La Cour de justice du Nunavut - Évaluation formative
7. Avis concernant l'efficacité global de la CJN
- 7.1. Introduction
- 7.2. La communauté juridique
- 7.3. Les membres des collectivités et les comités de justice communautaire
- 7.4. Résumé : l'efficacité globale de la Cour de justice du Nunavut
7. Avis concernant l'efficacité global de la CJN
7.1. Introduction
Les répondants clés et les personnes interrogées au sein des collectivités, y compris les membres des comités de justice communautaire, ont été invités à donner leur avis quant à l'efficacité globale de la CJN à répondre aux besoins des Nunavummiut en matière de justice.
Une des préoccupations sérieuses que partagent tous les répondants œuvrant au sein de l'appareil judiciaire et des comités de justice communautaire est celle du manque de programmes sur le territoire. Les personnes interrogées ont souvent mentionné le besoin d'établissements de traitement et de réhabilitation pour les contrevenants et les victimes, de programmes de prévention destinés aux jeunes, et de programmes d'application et de surveillance impliquant davantage de services de probation dans l'ensemble des collectivités. Les personnes interrogées conviennent que ces questions ne relèvent pas de la CJN. Cependant, les gens s'accordent pour dire que ces lacunes ont une incidence directe sur la criminalité et les problèmes sociaux, ainsi que sur l'efficacité de la Cour.
7.2. La communauté juridique
Il est frappant de constater l'unanimité parmi les avocats pour considérer la Cour comme une institution solide qui fait de son mieux pour s'acquitter de ses fonctions dans des circonstances difficiles. Plusieurs avocats ont loué les efforts des juges et le rôle majeur qu'ils jouent dans la mise en place de mesures visant à améliorer l'accès à la justice au sein du système judiciaire et au-delà.
La plupart des avocats ont souligné le fait que la Cour est toujours confrontée à des difficultés majeures pour répondre aux attentes des collectivités. Cependant, selon la plupart d'entre eux, ces attentes étaient particulièrement élevées. Certains des répondants clés ont fait remarquer que la Cour concentre souvent l'insatisfaction résultant de problèmes sociaux plus larges – tenant en particulier à la santé mentale et aux problèmes sociaux qui y sont liés – parce que la Cour, contrairement aux services sociaux, est présente dans les collectivités et est confrontée aux conséquences ultimes de maux sociaux qui n'ont pas été traités. Comme il est indiqué plus haut dans ce rapport, le manque de ressources au sein des collectivités en matière éducative, sociale et sanitaire entrave la capacité de la Cour à répondre complètement aux besoins de la collectivité et à sa culture. Le manque de services de probation ne constitue qu'une partie du problème. Ces difficultés sont évidemment exacerbées par la géographie du territoire. En général, la plupart des avocats estiment que les lacunes de la Cour sont le fruit de facteurs sur lesquels la Cour de justice du Nunavut n'a pas d'emprise en tant qu'institution.
La structure unifiée de la Cour a été largement acceptée et est perçue comme une innovation réussie qui a permis d'améliorer l'efficacité des services judiciaires sur le territoire. Quelques avocats pensent que les comités de justice communautaire fonctionnent à leur pleine capacité, bien que les avocats ne croient pas pour la plupart que la CJN joue un rôle majeur pour aider ces comités à réaliser ce potentiel. Les avocats reconnaissent généralement que la Cour cherche constamment à étudier et à avoir recours à des mesures de substitution à l'incarcération. Le personnel associé à la Cour – qui comprend, entre autres, les juges – est généralement perçu au sein de la communauté juridique comme étant plutôt sensible aux ressorts culturels et communautaires du Nunavut, même s'il est toujours possible d'employer davantage de personnel inuit, particulièrement parmi les avocats, les juges et la direction de la Cour. Le sentiment général est que le droit de la famille est un domaine dans lequel la Cour a renforcé et amélioré ses services depuis sa création en 1999. Les avocats estiment que les Nunavummiut ont toujours un accès très limité à la justice civile, sans avocats résidents, ni procédures de petites créances, et peu de mesures de substitution disponibles en milieu communautaire.
Dans l'ensemble, la Cour a été très bien cotée par les avocats au niveau de sa capacité à traiter chaque affaire avec un niveau relativement élevé d'efficacité, d'équité et de sensibilité culturelle. La CJN est également bien perçue en ce qui concerne les progrès réalisés et les mesures prises pour effectuer certaines modifications et se réformer en vue de mieux servir les Nunavummiut.
7.3. Les membres des collectivités et les comités de justice communautaire
Les membres des collectivités qui ont participé à l'évaluation ont dans l'ensemble émis des avis favorables à l'endroit de la CJN. Ils semblent s'être approprié l'institution dans une certaine mesure depuis sa création en 1999. Alors que les attentes sont élevées, comme nous l'avons indiqué ci-dessus, nombreux sont les membres des collectivités à penser que la Cour est apte à résoudre des problèmes d'ordre social, parce qu'elle constitue l'institution administrative qu'ils respectent et à laquelle ils se fient le plus. Dans de nombreuses collectivités, c'est également l'organisme administratif que les résidents voient le plus régulièrement.
Les membres de la collectivité ont fréquemment mentionné la compatibilité des services de la Cour avec les besoins des collectivités. À titre d'exemple, les juges ont été félicités pour avoir instauré des groupes consultatifs composés d'aînés et de jeunes et pour avoir respecté les membres de ces groupes. Les membres des comités de justice communautaire reconnaissent l'importance du fait que la Cour – par l'entremise des procureurs de la Couronne – permette le renvoi des dossiers aux comités.
Les membres des collectivités ont cependant certaines préoccupations, qui ne se rapportent pas directement à la CJN mais plutôt à l'appareil judiciaire dans son ensemble. Comme cela est souligné plus haut dans ce rapport, les résidents des collectivités sont souvent contrariés par le temps que peut prendre le traitement d'une affaire. Les personnes interrogées expliquent cette situation par les retards qui découlent de certaines insuffisances du système et, dans de nombreuses collectivités, du nombre trop faible de circuits. Comme il est fait remarquer plus haut, nombreux sont les membres des collectivités qui ont insisté sur la tension associée au fait d'avoir à attendre l'arrivée de la Cour de circuit, parfois des mois après la commission d'une infraction. Encore une fois, ce fait pose particulièrement problème dans les affaires de violence familiale, puisqu'il peut raviver des problèmes qui ont déjà été réglés par la conciliation.
En règle générale, les membres des comités de justice communautaire estiment que la Cour s'acquitte bien de sa mission, tout en souhaitant le plus souvent que davantage d'affaires soient renvoyées devant leur comité, aussi bien avant qu'après la mise en accusation (tout en reconnaissant que les renvois préalables à la mise en accusation relèvent de la GRC). Ces mêmes comités veulent d'ordinaire être en mesure d'assurer davantage de médiations, même s'ils admettent que les contraintes en termes de délais constituent de possibles obstacles. Les comités disent également avoir besoin de formation en techniques de médiation et de plus de soutien administratif afin d'atteindre pleinement leur potentiel[46].
7.4. Résumé : l'efficacité globale de la Cour de justice du Nunavut
Tant les praticiens que les résidents des collectivités, y compris les membres des comités de justice communautaire, considèrent que les services rendus par la CJN se sont grandement améliorés depuis 1999 et que la Cour s'est affirmée comme une institution qui fonctionne bien, en dépit de circonstances très difficiles. Alors qu'il reste des améliorations à mettre en œuvre – comme, par exemple, en augmentant le nombre de circuits, en réduisant davantage les délais de traitement des affaires et en confiant de plus grandes responsabilités aux comités de justice communautaire – la plupart des personnes interrogées sont satisfaites des normes actuelles en matière d'administration de la justice et au niveau des activités de la Cour.
L'ensemble des personnes interrogées étaient préoccupées par le manque de programmes en milieu communautaire, notamment en matière de services de probation. Toutes s'entendent pour dire que cela ne relève pas de la responsabilité de la CJN, et reconnaissent généralement que le manque de ressources constitue le principal problème. Cependant, les praticiens et les membres des collectivités estiment que ce problème nuit à l'administration de la justice.
[46] Le souhait des comités de justice communautaire d'assumer de plus grandes responsabilités varie selon les collectivités. Dans certaines d'entre elles, les comités ont de l'expérience et bénéficient de l'appui des résidents de la collectivité, tandis que dans d'autres, les comités sont parfois récents et relativement inexpérimentés et ne voient pas forcément d'un bon œil le fait de recevoir davantage de responsabilités dans un avenir proche. Les comités visés par notre étude et situés à Pangnirtung, Qikiqtarjuaq, Rankin Inlet et Iqaluit ont tous exprimé le souhait d'être saisis de davantage d'affaires et d'assurer des médiations.
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