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Tableau de bord sur l’état du système de justice pénale

Comprendre les expériences des femmes et des filles des Premières Nations, inuites et métisses avec le système de justice pénale

Les femmes et les filles des Premières Nations, inuites et métisses sont surreprésentées dans le système de justice pénale du Canada, aussi bien en tant que victimes et survivantes qu’en tant qu’accusées et délinquantesNote de bas de page 75. Par exemple, en 2014, les femmes autochtones étaient deux fois plus susceptibles que les hommes autochtones et trois fois plus susceptibles que les femmes non autochtones de se déclarer victimes de violenceNote de bas de page 76. Bien que les femmes autochtones ne comptent que pour 4 % de la population féminine d’âge adulte, elles représentaient 42 % des femmes placées en détention dans les établissements provinciaux et territoriaux et 40 % des femmes détenues dans les établissements correctionnels fédéraux en 2017-2018. Ces proportions sont à la hausse depuis plus de 10 ansNote de bas de page 77.

Les jeunes filles autochtones sont également surreprésentées dans le système de justice pour jeunes et sont plus susceptibles d’être placées en détention que leurs pairs non autochtones. En 2017-2018, un peu plus de la moitié des filles détenues dans les établissements provinciaux et territoriaux étaient d’origine autochtoneNote de bas de page 78.

Bien que les données sur l’interaction des femmes et des filles des Premières Nations, inuites et métisses avec le système de justice pénale soient présentées dans le tableau de bord comme si celles ci formaient un groupe unique, les Autochtones du Canada ne constituent pas une seule et même population s’exprimant d’une même voix. Ils sont plutôt membres de nations distinctes qui présentent des histoires, des cultures, des identités, des connaissances, des langues, une compréhension du monde et des expériences sociales différentes. Dans la mesure du possible, une approche fondée sur les distinctions est adoptée pour présenter les données sur les différentes nations autochtones. Toutefois, la plupart des données statistiques actuellement accessibles indiquent que ces gens sont des personnes autochtones, mais sans préciser les groupes distincts auxquels ils appartiennent.

La présente section du Tableau de bord fournit un aperçu de l’expérience des femmes et des filles autochtones au sein du système de justice pénale. Elle contient des renseignements concernant les répercussions sexospécifiques du colonialisme, un aperçu des expériences de victimisation et de violence des femmes et des filles autochtones et de ce qu’elles vivent au sein du système correctionnel et une description des mesures mises en place pour tenter de corriger le problème de leur surreprésentation.

Bien que les femmes et les filles autochtones vivent des expériences semblables en ce qui a trait aux répercussions sexospécifiques du colonialisme, à la violence et au cheminement menant à la criminalité, les différences qui existent entre le système de justice pénale pour adultes et celui pour jeunes font en sorte que l’expérience globale de chacune s’avère particulière. Des renseignements sur le système correctionnel pour adultes sont fournis dans la présente section du Tableau de bord, qui pourra être élaborée davantage ultérieurement afin d’y inclure des renseignements supplémentaires sur le système correctionnel pour jeunes.

Il est important de souligner qu’il ne s’agit pas ici d’une analyse exhaustive de la documentation sur l’expérience des femmes et des filles autochtones au sein du système de justice pénale. Les présentes sections ont plutôt pour but de fournir des renseignements contextuels à l’appui des données sur les résultats présentées dans le Tableau de bord concernant la surreprésentation des femmes et des filles autochtones. Les références utilisées pour rédiger ces sections ne constituent qu’un petit échantillon de la documentation abondante qui existe dans ce domaine d’étude. Pour de plus amples renseignements, cliquez sur Études

  • Répercussions sexospécifiques du colonialisme

    Les femmes et les filles autochtones sont beaucoup plus susceptibles que leurs pairs non autochtones d’être victimes de crimes violents, en particulier des formes extrêmes de crimes violents, y compris d’homicideNote de bas de page 79. Parallèlement, les femmes et les filles autochtones sont nettement surreprésentées au sein de la population carcérale canadienneNote de bas de page 80 et cette surreprésentation ne cesse d’augmenterNote de bas de page 81. D’après un grand nombre de recherches, notamment les récentes commissions d’enquête nationales et provincialesNote de bas de page 82 et les enquêtes menées par des organismes internationaux de défense des droits de la personneNote de bas de page 83, les répercussions sexospécifiques du colonialisme sont un facteur déterminant qui contribue à la sous protection et à la surcriminalisation des femmes et des filles autochtones.

    Le fait que les peuples autochtones ont été dépossédés de leurs terres et de leurs territoires, qu’ils se sont vu imposer les systèmes de droit et de gouvernance occidentaux et que leurs enfants ont été retirés massivement de leurs familles et de leurs collectivités a causé à tous ces peuples un préjudice durable considérable. Toutefois, les femmes, les hommes et les personnes bispirituelles autochtones n’en ont pas tous ressenti les effets de la même façon.

    « Le statut et le rôle des femmes variaient selon les nations […] [L]es colons européens ont noté l’influence de ces dernières dans des sphères telles que la vie familiale, le mariage, la politique et la prise de décision, et les pratiques cérémonielles. » (CRPA 1996).

    Selon la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA), les colons européens ont remarqué, dès leurs premières rencontres avec les peuples autochtones, le rôle essentiel que les femmes jouaient non seulement dans la famille, mais aussi dans tous les aspects de la collectivité, notamment en tant que décideuses.

    Toutefois, suivant la colonisation, les peuples autochtones ont été contraints de se conformer aux concepts européens se rattachant aux normes hétérosexuelles et patriarcales, en vertu desquelles une plus grande importance était accordée aux rôles et aux responsabilités politiques, économiques et culturels des hommes, alors que ceux des femmes étaient dévalorisésNote de bas de page 84. L’adoption de l’Acte des Sauvages en 1876 (maintenant la Loi sur les Indiens), qui définissait explicitement le statut d’Indien en fonction de la filiation patrilinéaire et réservait les droits politiques et de propriété exclusivement aux hommes, a renforcé cette réalité. Le système de justice pénale a été utilisé afin de faire respecter les lois et les politiques coloniales et pénalisait ceux qui opposaient une résistanceNote de bas de page 85.

    Ce contexte historique a façonné la compréhension qu’ont les Autochtones du système de justice pénale, l’expérience qu’ils en ont et les rapports qu’ils entretiennent avec ceux qui y travaillent. Par exemple, des générations de familles autochtones se sont vu retirer leurs enfants de force dans le cadre du régime des pensionnats indiens et par le système de protection de l’enfance, y compris pendant la rafle des années 1960. Selon le Recensement de 2016, plus de 21 000 filles des Premières Nations, inuites et métisses vivaient en famille d’accueil, ce qui représente près des deux tiers de toutes les filles prises en chargeNote de bas de page 86. Le rôle des services de police dans le retrait des enfants a eu une influence si déterminante sur leur relation avec les peuples autochtones que, dans la langue des Carrier Sekani, par exemple, le terme utilisé pour désigner les policiers se traduit par « ceux qui nous enlèventNote de bas de page 87». De telles associations ont inévitablement une incidence sur la confiance qu’ont les femmes autochtones envers le système de justice pénale.

    Les idéologies européennes, en vertu desquelles une moindre importance doit être accordée à la vie des Autochtones, en particulier des femmes et des filles autochtones, ont façonné les idées reçues et les attentes de la société à leur égardNote de bas de page 88. Cela a eu une incidence durable sur la façon dont les femmes autochtones sont perçues dans la société, les exposant ainsi à un risque accru de victimisation avec violenceNote de bas de page 89.

    Les répercussions du colonialisme et la structure imposée par les attitudes et les croyances de la société ont donné lieu à des traumatismes intergénérationnels répétés, qui ont de profondes répercussions, mais qui ne sont généralement pas pris en compte dans les statistiques juridiques officielles. Cela inclut la dévalorisation des femmes et des filles autochtones en tant qu’êtres humains qui méritent le respect et la protection de la loiNote de bas de page 90.

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