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Tableau de bord sur l’état du système de justice pénale

Comprendre ce que vivent les femmes et les filles autochtones en matière de victimisation et de violence

Les femmes et les filles autochtones sont non seulement plus susceptibles que leurs pairs non autochtones d’être victimes ou survivantes d’actes criminels, mais elles sont aussi beaucoup plus susceptibles de subir des actes de violence particuliers, notamment des agressions physiques ou sexuelles ou de la violence conjugaleNote de bas de page 91. Les taux plus élevés de victimisation avec violence chez les femmes et les filles autochtones ne peuvent pas s’expliquer pleinement par les facteurs de risque habituellement associés à la victimisation, comme les mauvais traitements pendant l’enfance, les troubles sociaux dans son quartier, l’itinérance, la consommation de drogues et une mauvaise santé mentale. Même en tenant compte de ces facteurs et d’autres facteurs de risque, il est clair que le fait d’être autochtone constitue, en soi, un facteur de risque de victimisation avec violence pour les femmes autochtones Note de bas de page 92.

  • Violence envers les femmes et les filles autochtones

    La violence conjugale est la cause la plus répandue de la victimisation avec violence des femmes, représentant 45 % de tous les incidents violents signalés à la police Note de bas de page 93. Selon les données communiquées par la police, les femmes sont plus susceptibles de subir la violence d’un membre de leur famille que de qui que ce soit d’autre Note de bas de page 94. Toutefois, dans le cas des femmes et des filles autochtones, le risque d’être victime des actes violents d’un partenaire intime ou d’un autre membre de la famille est beaucoup plus élevé que chez les femmes et les filles non autochtones, et les actes de violence perpétrés sont souvent plus fréquents et plus graves Note de bas de page 95. Bien que la violence familiale et la violence conjugale constituent des menaces très importantes pour la sécurité des femmes et des filles autochtones, la violence subie à l’extérieur du foyer et le nombre élevé d’agressions aux mains de personnes qu’elles connaissent peut-être à peine représentent également une menace plus importante pour elles que pour les femmes et les filles non autochtones Note de bas de page 96.

  • Homicides

    Les femmes et les filles autochtones sont plus souvent victimes d’attaques violentes que leurs pairs non autochtones, et ces attaques sont plus susceptibles d’être mortelles. Chaque année, les femmes et filles autochtones victimes d’homicide représentent entre le cinquième et le quart, au moins, de tous les cas de féminicides au Canada, ce qui se traduit par un taux de féminicide de 4,5 à 7 fois plus élevé environ que celui établi pour toutes les autres femmes et filles, selon l’année visée Note de bas de page 97. La différence entre les femmes et les filles autochtones et les autres est encore plus marquée dans le Nord Note de bas de page 98.

    Selon les recherches menées dans le cadre de l’Initiative canadienne pour la prévention des homicides familiaux Note de bas de page 99, les femmes autochtones sont également plus susceptibles d’être victimes d’un homicide commis par un partenaire intime, affichant des taux huit fois plus élevés que ceux observés chez les femmes non autochtones au Canada Note de bas de page 100. Les auteurs du rapport ont indiqué que la colonisation, le statut socioéconomique défavorisé, le racisme systémique et interpersonnel ainsi que la violence intergénérationnelle pouvaient tous contribuer dans une large mesure à ces taux beaucoup plus élevés.

  • Femmes et filles autochtones disparues

    Dans la grande majorité des cas de disparition signalés à la police, aucun acte criminel n’est commis et la personne est rapidement retrouvée saine et sauve. Toutefois, les efforts déployés pour établir une corrélation entre les cas de disparition et les homicides ont permis de constater que dans pas moins d’un homicide sur cinq où la victime est une femme, la disparition de la victime avait auparavant été signalée à la police Note de bas de page 101. Les femmes et les filles autochtones sont largement surreprésentées parmi les personnes depuis longtemps disparues dont le cas n’a toujours pas été résolu Note de bas de page 102. Compte tenu des limites que présentent les données de la police, il est probable que dans d’autres cas de disparition de femmes et de filles autochtones, l’origine ethnique de ces dernières n’ait pas été reconnue, de sorte que le nombre de cas pourrait être encore plus élevé Note de bas de page 103.

  • Protection contre la violence

    Pour bon nombre de femmes et de filles autochtones, en particulier pour celles qui vivent dans les collectivités éloignées et du Nord, il n’existe aucune solution facile pour échapper à la violence au foyer. Bien que certaines collectivités puissent offrir des refuges, l’espace et les options de transport limitées peuvent avoir une incidence sur l’accès à ces derniers. Le manque de logements permanents ou abordables à long terme peut également poser problème Note de bas de page 104. En plus de contribuer aux pressions exercées sur la famille, le manque de refuges à proximité et les graves pénuries de logements dans certaines collectivités font en sorte qu’il est également plus difficile d’obtenir un répit en se réfugiant temporairement chez des membres de la famille ou des amis Note de bas de page 105.

    « Le manque de programmes pertinents d’un point de vue culturel et de lieux culturellement sécuritaires [...] peu[t] générer des obstacles importants pour les femmes et les filles autochtones qui accèdent aux refuges et aux services. » (Cercle national autochtone contre la violence familiale et Femmes Autochtones du Québec Inc. 2017)

    En outre, il est possible que les refuges ne soient pas en mesure d’offrir un espace culturellement sécuritaire aux femmes autochtones, et les refuges qui sont dirigés par des Autochtones manquent en général de ressources et sont souvent surchargés comparativement à ceux qui offrent leurs services dans d’autres collectivités. Les taux d’occupation élevés et le roulement important du personnel sont également des problèmes pour les refuges en activité dans le Nord. En l’absence de refuges accessibles, la grave crise causée par le surpeuplement et les logements inadéquats persiste dans de nombreuses collectivités autochtones et peut signifier que les femmes n’ont aucun endroit où échapper à la violence Note de bas de page 106.

  • Sous-estimation de la violence envers les femmes et les filles autochtones

    Comprendre la fréquence et la nature de la violence envers les femmes et les filles autochtones requiert des données de qualité. Il existe toutefois d’importantes lacunes en la matière qui limitent ce que nous savons à ce sujet Note de bas de page 107. Par exemple, les statistiques nationales sur les crimes déclarés par la police – à l’exception des données sur les homicides – ne sont pas accessibles pour le moment selon l’identité autochtone. Cela dit, des efforts sont actuellement faits en vue de combler cette lacune.

    En juillet 2020, Statistique Canada et l’Association canadienne des chefs de police ont annoncé qu’ils travailleraient de concert afin de permettre aux services de police de rendre compte des données sur les Autochtones dans les statistiques sur les crimes déclarés par la police en ce qui concerne les victimes et les personnes accusées Note de bas de page 108. Bien que cela représente une étape importante dans l’élaboration des données autochtones, d’autres problèmes continueront probablement d’avoir une incidence à cet égard.

    La violence envers les femmes est généralement peu signalée; toutefois, pour les femmes et les filles autochtones, il existe d’autres obstacles au signalement. Par exemple, les femmes autochtones, qui risquent davantage de voir leurs enfants pris en charge par l’État, peuvent être particulièrement préoccupées à l’idée de s’adresser aux autorités Note de bas de page 109. Des études ont également révélé qu’en raison des préjugés entretenus, les Autochtones en sont venus à être considérés comme des victimes moins importantes par la police, voyant leur crédibilité remise en question et leurs demandes d’aide ignorées ou non soutenues de manière adéquate Note de bas de page 110.

    Le manque de données administratives sur l’identité autochtone des victimes et le nombre élevé de cas non signalés à la police rendent les enquêtes sur la victimisation particulièrement importantes pour comprendre la violence envers les femmes et les filles autochtones. Cela dit, les enquêtes sociales reposent sur la collecte de données par téléphone ou en ligne et, plus rarement, en personne. Les gens qui ont moins accès à la technologie ou qui travaillent des heures irrégulières peuvent être plus difficiles à joindre. Cela peut inclure certaines femmes autochtones qui, en tant que groupe, sont davantage marginalisées sur le plan socioéconomique. De plus, de nombreuses enquêtes sociales, y compris les plus importantes enquêtes nationales sur la victimisation au Canada, ne font pas la collecte de données dans les réserves, ce qui diminue encore davantage la capacité de comprendre la façon dont les femmes autochtones subissent cette victimisation avec violence.

    C’est pourquoi les taux réels de crimes violents contre les femmes et les filles autochtones et l’écart observé par rapport aux femmes et aux filles non autochtones sont probablement sous estimés.

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