Projet de loi C-51 : Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi

Le projet de loi déposé par la ministre de la Justice et procureur général du Canada le 6 juin 2017 témoigne de la volonté constante du gouvernement du Canada de faire en sorte que le système de justice pénale protège les Canadiennes et les Canadiens, tienne les contrevenants responsables de leurs actes,fasse preuve de compassion à l’égard des victimes et respecte la Charte canadienne des droits et libertés.

Le projet de loi aurait pour effet :

  • de clarifier certains aspects du droit relatifs à l’agression sexuelle qui touchent le consentement, l’admissibilité de la preuve et la représentation par avocat des plaignants;
  • d’abroger ou de modifier plusieurs dispositions du Code criminel que les cours d’appel ont jugées inconstitutionnelles, ainsi que d’autres dispositions qui sont susceptibles d’être déclarées inconstitutionnelles;
  • d’abroger plusieurs infractions criminelles devenues désuètes ou inutiles; et
  • d’exiger que la ministre de la Justice dépose au Parlement une déclaration concernant la Charte qui décrit les répercussions sur les droits et libertés garantis par la Charte de chaque nouveau projet de loi du gouvernement.

Dispositions concernant l’agression sexuelle

Conformément à l’engagement pris par le gouvernement de faire en sorte que les victimes d’agressions sexuelles et de violences fondées sur le genre soient traitées avec une réelle compassion et le plus grand respect, ce projet de loi apporterait plusieurs modifications visant à clarifier et à renforcer les dispositions relatives à l’agression sexuelle du Code criminel. Quelques-une des modifications proposées tiennent compte des jugements de la Cour suprême du Canada et visent certaines applications erronées des dispositions du droit actuel. Plus précisément, le projet de loi aurait pour effet :

  • de modifier l’article 273.1 afin de clarifier qu’une personne inconsciente est incapable de donner un consentement, ce qui reflète le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. J.A. (2011);
  • de modifier l’article 273.2 afin de clarifier que la défense de croyance erronée au consentement est irrecevable si l’erreur est fondée sur une erreur de droit – par exemple, si l’accusé croyait que l’omission de résister ou de protester était un signe de consentement. Cela codifierait certains aspects du jugement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Ewanchuk (1999);
  • d’étendre les dispositions sur la protection des victimes de viol pour inclure les communications d’ordre sexuel et les communications à des fins sexuelles. Ces dispositions du Code criminel précisent que des preuves relatives au comportement sexuel antérieur d’une ou d’un plaignant ne peuvent pas être utilisées pour étayer une conclusion qu’elle ou il était plus susceptible d’avoir consenti à l’activité sexuelle à l’origine de l’accusation ou qu’elle ou il est moins digne de foi (ce qu’on appelle les « deux mythes »);
  • de reconnaître le droit d’un plaignant à se faire représenter par un avocat lors de procédures portant sur la protection de victimes de viol;
  • de mettre en place un régime pour déterminer si un accusé peut produire à un procès les dossiers personnels d’une ou d’un plaignant qui sont en sa possession. Cela apporterait un complément au régime en vigueur qui régit la possibilité qu’un accusé obtienne les dossiers personnels d’une ou d’un plaignant qui sont entre les mains d’un tiers.

Dispositions ayant été jugées inconstitutionnelles ou qui sont semblables à d’autres dispositions qui l’ont été

Les dispositions qui ont été jugées inconstitutionnelles par les tribunaux ne devraient plus être appliquées. Toutefois, elles demeurent dans le Code criminel jusqu’à ce que le Parlement les modifie ou les abroge. Le présent projet de loi rend le droit plus clair et il aiderait à éviter la confusion et les erreurs en faisant en sorte que les lois sur papier reflètent les lois en vigueur.

L’abrogation de dispositions très semblables à celles qui ont été jugées inconstitutionnelles par les tribunaux permettrait d’éviter des litiges longs et coûteux pour obtenir le même résultat. Ceci peut également éviter des retards judiciaires.

Voici des exemples de dispositions qui seraient abrogées ou modifiées parce qu’elles ont été jugées inconstitutionnelles ou parce qu’elles sont semblables à des dispositions qui l’ont été :

Libelle diffamatoire
Le projet de loi modifierait la définition de « publier » utilisée pour décrire des infractions de libelle diffamatoire, à savoir une atteinte permanente ou semi-permanente à la réputation d’une personne. Une partie de la définition (l’alinéa 299c) a été jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême du Canada (R. c. Lucas, 1998) parce que sa portée était trop large et qu’elle portait atteinte à la liberté d’expression.
Présomptions en matière de preuve
Les présomptions en matière de preuve sont des raccourcis judiciaires qui permettent aux procureurs de prouver un élément d’une infraction grâce à la preuve d’un autre fait qui ne constitue pas l’un des éléments de l’infraction. Ce projet de loi supprimerait les présomptions problématiques de preuve d’infractions liées aux jeux de hasard, au vol et à la possession de produits de la criminalité parce qu’elles pourraient mener à une condamnation même si un doute raisonnable a été suscité quant à la culpabilité de l’accusé.
Dispositions relatives à l’inversion du fardeau de la preuve
Les dispositions relatives à l’inversion du fardeau de la preuve prévoient qu’un accusé doit prouver ou réfuter quelque chose. Dans certains cas, elles peuvent donner lieu à une condamnation lorsqu’un doute raisonnable existe quant à la culpabilité de l’accusé et elles violent donc le droit d’un accusé en vertu de la Charte d’être présumé innocent tant qu’il n’a pas été déclaré coupable hors de tout doute raisonnable. Pour cette raison, les mesures législatives proposées aboliraient de nombreuses dispositions problématiques relatives à l’inversion du fardeau de la preuve. Ces modifications ne rendraient pas plus difficile de porter des accusations ou d’intenter des poursuites, et on s’attend à ce qu’elles évitent au système de justice des contestations fondées sur la Charte longues et onéreuses.
Crédits de détention préventive
Le paragraphe 719(3.1) a été promulgué en 2009 afin de limiter les crédits que le tribunal qui détermine la peine peut accorder pour la période qu’un délinquant a passée sous garde avant sa condamnation et le prononcé de la peine. Cette disposition prévoyait qu’un jour de crédit soit généralement alloué pour chaque jour de détention présentencielle. Les juges pourraient allouer un crédit majoré d’au plus un jour et demi si les circonstances le justifient, sauf dans les cas où la personne a été détenue essentiellement pour une condamnation antérieure ou pour le non-respect de ses conditions de libération sous caution. En 2016, dans l’arrêt R. c Safarzadeh-Markhali, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnel le motif de la condamnation antérieure, qui serait retiré du Code criminel avec l’adoption du projet de loi C-39. L’exception pour le manque aux conditions de la mise en liberté sous caution serait supprimée par cette mesure législative.

Dispositions désuètes ou inutiles

Le projet de loi éliminerait du Code criminel plusieurs infractions introduites il y a de nombreuses années, mais qui ne sont plus pertinentes ou nécessaires aujourd’hui, notamment :

  • Défier une autre personne à se battre en duel (article 71)
  • Annoncer publiquement une récompense pour la remise d’une chose volée en indiquant qu’« il ne sera posé aucune question » (article 143)
  • Imprimer, distribuer, publier ou avoir en sa possession aux fins d’imprimer, de distribuer ou de publier une histoire illustrée de crime (alinéa 163(1) b)
  • Publier un libelle blasphématoire (article 296)
  • Affecter d’exercer la sorcellerie (article 365)
  • Émettre des bons-primes (article 427)

Le projet de loi éliminerait aussi d’autres infractions qui sont inutilement spécifiques et visent des conduites qui pourraient être visées efficacement par d’autres dispositions du Code criminel le cas échéant. Par exemple, les infractions suivantes seraient éliminées parce que la conduite visée pourrait être abordée par d’autres dispositions en matière de fraude :

  • Se faire passer pour un candidat à un examen universitaire (article 404)
  • Représenter faussement que des marchandises sont fabriquées par une personne détenant un brevet royal (article 413)
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