérience a déjà fait l’objet de trop d’études qui, trop souvent, n’ont engendré aucun résultat ou alors la prise de mesures qui ne les concernaient pas. Par conséquent, il est important de trouver un équilibre entre la nécessité d’élaborer une base de recherche suffisante pour permettre de répondre aux besoins des peuples autochtones en matière de droit de la famille, et l’obligation de veiller à ce que la recherche s’applique bien aux groupes concernés, ou soit perçue comme telle.

5.4  Les conséquences sur l’élaboration de programmes et de politiques

Nous devons nous rendre à l’évidence : la législation actuelle régissant le droit civil de la famille (la Loi sur le divorce, la Loi sur le droit de l’enfance ou la Loi sur le droit de la famille) n’intéresse pas la majorité des Nunavummiuts, vu le nombre des décisions judiciaires. Au plus, elle permet de sensibiliser les personnes à des normes qui, au moment d’une rupture, pourront se refléter dans des ententes justes et raisonnables pour elles-mêmes, leurs conjoints et leurs enfants.

Il est tout aussi plausible, par ailleurs, que d’autres normes qui ne découlent pas de la loi — des normes culturelles ou autres — aient aussi un rôle à jouer. Une certaine cohérence dans l’établissement des ententes actuelles semblerait indiquer l’existence d’un ensemble structuré de normes; l’absence d’une telle cohérence pourrait être le signe de normes concurrentes ou circonstancielles. Bien que ces normes « informelles » soient quelquefois évidentes — l’adoption, la participation des membres de la famille élargie — notre recherche n’a pas révélé de modèles récurrents en ce qui a trait à l’éclatement de la famille. Sauf pour les pensions alimentaires pour enfants, la présente recherche ne tire aucune conclusion ferme sur la question de savoir si les familles du Nunavut gèrent la rupture de leur ménage conformément à la loi ou aux principes qui la sous-tendent. De plus, une recherche qualitative ciblée serait nécessaire pour mieux comprendre les facteurs qui influencent les décisions relatives au bien-être des enfants et aux obligations des conjoints au moment d’une séparation.

L’une des conclusions importante de ce rapport met l’accent sur la nécessité de travailler à la mise sur pied, au niveau communautaire, d’un système judiciaire indépendant, pour régler les problèmes de droit de la famille. Pour améliorer l’accès au système, il faudra tant améliorer la vulgarisation et l’information juridiques que les services du droit de la famille.

À bien des égards, les données suggèrent fortement que la création de services permanents dans les collectivités constitue l’un des éléments essentiels de la réussite du programme. Les personnes utilisent plus spontanément des programmes qui sont à portée de main et qui permettent l’établissement de contacts personnels. C’est le succès et l’usage largement répandus du processus de l’adoption selon les coutumes dans le Territoire qui nous amènent à cette conclusion, tout comme l’utilisation assez peu fréquente et la méconnaissance des services plus centralisés. Ces services permanents auraient pour avantage non seulement d’informer les collectivités mais aussi de facilier aux Nunavummiuts l’accès aux solutions et à l’aide auxquelles ils ont droit.

Dans la Stratégie en matière de droit de la famille (annexe IV), qui découle aussi de cette recherche, le ministère de la Justice du Nunavut s’est engagé — avec l’appui du gouvernement fédéral — à former des médiateurs au sein même des collectivités. Cette formation mettra fortement l’accent sur le respect du concept de l’Inuit Qaujimajatuqangit et soutiendra le principe d’une collaboration étroite entre des médiateurs formés dans le Sud et des membres respectés de la communauté.

La médiation est une démarche qui offre d’importants avantages dans le contexte du Nunavut. Elle a, entre autres, l’avantage de comporter moins d’aspects formels et accusatoires que le système judiciaire officiel. Elle peut aussi prévenir les conflits d’intérêts auxquels sont confrontés les agents des services sociaux ou les travailleurs sociaux auprès des tribunaux, déjà surchargés de travail, quand ils doivent représenter une personne. Il est certain que dans le contexte du droit de la famille, surtout quand la violence peut constituer un problème important, des mesures de protection devront être mises en place. Par ailleurs, les solutions de médiation communautaire — peu importe dans quelle mesure elles améliorent l’accès à la justice et transforment l’expérience qu’ont les gens de la justice — ne pourront dans certains cas remplacer la représentation par avocat et l’intervention du tribunal.

Le Nunavut a besoin d’un plus grand nombre d’avocats pratiquant le droit de la famille. Il s’agit d’une priorité tant à court terme qu’à long terme. Espérons qu’avec le temps, nous y trouverons des avocats inuits qui contribueront à modifier le visage et le langage de la pratique du droit dans le Territoire, tout en y renforçant sa présence. Il est également probable que lorsque se produira ce changement de personnel — tant au niveau des spécialistes du droit que des para-professionnels et des personnes participant à l’élaboration des politiques — l’orientation du droit de la famille évoluera encore.

À l’avenir, des consultations devraient avoir lieu sur la façon dont — en pratique comme en principe — les nouvelles ressources communautaires en matière de droit de la famille pourront allier les normes imposées par la loi au concept de l’Inuit Qaujimajatuqangit et à d’autres normes informelles. Espérons que cette façon de faire permettra d’élaborer une approche holistique ou pluraliste à la solution des problèmes, de protéger le bien-être des enfants et d’instaurer l’équité dans les questions relevant du droit de la famille.