La Cour de justice du Nunavut - Évaluation formative

6. La gestion et le fonctionnement du greffe de la cour


6. La gestion et le fonctionnement du greffe de la cour

6.1.  Introduction

Cette partie du rapport traite de l'efficacité du fonctionnement du greffe de la CJN, en tant que question distincte de celles qui portent plus largement sur l'administration de la justice et qui sont étudiées dans la partie 5. La constitution de la nouvelle Cour en 1999 a créé de nouveaux défis concernant la mise en place des activités de la Cour. Deux facteurs en particulier comportaient dès l'origine des difficultés. En premier lieu, les locaux d'Iqaluit dans lesquels la Cour était demeurée après la division étaient inadéquats. Au cours de sa première année d'activité, la CJN a partagé un édifice relativement petit et mal équipé avec le nouveau ministère de la Justice, le bureau des substituts du Procureur général, et Maliganik Tukisiniakvik, le bureau d'aide juridique situé à Iqaluit. Tandis que Justice Nunavut et le bureau des substituts du Procureur général ont déménagé dans d'autres locaux, Maliganik Tukisiniakvik et la CJN ont continué à partager l'édifice d'origine. Ce n'est qu'en mars 2006 que la CJN a emménagé dans un nouvel édifice qui lui est réservé.

L'autre difficulté à laquelle la CJN a été confrontée dès le départ a été l'engagement du Nunavut et de la CJN à combler autant de postes que possible avec des employés inuits. Les répondants clés et les personnes interrogées au sein des collectivités considèrent de façon unanime cette démarche de recrutement comme étant positive et responsable. Cependant, cela a exigé un effort soutenu de la direction pour la formation et le mentorat des nouveaux membres du personnel qui n'avaient aucune expérience antérieure auprès d'un tribunal, voire dans la plupart des cas, aucune expérience antérieure quelle qu'elle soit. Les répondants reconnaissent que la persévérance de la direction et des employés inuits ont débouché sur la constitution d'un personnel efficace qui transmettra, à son tour, ses compétences à d'autres.

Alors que certaines difficultés demeurent, des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la continuité du personnel, le degré de formation et l'informatisation des dossiers (cette dernière est un processus permanent). Le personnel d'encadrement est actif dans la formation, le mentorat, la gestion et la surveillance du personnel non-cadre. On prévoit que le récent emménagement dans les locaux du nouveau palais de justice améliorera les conditions de travail du personnel de la Cour et permettra de continuer à accroître l'efficacité du greffe.

6.2.  L'adéquation des processus pour la planification, la mise en œuvre et la coordination des activités

6.2.1. La structure opérationnelle

La CJN fonctionne avec deux structures administratives complémentaires. La première d'entre elles est la Division des services judiciaires, placée sous l'autorité du ministre adjoint de la Justice du Nunavut. La seconde est l'administration de la Cour de justice du Nunavut, qui relève en dernier ressort du doyen des juges.

La direction de la Division des services judiciaires (qui relève du ministère de la Justice) comprend le directeur des Services judiciaires, secondé par le responsable de la planification et du soutien des activités et le responsable des activités du tribunal. Le responsable de la planification et du soutien des activités est chargé des finances et de la planification, et il est responsable du bureau du shérif. Le responsable des activités du tribunal est chargé de l'administration de la Cour en ce qui concerne les affaires civiles et criminelles. L'un et l'autre ont la responsabilité d'assurer le bon fonctionnement de la CJN, ainsi que la formation du personnel et le mentorat.

L'administration de la Cour comprend un administrateur chargé des services judiciaires et les secrétaires des juges. Cette structure inclut l'administrateur du programme des juges de paix, puisque tous les juges de paix sont responsables devant le doyen des juges.

6.2.2. La charge de travail des juges

Lorsque la CJN a été créée en 1999, on ne disposait pas de statistiques fiables sur la charge de travail afin d'éclairer la prise de décisions quant au nombre de juges nécessaires. Ces décisions posaient particulièrement problème en raison du fait que la Cour à palier unique représentait une entité d'un nouveau type qui n'avait jamais existé au Canada auparavant. En conséquence, il existe aujourd'hui un consensus marqué parmi les répondants clés, et notamment, entre autres, l'ensemble des avocats, des juges de paix et des juges, ainsi qu'au sein des personnes interrogées dans les collectivités, selon lequel il faudrait au moins un juge résident supplémentaire, en plus des trois juges actuels. De nombreux répondants clés ont déclaré qu'il manquait deux ou trois juges supplémentaires.

Les obligations des juges en termes de déplacements, leur charge administrative, y compris la préparation des juges suppléants, la taille croissante du barreau, et la nature complexe des affaires soumises aux juges sont autant de motifs qui ont été invoqués pour expliquer la raison pour laquelle la magistrature actuelle est sollicitée au-delà de ses capacités raisonnables. Un certain nombre de répondants clés ont fait remarquer qu'il serait très utile d'avoir un juge dont l'expérience est axée principalement sur le droit de la famille. La plupart des répondants ont soutenu sans équivoque que les collectivités du Nunavut étaient mieux servies par des juges résidents bénéficiant d'une connaissance approfondie de la culture inuite et des règles applicables au sein de la collectivité que par des juges suppléants, aussi compétents soient-ils.

6.2.3. Affaires en matière pénale

Le tableau 7 fait état du nombre d'affaires criminelles soumises à la Cour entre janvier 2002 et la fin de l'année 2005 (nombre estimé entre septembre et décembre 2005). Le nombre total de dossiers impliquant des comparutions sur acte d'accusation a augmenté de manière significative au cours de cette période, soit de 81 pour cent, portant ce nombre de 18 257 à 33 111. Les mêmes données sont exprimées sous forme de graphique par le schéma 3.

Tableau 7 : Nombre d'affaires criminelles, du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005[36]
Activity 2002 2003 2004 2005
(au 30 sept)
2005
(estimation)[37]
Nouvelles dénonciations sous serment[38] 2 822 3 007 3 220 2 143 3 095
Comparutions/audiences prévues 670 692 702 542 783
Nombre total d'accusations traitées en cour 6 387 6 973 7 729 7 268 10 498
Nombre total de comparutions sur acte d'accusation[39] 18 257 21 034 27 424 22 923 33 111

Aperçu comparatif de l'appareil judiciaire des Territoires du Nord-Ouest et de celui du Nunavut.

[ Description ]

Il faut observer qu'alors que le nombre de dénonciations faites sous serment a quelque peu augmenté (de 2 822 à 3 095) au cours de la période de trois ans indiqué au tableau 7 et au schéma 3, le nombre total d'accusations traitées en cour s'est accru à un rythme supérieur (de 6 387 à 10 498). Cela laisse penser que les accusations multiples résultent de plus en plus de dénonciations uniques. En outre, l'augmentation la plus importante concerne le nombre total de comparutions sur acte d'accusation (de 18 257 à 33 111). Ce bond disproportionné en apparence résulte probablement des multiples ajournements d'audience avant que les affaires ne soient tranchées, expliquant ainsi le nombre élevé de comparutions devant la Cour, qui en grande partie correspondent à un simple ajournement. Il reste que, dans les faits, la Cour doit traiter un nombre toujours plus important d'affaires et de comparutions.

Le tableau 8 montre le nombre total de mises en accusation (nouvelles, traitées et en cours de traitement) pour la période allant du 1er janvier 2003 au 30 septembre 2005.[40]

Tableau 8 : Mises en accusation, du 1er janvier 2003 au 30 septembre 2005
Nombre total de dénonciations sous serment Nombre total d'accusations déposées Nombre total d'accusations traitées Nombre total d'accusations en cours de traitement
8 370 15 500 12 518 2 982

Le tableau 8 contient des renseignements relatifs au nombre d'affaires traitées par la CJN et, plus important encore, au nombre de mises en accusation en cours. Les motifs expliquant le nombre de mises en accusation en cours varient d'un ressort à l'autre. Une préoccupation a été exprimée quant au fait que ce nombre soit directement lié aux délais de traitement de la Cour (cette question fait l'objet d'une étude plus haut). Indépendamment des divers facteurs qui ont une incidence sur les délais de traitement, il existe un consensus parmi les répondants clés suivant lequel la pénurie qui est ressentie au niveau du nombre de juges résidents est une question qui influe – de manière directe ou indirecte – sur le processus judiciaire, tout particulièrement au sein des collectivités.

6.2.4. Affaires en matière civile et familiale

Les tableaux 9 et 10[41] montrent le taux d'augmentation des affaires en matière civile et familiale entre les années 2002 et 2005 (les affaires civiles et familiales sont traitées ensemble dans ces tableaux). Le tableau 9 indique le nombre des nouveaux dossiers pour chaque année ainsi que l'évolution en pourcentage par rapport à l'année précédente.

Tableau 9 : Évolution annuelle en matière civile et familiale
  2002 2003 2004 2005 (au 30 sept.) 2005 (estimation)[42]
Nouveaux dossiers 431 664 659 491 709
Évolution en % d'une année sur l'autre   54.1 (0.7) (25.4) (données jusqu'au 30 septembre seulement) 8.0

Le tableau 10 montre le nombre d'audiences devant les chambres civiles dans les trois plus importantes cours de la CJN (Iqaluit, Cambridge Bay et Rankin Inlet) pour la période allant de mai 2002 à septembre et décembre 2005[43].

Tableau 10 : Audiences devant les chambres civiles (pour Iqaluit, Cambridge Bay et Rankin Inlet)
Période Nombre d'affaires entendues Évolution en % d'une année sur l'autre Période Nombre d'affaires entendues Évolution en % d'une année sur l'autre Période Nombre d'affaires entendues Évolution en % d'une année sur l'autre
Mai 2002 26   Sept. 2002 24   Déc. 2002 36  
Mai 2003 41 58 Sept. 2003 37 54 Déc. 2003 35 (2,7)
Mai 2004 43 5 Sept. 2004 65 76 Déc. 2004 60 71
Mai 2005 56 30 Sept. 2005 64 (1,5)      

Comme le montre le tableau ci-dessus et tel que cela est mentionné plus haut dans le rapport, le nombre d'instances civiles et familiales a augmenté de manière significative. À l'instar de ce que l'on observe en matière pénale, ces hausses ont des répercussions sur la charge de travail des juges.

Il est raisonnable de conclure que la charge de travail des juges résidents du Nunavut est significative. Les répondants clés ont affirmé de manière formelle que la charge de travail des juges et la question du nombre de juges requis devraient faire l'objet d'une évaluation à la lumière des réalités du Nunavut et non en se fondant sur les activités comparables des juges du Sud. Les répondants ont avancé plusieurs raisons à cela. D'abord, les déplacements que doivent faire les juges du Nunavut sont extrêmement exigeants. Non seulement doivent-ils parcourir de vastes distances quel que soit le moment de l'année (dans des conditions météorologiques souvent difficiles), mais, en outre, les locaux que les collectivités mettent à la disposition des visiteurs sont peu appropriés. Les juges effectuent un circuit une semaine sur trois. Alors qu'ils bénéficient de jours de congé ordinaires, les juges du Nunavut ne bénéficient pas de semaines réservées à la rédaction de jugements, comme c'est le cas dans la plupart des autres ressorts (comme cela est mentionné plus haut). Le tableau 11 fournit des indications sur le nombre croissant de séances de la Cour et sur les exigences imposées aux juges.

Tableau 11: Calendrier judiciaire pour 2004 et 2005[44]
  Semaines de circuit sans jury Semaines judiciaires à Iqaluit Procès avec jury Séances de la Cour non programmées
2004 45 26 16 20
2005 50 26 28 + 20 +

Ensuite, comme les répondants clés l'ont indiqué, la nature des affaires entendues par les juges du Nunavut – une forte proportion d'affaires de violences familiales et d'agressions sexuelles – doit nécessairement les affecter. En outre, les juges sont en permanence conscients des sensibilités culturelles et des autres dynamiques communautaires qui influent sur le fonctionnement de la justice au Nunavut.

Enfin, les juges de la CJN ont une responsabilité en matière de développement, qui n'est pas d'ordinaire associée à la magistrature dans les autres ressorts. Par exemple, le programme de médiation familiale qui est désormais mis en œuvre à Iqaluit et ailleurs a été élaboré par des juges, en collaboration avec les membres des collectivités, et il bénéficie en permanence des conseils des juges. De même, la mise en place et le maintien des groupes consultatifs d'aînés et de jeunes relèvent de la responsabilité des magistrats. Les juges du Nunavut prennent part à des activités éducatives au sein des collectivités, telles que le programme de vulgarisation juridique destiné aux étudiants de l'enseignement secondaire. Ils entretiennent également des contacts réguliers avec les juges de paix qui leur soumettent par téléphone depuis leurs collectivités des questions portant sur le processus judiciaire.

En résumé, il est clair que la charge de travail des juges est importante et que les pressions qui l'accompagnent sont fortes. Ce fait est confirmé par les nombreux renseignements provenant des répondants clés qui travaillent au sein du système judiciaire et des résidents des collectivités et de leur opinion unanime sur la question. Il est par conséquent remarquable que la Cour continue d'améliorer son fonctionnement d'une année sur l'autre et semble répondre de mieux en mieux aux besoins des Nunavummiut. Cependant, à mesure que la population du Nunavut croît (et que le nombre de jeunes gens augmente proportionnellement), des pressions de plus en plus fortes pèseront sur le système judiciaire. En outre, puisque la réussite de la Cour dans des domaines tels que le droit de la famille attire plus de clients vers le système judiciaire, ces pressions augmenteront encore davantage. Il semble faire peu de doute qu'un quatrième juge est désormais nécessaire, et qu'un cinquième juge pourrait être nécessaire à l'avenir.

6.2.5. La charge de travail du personnel

La charge de travail du personnel de la Cour est importante. Par le passé, cela a parfois posé problème du fait qu'elle a pu nuire à l'exhaustivité des renseignements contenus dans les dossiers de la Cour et qui sont nécessaires pour les procès et les audiences civiles. La situation s'est améliorée au point qu'il est devenu rare qu'il y ait des lacunes au niveau des renseignements. Néanmoins, la formation et le mentorat des membres du personnel sur une base continue sont nécessaires pour s'assurer qu'ils peuvent travailler efficacement.

La Cour compte actuellement sept agents et un superviseur. Les responsables de la Division des services judiciaires indique que ce nombre devrait suffire à faire face aux fonctions juridiques (p. ex. : le greffe) dans un avenir proche. De même, ils confirment que le greffe civil dispose à ce jour d'un personnel suffisant. Le greffe civil comprend un greffier aux affaires civiles, trois greffiers adjoints ainsi qu'un greffier adjoint/interprète.

Cependant, le roulement du personnel peut avoir des conséquences, et le moindre départ d'un membre du personnel peut engendrer des problèmes du point de vue des activités quotidiennes de la Cour. L'employé chargé de l'organisation des déplacements de la Cour illustre bien cette situation. À l'heure actuelle, une personne assume à elle seule cette responsabilité, qui représente un travail considérable, en raison de la fréquence des circuits, du nombre des déplacements du personnel de la Cour et des exigences inhérentes aux déplacements dans le Nord. Les répondants clés ont indiqué qu'il est urgent que les services judiciaires recrutent une personne supplémentaire pour la former en matière d'organisation des déplacements. Le recrutement d'un second employé pour s'occuper des déplacements rendrait la charge de travail plus raisonnable et apporterait une certaine continuité en cas d'absence de l'autre personne.

Le bureau du shérif demeure en sous-effectif, bien qu'il soit désormais pourvu d'un shérif et de deux shérifs adjoints. Le nouveau palais de justice nécessite davantage de surveillance de la part des shérifs en ce qui concerne l'accès du public. Les shérifs sont également censés assurer la sécurité dans les salles d'audience, une tâche à laquelle ils ne sont pas suffisamment préparés, que ce soit en termes de temps ou d'expertise[45]. En outre, les fonctions assumées par les shérifs en dehors du palais de justice (p. ex., en matière de saisies de biens) prennent plus de place à mesure que le Nunavut croît. Tandis que la CJN contracte avec des agents locaux des collectivités situées à l'extérieur d'Iqaluit pour qu'ils agissent à titre d'huissiers pour certaines tâches, il semble que cette solution n'ait pas bien fonctionné à ce jour. La principale difficulté provient du manque d'expérience des éventuels agents. Une formation sera indispensable pour assurer l'efficacité du processus. Dans le même temps, le shérif ou ses adjoints (qui sont également de nouvelles recrues ayant besoin de formation) doivent se déplacer d'Iqaluit vers les collectivités pour leurs fonctions d'huissiers et pour leurs autres fonctions, telles que les saisies de biens. Dans le cadre des procès avec jury, le shérif ou l'un de ses adjoints doit d'autre part accompagner le personnel judiciaire dans les collectivités pour assurer leur sécurité et un soutien logistique. Ces déplacements représentent pour la Cour un investissement important en termes de temps et d'argent.

6.3.  La mise en œuvre par la CJN d'une stratégie de gestion de l'information

6.3.1. Les besoins des praticiens

Du point de vue des avocats, on s'entend pour dire que la capacité de la Cour en matière de gestion de l'information a fortement augmenté depuis 1999. Mais alors que le système est dans l'ensemble perçu comme étant suffisant, celui-ci peut encore être amélioré. Certains points ont été régulièrement soulevés par les répondants clés qui travaillent au sein de l'appareil judiciaire (les résidents des collectivités n'ont pas exprimé d'avis sur la question).

À l'heure actuelle, il semble y avoir un chevauchement entre les systèmes de gestion de l'information de la Cour, de la GRC, du ministère public et des services d'aide juridique. Les praticiens souhaitent que l'on mette en place des systèmes comprenant des numéros de référence communs afin d'améliorer le suivi des dossiers, et de permettre en fin de compte un partage de données plus efficace entre ces organismes, lorsque les circonstances le permettent.

Les avocats souhaitent également que la Cour mette en œuvre des ressources de production de documents électroniques permettant de consulter des documents en ligne à partir des collectivités lors des séances itinérantes de la Cour et lorsque les avocats comparaissent par téléphone. Parce que le personnel judiciaire ne peut pas avoir accès à ces documents à distance, les avocats ont le lourd fardeau d'avoir à déterminer au cas par cas les échéances en matière de dépôt et souvent d'avoir à faxer de nouveau les documents à la collectivité dans laquelle se trouve la Cour. La situation actuelle engendre pour les avocats une charge de travail considérable à laquelle ils consacrent une partie de leur temps, eu égard notamment à la pénurie générale de personnel de soutien dans le Nord.

Certains juges ont élaboré des formules types destinées à être utilisées pour les ordonnances de condamnation avec sursis. Les avocats interrogés parmi les répondants clés accueillent favorablement cette initiative. Il a également été question de l'élaboration de formules types pour les ordonnances en matière familiale. Ces mesures qui vont dans le sens d'une plus grande uniformisation pourraient permettre d'accélérer la rédaction d'ordonnances et de réduire les erreurs.

6.3.2. La gestion des dossiers

Les dossiers criminels de la Cour sont conservés sous forme informatique depuis janvier 2001. Il est difficile d'assurer le suivi des dossiers criminels antérieurs à cette date dans la mesure où ils ont été enregistrés selon la date de condamnation. Les dossiers ouverts à compter de janvier 2001 ont été enregistrés dès la date de l'introduction de la demande devant la Cour (à partir des nouvelles dénonciations faites sous serment). Il y a peu de dossiers de nature pénale qui concernent des adolescents, en raison du recours constant à des mesures de substitution pour les jeunes.

Comme nous l'avons souligné plus haut dans ce rapport, la CJN ne dispose pas d'un système de gestion des dossiers judiciaires qui permette de suivre les affaires – par date – dans un seul fichier jusqu'à l'issue de la procédure judiciaire. Par conséquent, la fin d'un dossier devant la CJN intervient lorsque la Cour statue sur l'affaire, et pas nécessairement lorsque les mesures de suivi, telles que les périodes de probation, prennent fin.

Les dossiers civils (y compris les affaires familiales) sont informatisés depuis janvier 2003, tandis que les dossiers antérieurs à cette date sont tenus sous forme traditionnelle. Les dossiers qui portent sur des affaires familiales sont inclus dans le système de gestion des dossiers civils du greffe de la Cour. Les dossiers en matière familiale sont définis selon les lois qui se rapportent aux affaires familiales. Les lois pertinentes sont la Loi sur le divorce, la Loi sur le droit de la famille, la Loi sur le droit de l'enfance, la Loi sur l'exécution des ordonnances alimentaires et la Loi sur les services à l'enfance et à la famille. D'après les données des Services judiciaires, environ 40 pour cent des affaires dont est saisie la Cour en matière de droit de la famille concernent la protection de l'enfance.

Les efforts déployés pour informatiser les dossiers de la CJN en matière de droit pénal, de droit civil et de droit de la famille sont en cours. Un programmeur à plein temps travaille déjà depuis un certain temps auprès des Services judiciaires et leur a permis de réaliser des progrès notoires dans la conception des systèmes et la saisie de données. Les répondants travaillant au sein de la Division des services judiciaires ont témoigné du bon fonctionnement des systèmes. Néanmoins, leur utilisation n'est pas intuitive et nécessite une formation pour permettre aux membres du personnel d'accéder de manière efficace au système. Cela constitue une difficulté au vue de l'imposante charge de travail qui pèse déjà sur le personnel.

Une version papier des dossiers des années antérieures à l'année en cours est archivée sous la supervision de la Division de la gestion des dossiers du ministère des Services communautaires et gouvernementaux du Nunavut. Les locaux d'archivage sont situés en périphérie d'Iqaluit dans un édifice qui ne répond pas aux normes en la matière. Alors que le personnel s'efforce d'assurer un accès sécuritaire aux dossiers dans l'édifice, il est peu probable que les normes fédérales ou provinciales en matière de sécurité soient respectées. De la même manière, la structure semble en elle-même ne pas être en mesure de protéger les dossiers contre les dégâts provoqués par le feu ou l'eau. Tandis que le personnel de gestion des dossiers fait de son mieux avec les ressources disponibles, les répondants ont fait savoir que le manque de fonds a empêché la construction de nouveaux locaux par le gouvernement du Nunavut. La CJN devrait être préoccupée par l'archivage de ses dossiers une fois qu'ils quittent le bâtiment de la Cour.

6.3.3. L'efficacité du greffe de la Cour

D'une manière générale, les avocats et les juges se sont montrés extrêmement satisfaits par la façon dont fonctionnait la Cour. Certains d'entre eux ont loué la grande compétence du personnel, au vu du fait que la Division des services judiciaires est la division du gouvernement du Nunavut qui emploie la plus forte proportion d'Inuits au sein du gouvernement du Nunavut. Ceux qui y travaillaient déjà avant 1999 ont fait observer que les compétences et l'amabilité du personnel avaient fortement augmenté depuis la transition vers un tribunal unifié.

Même si les commentaires ont été dans l'ensemble très favorables, les répondants clés ont toutefois exprimé certaines préoccupations au sujet de l'efficacité de la Cour. L'important roulement du personnel des Services judiciaires, que l'on retrouve de manière générale au sein du gouvernement du Nunavut, signifie que les nouveaux membres du personnel sont constamment en cours de formation et de mentorat. Les répondants conviennent que ce n'est certainement pas de la faute du personnel, mais cela engendre certains soucis au niveau de la charge de travail des Services judiciaires et de l'efficacité globale du greffe. D'autre part, les répondants clés sont d'avis que les membres du personnel doivent s'acquitter d'une charge de travail irréaliste et d'un fardeau logistique très lourd en matière de déplacements.

Les avocats en matière civile ont souligné un certain manque de constance dans le dépôt de documents, qui a des conséquences particulièrement lourdes pour ceux qui pratiquent à une distance telle que le dépôt par télécopie ajoute à la procédure un niveau supplémentaire de complexité. L'obtention de copies d'ordonnances estampillées pose parfois problème; de même, le ministère public rencontre fréquemment des difficultés pour obtenir des copies des ordonnances. Les avocats criminalistes ont souligné la nécessité que les rôles soient prêts plus tôt (tout en prenant acte des améliorations significatives à ce niveau, notamment par l'envoi à l'avance de rôles sous forme électronique). D'autres ont soulevé le fait que les ordonnances écrites ne rendent pas toujours compte avec exactitude des instructions orales des juges et nécessitent une vérification plus importante que d'ordinaire – même si ces répondants sont d'avis que le recours accru aux formulaires types (p. ex., pour les ordonnances de peines avec sursis) a réduit ce problème et que la mise au point d'autres formulaires compris dans la base de données pourrait améliorer la situation. Les erreurs sur les rôles – qui vont de l'erreur typographique à l'inclusion du nom d'une victime mineure – sont une source de préoccupation pour certains avocats. La transmission de documents à Iqaluit depuis les collectivités pourrait nécessiter de meilleurs mécanismes de suivi. Un répondant était d'avis que le processus de formation devrait apporter une compréhension de base du système judiciaire qui soit plus solide. Un autre répondant a fait remarquer qu'il avait parfois l'impression que le personnel ne comprenait pas les conséquences juridiques de certaines décisions procédurales, et que, par conséquent, il ne savait pas si certaines formalités particulières étaient ou non importantes. Certains répondants se sont dits d'avis que le manque de connaissances juridiques d'ordre général du personnel peut rendre les choses plus difficiles pour les parties non représentées.

Ces commentaires mis à part, les répondants clés qui travaillent au sein du système judiciaire apprécient généralement beaucoup le travail de qualité du personnel et de la direction de la Division des services judiciaires. Encore une fois, les praticiens qui travaillent au Nunavut depuis plusieurs années se disent généralement impressionnés par les progrès constants réalisés par le personnel du palais de justice.

6.4.  Résumé : la gestion et le fonctionnement de la Cour

La structure opérationnelle de la CJN comprend la Division des services judiciaires, qui fait partie du ministère de la Justice du Nunavut, et l'administration de la CJN qui relève du doyen des juges. La première est en grande partie responsable du fonctionnement quotidien de la Cour, tandis que la dernière est essentiellement chargée de répondre aux besoins des juges.

Le Nunavut compte trois juges résidents. Les répondants clés et les personnes interrogées au sein des collectivités s'entendent tous pour dire qu'il est essentiel qu'un quatrième juge soit nommé. Un certain nombre de répondants estiment qu'il faudrait en fin de compte deux juges supplémentaires. Plusieurs éléments concourent à cette situation, dont l'importante charge de travail qui est en augmentation constante dans tous les domaines du droit, les exigences de la Cour de circuit, les tensions associées aux déplacements dans les régions du Nord, et les fonctions des juges du Nunavut en matière de développement.

La charge de travail du personnel de la Cour est également importante. Si les Services judiciaires sont actuellement suffisamment pourvus en personnel dans certains domaines, ce n'est pas le cas de tous les services, comme, par exemple, le bureau du shérif. De même, l'employé chargé de l'organisation des déplacements devrait être assisté d'une personne supplémentaire afin d'assurer l'efficacité et la continuité de ces services.

En règle générale, les avocats sont satisfaits du niveau de service assuré par les Services judiciaires, même si certains ont été confrontés à des inexactitudes dans les documents de la Cour et les ordonnances écrites, ainsi qu'à des retards au niveau des rôles des causes. Dans l'ensemble, cependant, les avocats sont contents des services rendus et ceux qui exercent depuis longtemps à Iqaluit sont impressionnés par les améliorations apportées par le personnel et la direction.

Les services d'interprétation constituent un aspect important du processus judiciaire au Nunavut. Alors qu'on considère généralement que l'interprétation en Cour s'est améliorée au point d'être désormais très efficace, certains avocats continuent d'être préoccupés par la qualité de l'interprétation, notamment dans l'Arctique de l'Ouest où le dialecte peut poser problème aux interprètes qui se déplacent avec la Cour. Le cours annuel d'interprétation judiciaire d'une durée de huit semaines qui est actuellement parrainé par la CJN tente de répondre à cette préoccupation. Les membres des collectivités sont généralement satisfaits des services d'interprétation assurés par la Cour.

En ce qui concerne les systèmes de gestion de l'information de la Cour, de nombreuses améliorations ont été apportées depuis 1999. Les praticiens souhaitent l'élaboration d'un système comprenant des numéros de référence communs entre les systèmes de la Cour, de la GRC, du ministère public et de l'aide juridique. De même, les avocats aimeraient disposer de ressources de production de documents électroniques leur permettant de transmettre des documents par voie électronique à la Cour lorsque celle-ci effectue un circuit. Cela pourrait être particulièrement utile lorsque les avocats comparaissent par téléphone. Les juges élaborent des formules types pour divers types d'ordonnances. Par exemple, un juge a recours actuellement à des formulaires types pour ses ordonnances de condamnation avec sursis.

L'informatisation des dossiers de la Cour est continue. À l'heure actuelle, les dossiers de nature pénale sont conservés sous format informatique depuis janvier 2001, et les dossiers de nature civile, y compris en matière familiale, depuis janvier 2003. Les dossiers sur papier antérieurs à l'année en cours sont actuellement conservés dans une installation qui ne répond pas aux normes et dont le caractère sécuritaire est douteux.

Le nouveau palais de justice dont les locaux situés à Iqaluit servent exclusivement à la Cour devrait améliorer les conditions de travail, l'accès du public et la sécurité. Les locaux au sein des collectivités demeurent très médiocres, bien que la plupart des praticiens et des membres des collectivités admettent que ces locaux représentent ce que les collectivités peuvent offrir de mieux. Dans la plupart des collectivités, la piètre qualité des services téléphoniques constitue une véritable préoccupation. Les problèmes associés au téléphone entraînent des frustrations chez les juges, les avocats et leurs clients dans les affaires qui mettent en cause des parties qui se trouvent dans des collectivités différentes.