Rapport sur les consultations fédérales-provinciales-territoriales sur les droits de garde et de visite et les pensions alimentaires pour enfants

RÔLES ET RESPONSABILITÉS DES PARENTS (suite)

Les options relatives à la terminologie législative

Beaucoup d’arguments ont été présentés à l’appui des diverses options, tant dans les ateliers que dans les mémoires. Les avantages et inconvénients de chaque option sont discutés ci-dessous et sont suivis d’autres suggestions relatives au libellé. Les thèmes prédominants en ce qui a trait à la terminologie sont résumés à la section intitulée « Résumé des thèmes prédominants dans les discussions sur la terminologie  ».

Option 1

Conserver la terminologie de la loi actuelle.

Ceux qui sont d’accord pour conserver la terminologie actuelle s’appuient sur des arguments fournis à la section intitulée « L’emploi d’expressions autres que « droit de garde », « droit de visite » et « droit d’accès », et sur les arguments suivants :

Ceux qui s’opposent à ce que l’on conserve la terminologie de la loi actuelle réitèrent eux aussi des arguments relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant et ajoutent les arguments suivants :

Certaines organisations font les remarques suivantes :

Certains groupes de défense des droits des femmes émettent également des réserves sur les options 1 et 2, jugeant qu’elles ne prennent pas assez en considération la violence, les différences entre hommes et femmes et la question du fournisseur principal de soins.

Option 2

Préciser le sens de la terminologie législative actuelle : Donner une définition large du droit de garde.

Les participants qui sont d’accord pour préciser le sens de la terminologie législative actuelle et élargir la définition de l’expression « droit de garde » estiment que c’est là une occasion d’élaborer une définition acceptable pour toutes les parties intéressées. Ils pensent également qu’une définition élargie donnerait une plus grande souplesse pour régler la situation particulière de chaque famille. Ils soulignent que la nouvelle définition du droit de garde doit inclure le rôle et les responsabilités des parents et certains d’entre eux estiment que les parents devraient donc avoir la possibilité de soumettre une liste indiquant le rôle et les responsabilités qu’ils seraient disposés à assumer.

Au cours de la discussion, ceux qui favorisent l’option 2 ont présenté un bon nombre des arguments soumis à l’appui de l’option 1 (conserver la terminologie actuelle).

Les participants qui s’opposent à l’élargissement de la définition du droit de garde estiment que cette option ne tient compte ni de leurs préoccupations relatives aux connotations négatives du terme (propriété, victoire, défaite, etc.) ni de la nécessité de changer d’attitude envers les responsabilités parentales après le divorce et de mettre l’accent sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Selon ces participants, une définition élargie serait plus ambiguë que la terminologie actuelle et perpétuerait un rapport d’opposition entre les parents.

Les participants ont également repris de nombreux arguments invoqués contre l’option 1 pour rejeter l’option 2.

Option 3

Préciser le sens de la terminologie législative actuelle : Donner une définition étroite de l’expression « droit de garde » et introduire une expression et un concept nouveaux, soit la « responsabilité parentale ».

Les participants en faveur de cette option trouvent beaucoup d’avantages à employer l’expression « responsabilité parentale » :

Ceux qui sont en faveur de l’option 3 estiment que l’expression « responsabilité parentale » incite les parents à définir eux-mêmes le partage des responsabilités par le biais de la médiation, d’un plan d’aménagement des responsabilités parentales et d’une communication constante. Ils soulignent cependant que l’emploi de l’expression « responsabilité parentale » n’exige pas de communication constante entre parents lorsque celle-ci est infructueuse et n’exclut pas, au besoin, un recours aux tribunaux pour répartir ces responsabilités. Les participants estiment en outre que le fait que cette expression soit axée sur les responsabilités des parents plutôt que sur leurs droits ne force pas les enfants à choisir un parent plutôt que l’autre comme fournisseur principal des soins, réduit le risque d’aliénation parentale et favorise l’intérêt supérieur des enfant. Ils croient, en outre, que cette option permet, mieux que les autres options, d’adapter la solution au cas par cas, qu’elle laisse aux tribunaux la voie libre pour définir les modalités particulières d’exercice des responsabilités parentales lorsque cela est nécessaire.

Certains participants se sont dits en faveur d’une option qui se situerait entre les options 3 et 4, parce qu’ils sont favorables à une solution qui maintient le pouvoir décisionnel des deux parents, tout en soulignant l’importance de détailler dans l’ordonnance les modalités de l’exercice de ce rôle parental, quelle que soit la décision prise au regard de la présence physique de l’enfant.

Ceux qui sont en faveur de l’option 3 l’appuient parce qu’elle limite le sens de l’expression « droit de garde » à la seule résidence physique de l’enfant, tout en reconnaissant explicitement que les deux parents doivent assumer d’autres rôles et responsabilités à l’égard de l’enfant.

Les opposants à cette option soulèvent plusieurs objections à l’emploi de l’expression « responsabilité parentale » :

Ceux qui s’opposent à l’option 3 notent également qu’en conservant l’expression « droit de garde », l’option perpétue les problèmes relatifs à ce terme, comme on l’a vu à propos de l’option 1.

Certains groupes de défense des droits des femmes estiment que la formulation des options 3 et 4 est trop vague et risque d’entraîner une hausse du nombre de litiges, d’intensifier les conflits entre parents, voire de susciter la violence. En outre, selon eux, l’option 3 permettrait à un parent violent de tenter d’obtenir un contrôle accru sur l’enfant et limiterait le pouvoir décisionnel du parent avec lequel l’enfant vit principalement.

Option 4

Remplacer la terminologie législative actuelle : Introduire la nouvelle expression et le nouveau concept de « responsabilité parentale ».

Les personnes qui sont en faveur du remplacement de la terminologie actuelle par l’expression « responsabilité parentale » reprennent les aspects positifs de cette expression qui ont été énoncés concernant l’option 3. De plus, certains estiment que l’option 4 est préférable à l’option 3 parce qu’elle élimine la mention du droit de garde et l’importance accordée à celui-ci. D’autres, qui préfèrent également cette option, insistent plutôt sur l’importance de prévoir dans tous les cas les modalités précises d’exercice de la responsabilité parentale, voyant dans cette mesure un encouragement pour les parties à réfléchir aux implications concrètes de la réorganisation parentale. Elle permettrait d’ailleurs, mieux que les autres, de tenir compte du fait que dans la plupart des cas le partage des responsabilités parentales ne se fait pas de façon strictement égale.

Un autre argument en faveur de l’option 4 est que le Code civil du Québec emploie avec succès une expression semblable à celle de « responsabilité parentale ». En réponse aux inquiétudes soulevées par l’emploi du terme « garde » dans les accords internationaux, on propose d’inclure dans la loi une disposition obligeant les parents à déclarer lequel des deux a la garde des enfants pour l’application de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Ceux qui s’opposent à l’option 4 réitèrent les préoccupations décrites dans l’analyse de l’option 3 à l’égard de l’expression « responsabilité parentale ».

Certains expriment aussi d’autres préoccupations :

Certains participants sont d’avis que la loi devrait énumérer les responsabilités individuelles qui constituent la « responsabilité parentale » afin de permettre de les répartir clairement entre les parents. Ces responsabilités comprendraient, entre autres, le logement, une alimentation adéquate, la scolarisation, les travaux scolaires, les soins médicaux, les sports, les activités religieuses, les activités parascolaires, le soutien affectif, la sécurité financière, l’argent de poche (allocation). D’autres considèrent qu’il est impossible de rassembler toutes les responsabilités des parents dans une seule liste, qui s’étendrait sûrement sur plusieurs pages, et préfèrent donc donner une définition générale de la responsabilité parentale et laisser aux parents ou au juge le soin de préciser les modalités d’exercice des responsabilités qu’ils estiment les mieux adaptées à la situation. D’autres encore affirment que la liste des responsabilités devrait dépendre de l’intensité du conflit entre les parents, un conflit plus intense menant à une liste plus précise des responsabilités.

Option 5

Remplacer la terminologie législative actuelle : Adopter une approche de « partage des responsabilités parentales ».

Ceux qui sont d’accord pour remplacer la terminologie actuelle par l’expression « partage des responsabilités parentales » (ce partage incluant notamment la « résidence habituelle de l’enfant »), sont d’avis que celle-ci signifie qu’on s’attend à ce que les deux parents continuent d’assumer les responsabilités parentales et, par conséquent, qu’elle élimine le scénario « gagnant-perdant » inhérent à certaines autres options.

Certains estiment que l’expression « partage des responsabilités parentales » présume une responsabilité parentale égale; selon eux, les parents ont alors prise sur le processus et peuvent établir un cadre non conflictuel pour l’exercice de leurs responsabilités parentales et planifier l’avenir.

D’autres participants ne croient pas que le partage des responsabilités parentales suppose nécessairement une division égale de ces responsabilités, ce qui constitue un élément positif, car une certaine latitude est alors permise pour traiter les circonstances exceptionnelles, en présumant toutefois que, dans la plupart des cas, aucun des parents n’exercera un contrôle total sur l’enfant.

D’autres, qui ne croient pas non plus que le partage des responsabilités parentales suppose nécessairement une division égale de ces responsabilités, considèrent cela comme un désavantage et souhaitent inclure le mot « égal » à la formulation « par exemple, partage égal des responsabilités parentales  » ou « partage des responsabilités parentales à part égale  » pour mettre l’accent sur le fait que les responsabilités parentales, la prise de décisions et la résidence doivent être partagées également.

Plusieurs arguments ont été avancés en faveur du partage égal, dont les suivants :

Ceux qui sont en faveur de l’option 5 présentent également les arguments suivants :

Certains font remarquer que l’adoption de l’option 5 pourrait avoir des répercussions sur la détermination des versements de pension alimentaire pour enfants. Ces participants estiment que, si le partage des responsabilités parentales devient la norme établie, la règle du 40 p. 100 qui sert à déterminer la pension alimentaire pour enfants n’aura plus de raison d’être. Ils recommandent l’adoption d’une approche plus globale de la pension alimentaire pour enfants fondée sur l’évaluation des besoins pécuniaires des deux parents et de l’enfant.

Ceux qui s’opposent au remplacement de la terminologie actuelle par l’expression « partage des responsabilités parentales » apportent les arguments suivants :

Certains participants estiment aussi que comme cette option laisse présumer un partage égal des responsabilités parentales, donc du temps passé avec l’enfant, elle risque de nuire aux ententes concernant la pension alimentaire pour enfants (actuellement fondées sur le temps que l’enfant passe avec l’un ou l’autre des parents).

Quelques groupes de défense des droits des femmes s’inquiètent particulièrement des effets de l’option 5 sur les cas de violence familiale :

Formulations possibles

Les participants proposent plusieurs formulations qu’ils jugent meilleures que les choix offerts dans le document de consultation :

Des participants du Manitoba signalent que la terminologie utilisée dans cette province est « soin et contrôle », qui englobe la responsabilité tant physique qu’affective envers l’enfant. La responsabilité physique peut faire l’objet d’un partage, mais la responsabilité affective est toujours assumée à part égale. Selon certains, on devrait envisager d’utiliser cette terminologie dans la Loi sur le divorce. D’autres estiment cependant que cela pourrait mener à une rivalité entre les deux parents, les deux souhaitant obtenir davantage de contrôle.

D’autres participants préconisent une tout autre option : l’approche consensuelle du processus décisionnel concernant les droits de garde et de visite. Cette option reflète leur conviction selon laquelle le système judiciaire actuel n’est pas un véhicule approprié pour résoudre les mésententes familiales et qu’il faut concevoir une approche plus douce pour résoudre les problèmes de droits de garde et de visite. L’approche consensuelle comprendrait :

Résumé des thèmes prédominants dans les discussions sur la terminologie

Au cours des consultations, trois thèmes différents ont dominé la discussion sur la terminologie législative employée pour décrire le rôle et les responsabilités des parents.

Le premier thème est généralement abordé par les groupes de défense des droits des femmes qui expriment deux grandes préoccupations : la sécurité des femmes et des enfants dans les situations de violence familiale et la reconnaissance du rôle prépondérant de la femme en tant que principale fournisseuse de soins dans notre société. La question de la violence amène ces groupes à appuyer les choix terminologiques qui permettent la garde exclusive (en d’autres mots, qui ne supposent pas un partage égal des responsabilités), ce qui s’impose à leur avis dans les cas de violence familiale afin de protéger le parent et l’enfant contre le parent violent. La préoccupation de ces groupes à l’égard de la reconnaissance du rôle de la femme en tant que principale fournisseuse de soins les pousse à appuyer les options qui accordent le pouvoir décisionnel au principal fournisseur de soins, jugeant que le contrôle sur le pouvoir décisionnel doit être lié à l’effort parental fourni (c’est à dire le degré de responsabilité que le parent est disposé à assumer ou qu’il est obligé d’assumer).

Le second thème est généralement mis de l’avant par des groupes de défense des droits des hommes qui souhaitent surtout qu’on reconnaisse que les hommes sont des parents aussi compétents que les femmes. Cette préoccupation les amène à appuyer les options qui présument un partage égal des responsabilités parentales. Certains avancent même que dans certains cas, les options présentées dans le document de consultation ne rendent pas assez explicite le partage égal des responsabilités parentales. En réponse aux préoccupations à l’égard de la violence, ces groupes avancent que beaucoup d’allégations de violence sont sans fondement et que, par conséquent, cet aspect ne devrait pas être déterminant dans le choix de la nouvelle terminologie.

Le troisième thème est proposé par certains avocats ou professionnels impliqués dans les matières familiales et certains parents, dont la principale préoccupation concerne le fait que la terminologie actuelle favorise le conflit et la rupture des ententes sur le droit de visite, un problème qui, à leur avis, a de lourdes conséquences sur le bien-être de l’enfant. Ils pensent généralement que le changement de la terminologie peut entraîner un changement dans les mentalités et dans les façons de faire. Cela les amène à appuyer les options où l’expression « responsabilité parentale » remplace « droit de garde », « droit de visite » et « droit d’accès », les jugeant plus avantageuses pour l’enfant. Par contre, certains avocats se soucient principalement de préserver la clarté de la terminologie actuelle et l’intégrité de la jurisprudence. Ceux-là s’opposent donc à l’abandon de la terminologie actuelle.

Tableau 2 : Facteurs permettent aux parents de bien jouer leur rôle de parent après la séparation ou le divorce

Facteurs

Relations entre parents

  • Communication
  • Collaboration
  • Maturité
  • Souplesse
  • Volonté de maintenir l'harmonie
  • Conclusion d'une entente sur leurs rôles et la répartition de leurs responsabilités
  • Respect des ententes
  • Distinction entre les problèmes personnels et ceux qui touchent au bien-être de l'enfant
  • Attitude d'écoute envers l'enfant
  • Occasions données à l'enfant de parler à des spécialistes
  • Promotion de relations profondes entre l'enfant, sa famille élargie et ses amis
  • Être un bon modèle pour l'enfant en assumant ses responsabilités et en corrigeant ses erreurs
  • Analyse comparative entre les sexes des questions parentales
  • Reconnaissance des différences culturelles dans les pratiques liées à l'éducation de l'enfant
  • Validation de la compétence parentale des hommes ainsi que celles des femmes atteintes d'une déficience
  • Validation des capacités parentales des personnes homosexuelles
  • Reconnaissance du fait qu'on ne peut remplacer la mère par la famille élargie ou la nouvelle partenaire du père
  • Promotion de l'accès de l'enfant aux deux parents

Soutien législatif

  • Reconnaissance du fait que les deux parents ont des capacités égales
  • Reconnaissance du fait que l'enfant a besoin de ses deux parents
  • Prise en compte des désavantages sociaux et économiques des femmes
  • Reconnaissance du fait que l'image du père en tant que parent nourricier idéal est souvent inappropriée
  • Souplesse permettant de répondre aux situations de violence ou de manque d'intérêt de la part d'un parent
  • Inclusion de la nécessité d'établir un plan d'aménagement des responsabilités parentales
  • Terminologie clairement définie
  • Urgence de régler certaines questions financières

Services de soutien

  • Information et formation des parents
  • Formation à l'intention des avocats, des juges et des agents de police
  • Services-conseils
  • Mécanismes de règlement amiable des conflits Soutien informel des amis, des membres de la famille, du nouveau partenaire, etc.